Cela n’aura échappé à personne mais un vent de rééditions souffle maintenant depuis quelques années sur la scène underground. N’en déplaise à ces indécrottables vieux-garçons qui ne jurent que par les éditions "first press", cela a tout de même permis à certains d’entre nous de mettre la main sur des albums non pas nécessairement oubliés mais avant tout hors de prix voir même complètement introuvables (à moins de camper Internet en attendant quelques prophétiques alertes Discogs...).
Certaines de ces rééditions sont également l’occasion de découvrir des groupes passés pour la plus part inaperçus. Des groupes dont il ne restait jusque-là pas grand-chose si ce n’est probablement quelques souvenirs émus partagés par ceux ayant eu à l’époque le bon sens de poser leurs mains sur ces enregistrements. Et si la qualité de ces albums varie évidemment d’une réédition à une autre, celles-ci réservent parfois de (très) bonnes surprises comme c’est le cas aujourd’hui avec les Allemands de Dark Millennium.
Formé en 1989 et actif jusqu’en 1993, le groupe a récemment repris du service comme pour mieux coïncider avec cette série de rééditions parue en octobre 2015 chez Century Media. Le label propose ainsi de (re)découvrir l’intégralité du catalogue de Dark Millennium soit les albums
Ashore The Celestial Burden (1992) et
Diana Read Peace (1993), tous les deux sortis en leur temps sur Massacre Records ainsi qu’une compilation tout à fait inédite intitulée
Out Of The Past regroupant les démos
The Apocryphal Wisdom (1991) et
Of Sceptre Their Ashes May Be (1992). Une relecture complète et plutôt fidèle (remastering en plus) de la discographie de Dark Millennium proposée à cette occasion dans des digipacks de qualité agrémentés à chaque fois d’un court texte et de quelques photos d’époque. Parfait pour saisir le contexte particulier qui entoure chacun de ces enregistrements.
Si c’est l’artwork de la compilation
Out Of The Past qui m’a poussé à m’intéresser au cas de Dark Millennium, je dois bien reconnaitre que je lui préfère celui de ce premier album pour son côté abstrait et étrange à la fois. Il s’agit là du travail d’un certain Alexander Freund qui, hormis trois pochettes pour le groupe allemand, ne semble pas avoir réalisé quoi que ce soit d’autre dans l’univers du Metal. De quoi vous donner une idée de la portée de ce
Ashore The Celestial Burden à sa sortie...
Pourtant, ce premier album réserve bien des surprises. Car loin d’imiter bêtement ses cousins scandinaves et/ou américains (avec quelques années de retard), Dark Millennium s’applique à produire un Death Metal bien plus personnel, empruntant autant au Doom qu’à la musique progressive. Une vision audacieuse et plutôt nouvelle pour l’époque qui va ainsi apporter à ce
Ashore The Celestial Burden une couleur et une identité toute particulière. Faisant déjà bande à part aux débuts des années 90, ce premier album de Dark Millennium conserve encore aujourd’hui toute sa singularité. Une preuve que la formule déployée par les Allemands, en plus d’être pertinente, était déjà pleinement maîtrisée puisqu’en dehors de la production, rien ne vient trahir l’âge avancé de cette première livraison longue durée.
Une forte personnalité, voilà en effet ce qui caractérise Dark Millennium et son Death Metal quelque peu atypique. Construit en (très) grande partie sur du mid-tempo (ces fameuses influences Doom évoquées plus haut), les quelques moments plus soutenus (du tchouka-tchouka bien marqué) sont aussi rares que remarquables. Cette quasi-absence ne fait ainsi que renforcer la pertinence et l’impact de ces passages venus rompre avec cette lourdeur hystérique et menaçante à l’image de ces séquences : "Below The Holy Fatherlands" à 3:55, la première minute de "Spiritual", "Black Literature" à 2:11 et 3:33, "Father Legatus: Of Symbols, Nature And Birth" à 1:34, "Wizardry Assemblage" à 2:31 et "Medina’s Spell" à 0:45. Des montées en pression réjouissantes venues apporter un soupçon de variété à une musique qui pourtant n’en manque pas.
Car au-delà de cette question de rythme et de dynamique, Dark Millennium tire surtout son épingle du jeu grâce à quatre autres atouts majeurs : des constructions complexes et tarabiscotées, une qualité d’écriture indiscutable (notamment en ce qui concerne les riffs et ces atmosphère qui s’en dégagent), celle tout aussi remarquable des arrangements et enfin la voix de son chanteur Christian Mertens. A la manière d’un Type O Negative, Dark Millenium juxtapose ainsi nombre d’idées au sein d’un même titre dans un ensemble pourtant toujours extrêmement cohérent. Une vision unique et audacieuse qui confère à ce
Ashore The Celestial Burden un certain génie, entre Death Metal tantôt technique tantôt progressif. Car si l’affiliation ne saute pas toujours aux yeux, nombreux sont ces passages à rappeler des groupes tels qu’Atheist, Cynic, Death ou Pestilence dans ce qu’ils ont d’exigeant et d’inattendu.
