Sale Freux - Demain, dès l'aube...
Chronique
Sale Freux Demain, dès l'aube... (EP)
Vous êtes laids, vous êtes moches ! La preuve, je lutte pour proposer des chroniques que vous parcourez sans lire. J’y mets un lien pour que vous découvriez la musique, vous ne cliquez pas dessus. Alors oui, vous commentez, mais pour me dire qu’il manque un accent dans « intéret ». Et au final vous avez déjà oublié le nom du groupe dont j’ai parlé moins d’une heure après votre visite. Vous êtes laids, vous êtes moches. Et je le suis tout autant. Je ne le nierai pas... Je ne ne lis les bafouilles de mes camarades que pour me rassurer que les miennes sont plus intéressantes. Je suis souvent déçu d’ailleurs, certains d’eux ayant le verbe plus affuté que moi.
Et toute cette laideur, toute cette frustration, j’aurais pu la mettre en musique. J’’aurais pu la chanter. Mais je ne suis ni musicien ni chanteur alors je me rabats sur le rôle plus simple à ma portée, celui d’auditeur. Et s’il y a un groupe qui parvient à appuyer là où j’ai mal, et donc à transmettre les sentiments enfouis en moi, c’est bien SALE FREUX. Il est bien l’un des meilleurs ambassadeurs français - et internationaux, ne faisons pas dans la modestie inutile - du dégoût et de la déception de notre condition humaine.
Ce sont des pulsions qui ont toujours suinté de la musique de Dunkel, et ce dès Subterraneus, premier album de 2010. Sur Thrashocore, nous avions fait l’impasse sur celui-ci, et jusqu’à maintenant seul L’Exil avait été chroniqué, par mes soins en 2012. L’un de mes premiers écrits en ces lieux d’ailleurs. J’y vantais les qualités de ce black metal du terroir, également testé et approuvé par Famine. La tête de PESTE NOIRE avait effectivement signé SALE FREUX sur son propre label et même participé à l’enregistrement. Les guitares étaient de son fait sur quelques passages. La collaboration ne s’est pas répétée. Famine est laid, Famine est moche. Il a décidé de ne plus sortir que ses propres albums sur La Mesnie Herlequin, laissant donc AUTARCIE, DIAPSIQUIR et SALE FREUX se trouver un autre refuge.
Dunkel n’en a pas été marqué plus que cela, et il a finalement pris exemple sur son « cousin musical » en fondant France d’Oïl Productions. Il a commencé par rééditer en 2014 une version CD de « La Mélancolie des Pennes » (à l’origine de 2011) et a enchaîné avec de nouvelles compositions. Sous le nom de SALE FREUX ou de DRAKONHAIL, son autre groupe qui n’avait rien fait depuis 2011 et vient de proposer Opaque, split avec BROUILLARD. Et oui, certains d’entre vous ont peut-être raté quelques wagons, mais SALE FREUX a sorti Crèvecœur en 2015, album de 67 minutes, et Adieu Vat !, double CD en mars 2016. Nous parlerons sûrement de ce dernier dans les semaines qui viennent mais avant tout nous nous intéressons aujourd’hui à l’EP qui l’a précédé de quelques mois. Demain, dès l’Aube est paru le 7 janvier. Il ne contient que deux titres : « Demain, dès l’aube » et « L’isolement », mais totalise tout de même 32 minutes.
Ils n’auraient pas pu sortir sur un réel album, parce que même s’ils ont musicalement la patte SALE FREUX, ils sont portés par un concept qui les réunit et les rend uniques à la fois. Ces deux titres sont en fait la mise en musique de deux poèmes célèbres. Le premier est « Demain, dès l’aube... » de Victor Hugo, un poème de 1847 écrit pour sa fille morte quatre ans plus tôt. Il termine ainsi :
« Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur. »
Le deuxième est de Lamartine. C’est « L’isolement », paru en 1820 et traitant d’un thème similaire : la mort d’un être aimé. Le poète témoigne de la difficulté de survivre à ses défunts. Tout le monde a déjà lu au moins la fin de ce passage :
« Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières,
Vains objets dont pour moi le charme est envolé ?
Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,
Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé ! »
La mise en musique de poèmes sur la peine après la mort d’un proche. L’idée était dangereuse, elle a été parfaitement maîtrisée. Tout d’abord parce que ce ne sont pas des vulgaires lectures de vers, mais bel et bien une appropriation. Le monde de SALE FREUX est respecté. La voix n’essaie pas d’articuler plus que d’habitude et il faut avoir le texte sous les yeux pour comprendre. Dunkel hurle, crache, jure, grogne. Par contre, le concept a une influence sur la musique. Il fallait que Dunkel sorte des mélodies adaptées à la situation. La mélancolie devait se sentir. Et c’est le cas, il y a du dépit, de la torture, de l’abandon. Les paroles ne viennent pas prendre toute le place et les passages instrumentaux sont nombreux, nécessaires pour renforcer les ambiances. C’est ce qui a explique la durée d’apparence excessive : 10 minutes pour le premier, près de 23 pour le deuxième. Mais leur progression est sans faille, l’équilibre bien dosé. Ils n’ont pas de longueur.
C’est que Dunkel est habitué à retranscrire les émotions. Alors qu’un célèbre groupe expliquait que « les autres groupes jouent, MANOWAR tue. », j’ai envie de dire que « les autres groupes jouent, SALE FREUX vit ». Ses musiques, sur les albums précédents comme sur ces deux titres, sont des instantanés de vie. Ce sont les expériences de l’auteur qui imposent les compositions. Ils n’essaient pas de se créer une vie autour d’une musique, mais recrache ce que la vie lui a balancé dessus en musique. L’album précédent, Crèvecœur, contenait d’ailleurs certaines explications sur la situation. La vie de Dunkel sur les routes, son quotidien dans une caravane, ses emmerdes, l’obligation de vendre son bien et de retourner en Bretagne. Aucun doute, SALE FREUX est encore plus que les autres le reflet d’une vie. L’homme dit encore :
« Ces émotions crève-cœur dont il est question ici ne sont ni plus ni moins des émotions directement liées à cet héritage qui est à tous le nôtre : l’homo sapiens. L’homme qui pense. La belle affaire. Héritage de merde ouais. La vie qu’on nous a infligée, il faut la transcender, l’avilir, la baiser, l’écorcher. »
Et plus tard :
« Merci aux amis vosgiens pour avoir recueilli ma gueule paumée en janvier. (...) Traînant sur les routes du monde entier, sans domicile fixe volontaire, pour y crever libre comme l’air. Je suis mon propre oiseau. »
Tourmenté et instable. C’est ce qui fait SALE FREUX, sa voix écorchée. Elle est laide, elle est moche. Nous y revenons... Et c’est pour cela que la musique est nerveuse, mais aussi toujours prête à flancher. Les émotions sont là, souvent cachées. Moins donc sur cet EP qui se permet de lâcher prise. Il n’est absolument pas nécessaire d’avoir un intéret pour la poésie pour apprécier ces deux titres fortement recommandés. Ils sont tellement bons que la rumeur dirait que Richard Mortier et Marc Lavoine s’en seraient inspiré pour faire chanter « Liberté » de Paul Eluard aux Enfoirés !
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