J'aime m'imaginer comme quelqu'un de plutôt intelligent jusque dans mes goûts, que j'estime affirmés et raffinés (oui, ne pas se prendre pour de la merde tend à vouloir transformer ce qu'on touche en or, comme en alchimie). Mais, en étant honnête envers moi-même, je suis un beauf. La preuve : le dernier film que je souhaite aller voir n'est pas une sélection de la Berlinale ou celui à l'affiche dans le cinéma d'art et d'essais de ma ville, mais Deadpool, dont les bandes-annonces me font frétiller d'impatience avec leurs blagues grasses, leurs auto-références et leurs scènes d'action en mode turbo. Un blockbuster que j'espère réjouissant dans son déballage proche du débile.
Normalement, vous devez commencer à voir où je veux en venir :
Ezekiel's Hags est, à son niveau, un blockbuster. Un blockbuster sludge, ce qui peut sembler absurde mais, une fois l'idée assimilée, qui prête à sourire non pas pour se moquer mais bien de joie. Signature chez le triple-A Relapse, moyens augmentés (dont on sent l'utilisation jusqu'à un son chromé, toujours typique mais atteignant directement la ligne rouge du cadran estampillé Fury Road), riffs au diapason, voix encore plus gourmande qu'auparavant... Dès les premières secondes, Seven Sisters of Sleep explose (les blasts de « Jones ») comme dans un film avec Jason Statham mais doté d'un budget d'une production Marvel, avec le soin apporté à chaque élément qui va avec.
Bien que totalement sludge,
Ezekiel's Hags ne fait penser aux figures tutélaires du genre que par détours, une version réactualisée, abordable, speed et bien emballée type « Dystopia à l'époque où même les hypermarchés ont leur drive ». Une direction que le tubesque
Opium Morals laissait entrevoir et qui prend son plein développement ici. Bien que tablant une nouvelle fois sur ce qui fait leur attrait depuis
leur EP de 2012, les Ricains comblent le manque de prise de risque par des compositions offrant le meilleur de ce qui moleste actuellement, de la petite pépite entêtante de lourdeur (« Third Season » ou « War Master » par exemple) à l'accélération surprise qui patine délicieusement sur « Gutter ». De quoi vivre quelques grands moments parfaitement orchestrés, le gloubi-boulga sludge/crust/grind/death/black pratiqué ici avançant à toute berzingue mais avec fluidité. Sûr qu'aux États-Unis, on n'a pas beaucoup d'idées. Mais on a du pétrole, et Seven Sisters of Sleep s'en sert à foison pour brûler ce qui passe sur son chemin !
Attention ! « Blockbuster » ne veut pas dire « vide de toutes substances » !
Ezekiel's Hags en possède clairement, d'origines diverses et en quantités plus que suffisantes, à commencer par cette voix particulière, violente, brouillée, pleine d'envies et de frustrations mêlées comme dans une version de Cowards pour amateur de free-fight, ainsi qu'une ambiance de rituel shamanique vécu les yeux rouges (les quelques intros et outros disséminées le long du disque). On se situe même pas loin du niveau de McTiernan sur certains titres comme « Denounce », « Prey » ou « Brother's River » et leur sens de la découpe punchy, où quelques lignes suffisent à courber le dos ou rêver à faire de la tête de son voisin et d'un mur une seule et même chose. Seulement, il ne s'appesantit pas dessus, fait passer cela entre deux courses-poursuites mid et up-tempo, le spectacle avant tout.
Forcément, un disque autant dans l'air du temps, bien dans les clous même dans ses moments les plus tapageurs, pousse, pour se rassurer sur son état, à vouloir décortiquer, faire l'esthète, ici un titre qui passe sans faire aussi mal qu'escompté (« Plateau »), là un morceau-bonus un peu trop à-part et long pour offrir un beau climax (« Bastard Son », issu du split avec Shaman's Owl et dont la présence en fin ennuie un peu malgré sa qualité intrinsèque) ou encore une accroche qui s'use un peu avec le temps (normal, tant on prend le temps de l'user !). Mais doit-on vraiment passer son temps à chercher la petite bête quand un truc taillé pour réussir... réussit, simplement ? À mon avis, non. Asseyez-vous et profitez de l'instant. Seven Sisters of Sleep s'occupe du reste !
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