Si certain(e)s en doutaient encore, non la vague black metal venue d'Islande n'était pas un événement passager ni même un simple effet de mode. A croire, d'ailleurs, que les années se suivent et se ressemblent, car après la déferlante Misþyrming prise de plein fouet et prenant tout le monde de court en début 2015, c'est désormais au tour de Naðra d'effectuer ce tour de force. Formée en 2008, la formation délivre sa première demo
Eitur en 2014, de façon confidentielle, en format digital et cassette via la petite structure islandaise Vánagandr (tenue par T. et D.G.), faisant également office de « clan » en regroupant divers groupes de ce pays. Il n'est donc pas étonnant de retrouver ici tous les membres de Misþyrming accompagné par Ö. (Mannveira, 〇, ex-Dysthymia) – aux vocaux. Mais rassurez-vous, le groupe ne fait pas dans un vil copier/coller et se démarque nettement en dépit de quelques traits communs – j'y reviendrai plus tard.
Eitur était déjà une bonne petite mise en bouche, laissant entrevoir de nombreuses qualités (lignes de guitares prenantes, mélodies épiques...) mais entraînant aussi son lot de frustrations par son trop court format et des ambiances qui tendaient à prendre davantage d'ampleur. Un défaut qui désormais n'est plus sur ce premier album
Allir Vegir Til Glötunar, où trois nouvelles compositions viennent se greffer à « Fjallið » et « Falið ». C'est d'ailleurs avec le premier morceau cité que s'ouvrent les hostilités, la formation vous happant d'entrée de jeu par des riffs heavy ainsi que des mélodies puissantes et ciselées. Naðra déroule son talent sans forcer, durant un peu plus de 4 minutes, montrant toute la richesse de son jeu et montant crescendo, avec une conclusion aussi jouissive que l'introduction. Les Islandais arrivent à créer des ambiances à la fois rageuses, froides mais également très oniriques grâce à de belles fulgurances et de nombreuses alternances entre parties très saccadées, passages ambiancés et/ou acoustiques (la conclusion de « Sár » avec son spoken word), mid tempo mélancoliques ou encore du up tempo poignant (« Fallið »). Si vous vous prenez à imaginer, dans un premier temps, des champs de batailles, des dieux nordiques (les chœurs sur « Falið ») et autres grandes traversées de contrées nordiques (l'intro de « Sár »), il n'en est pourtant rien ici. Le propos est tant opaque qu'ésotérique, à la manière de Misþyrming mais le côté orthodoxe en moins.
Pas de distorsions, d'atmosphères malsaines ni même d'odeur de soufre sur cet album, tout est à l'image de l'artwork – très ressemblant à celui de l'EP éponyme de
Geryon – réalisé par Skaðvaldur : lumineux. Naðra délivre une grande épopée où vous semblez pris dans l'action, survolant des paysages inconnus et traversant les cieux à dos d'Ouroboros. En résulte ce mélange assez singulier de rigueur et d'austérité somme toute religieuses (construction, base old-school, production organique) ainsi que de passion incontrôlée par ce flot continu d'émotions. Des émotions drainées en grande partie par des lignes mélodiques omniprésentes et grandiloquentes – vous renvoyant à la scène black metal norvégienne – mais aussi par les vocaux très expressifs de Ö. donnant véritablement du cachet à l'ensemble. Alternant entre agressivité (cf. le titre d'introduction), abattement (« Falið ») ou bien sensibilité accrue sur le très mélancolique « Sál », il magnifie les compositions en faisant monter l'intensité d'un cran. Et c'est dans ce côté à fleur de peau (se retrouvant déjà, dans une moindre mesure, sur
Söngvar elds og óreiðu), pour ne pas dire « emo », que ce dernier excelle et fait irrémédiablement penser à Lutomysl. Un travail d'orfèvre ainsi qu'une touche de modernité bienvenue, ne faisant que coller à l'esprit et aux chemins tracés par la formation.
En effet, les musiciens lâchent les vannes ici sans sombrer dans le poussif et en s'appropriant intelligemment les codes mais aussi leurs diverses influences. En résulte un
Allir Vegir Til Glötunar aussi personnel que monumental se concluant par un « Fallið » des plus variés (avec notamment ces notes de guitare acoustique éthérées), vous donnant des frissons au gré des minutes par ses riff heavy prenants et montant en puissance couplés à des chœurs ensorcelants. Impossible de décrocher une seule seconde même durant les passages plus lents (cf. « Sál ») qui ne font que mettre en relief le côté très immersif de cet album. Naðra effectue son entrée avec autant de réussite que d'élégance. Une bien belle surprise en ce début d'année qui ravira à n'en point douter les fans de la scène black metal islandaise mais également les amateurs/rices de black metal mélodique et racé.
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