Cette architecture plutôt alambiquée, pensée ici dans ses moindres détails malgré quelques transitions parfois abruptes, ne serait rien d’autre que de la poudre aux yeux sans les riffs aboutis et inspirés du duo Michael Burmann/Hilton Theissen. Et à ce titre les deux allemands ont décidés de rapidement planter le décor avec l’excellente introduction de "Below The Holy Fatherlands" qui, d’emblée, ne laisse aucun doute quant à la qualité du riffing en y apportant une touche de mélancolie évidente. Une première impression rapidement confirmée sur les neuf titres restants puisque soyons clair, il n’y a rien à jeter, même après plus de vingt-ans. A ce constat extrêmement positif, vient s’ajouter un très grand nombre de solos et de leads capables de vous hérisser le poil et surtout de vous transporter dans un ailleurs, entre ciel et terre, aussi étrange et abstrait que l’artwork d’Alexander Freund ("Below The Holy Fatherlands" à 0:45 à 2:44, "Spiritual" à 2:30. "Black Literature" à 1:49 et 4:04, "Inside The Sunburnt Thoughts Of Frost" à 5:28, "Father Legatus: Of Symbols, Nature And Birth" à 4:26, "Beyond The Dragon’s Eye" à 0:30, 3:40 ou 5:40, "Wizardry Assemblage" à 3:12, les premières mesures de "Medina’s Spell3 ainsi qu’à 2:10 ou encore sur "The Atmosphere" à 2:05.
On peut également compter sur les nombreux arrangements que compte ce premier album pour apporter du caractère, de la personnalité et de la mélodie au Death Metal de l’entité allemande. Cela se traduit notamment par de nombreuses séquences (électro) acoustiques plus ou moins longues disséminées ici et là sur des titres tels que "Inside The Sunburnt Thoughts Of Frost" et ses sonorités orientales à 1:38 et 2:16, "Father Legatus: Of Symbols, Nature And Birth" à 1:24, à 2:08 et 4:15, "Beyond The Dragon’s Eye" à 1:51 ou encore "The Atmosphere" à 0:22... Il y a également d’autres passages tout aussi intéressants comme par exemple ce break aux sonorités tribales sur "Spiritual" à 1:07, ce court passage aux notes synthétisées sur "Inside The Sunburnt Thoughts Of Frost" à 1:15 ou bien encore quelques notes discrètes et éparses de synthétiseur. Bref, chaque écoute semble révéler quelques points de détails passés jusque-là sous silence. Une richesse qui fait de
Ashore The Celestial Burden un disque toujours aussi agréable à écouter puisqu’on à cette impression d’y découvrir de nouvelles choses à chaque fois.
Enfin, mentionnons également le chant de Christian Mertens qui tend à se distinguer quelque peu de ces voix growlées plutôt caractéristiques dans le milieu. En effet, celui-ci préfère opter pour un chant plus arraché. Une voix moins profonde mais capable de faire passer davantage d’émotions là où, en général, un chant plus Death offre moins de variations. Dans le cas présent il n’est pas rare de ressentir de la haine et surtout beaucoup de rage dans la voix de Christian Mertens. Un chant abrasif servant à exprimer une critique acerbe de la religion en général et du christianisme en particulier. Les paroles sont écrites intelligemment et ne tombent pas dans ces clichés que nourrissent bien des groupes, encore aujourd’hui. Certaines intonations sont également assez étonnantes comme notamment ce passage à 3:21 sur "Beyond The Dragon’s Eye" où la voix de Christian ferait presque penser à celle de Dave Mustaine.
Les écoutes répétées voir successives de
Ashore The Celestial Burden n’ont à ce jour toujours pas entamé mon enthousiasme. Au contraire, elles l’ont même renforcé. Un signe plutôt révélateur de la qualité de ce premier album dont je me surprends régulièrement à mettre le doigt sur de petits détails ou tout simplement à me dire que tel ou tel passage est sacrément bien fichu. De fait, il paraît bien difficile de comprendre pourquoi le nom de Dark Millennium n’est pas plus (re)connu dans le milieu tant ce premier album ne ressemble à aucun autre. Quoi qu’il en soit, on ne peut que remercier le label Century Media pour ces rééditions qui personnellement m’ont permis de faire la connaissance de ce groupe à la personnalité bien trempée. Un premier essai des plus convaincants mais qui n’aura pas été réitéré puisque les Allemands semblent avoir cherché à approfondir l’aspect progressif de leur musique, quitte à perdre de cette rage et de cette d’agressivité. En attendant, si vous n’êtes pas réfractaires au Death Metal mid-tempo et que vous aimez les groupes avec de la personnalité, je vous conseille vivement de jeter une oreille à la discographie de Dark Millennium et plus particulièrement à cet album particulièrement excellent.
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