Récemment, j'ai pensé à l'année qui venait de s'écouler et j'ai été pris d'une soudaine envie d'écouter Cursed. Ce n'était pas réfléchi mais je crois que le lien est évident. En premier lieu car un groupe ayant aussi bien mérité son nom par une existence faite de galères en pagaille – dont le vol de son matériel et son argent en fin de tournée dans un squat allemand (ayant mis un coup final à la formation qui se séparera suite à cela) n'est que la face visible de l'iceberg – va bien à l’enchaînement de mauvaises nouvelles que 2016 a « offertes ».
Mais non, ce n'était pas la raison principale. Somme toute, on peut vivre dans un monde comme celui-ci. On y arrive bien tous les jours, juste en étant un peu irrité au quotidien. Non, si j'ai décidé de retourner vers Cursed, c'est que j'avais besoin d'ironie, de rage, de la seule énergie qui réussissait, en cette fin de semaine, à me faire me lever le matin sans trop penser au monde et à moi dedans. Un régulateur comme un autre, à mettre au même rang que les jeux vidéos bourrins, les films gore ou le sport. Chacun ses catharsis temporaires.
Et, des années après sa découverte, Cursed reste un des meilleurs pourvoyeurs de ce genre de moments où l'on expulse des émotions non autorisées dans la vie courante. Ho, bien sûr, il est toujours celui qui a enfanté une tripotée d'enfants suivant ses pas, toujours celui qui a créé un « avant » et un « après »... Mais avant tout toujours celui qui, dans ce petit jeu de « qui sera le plus enragé », met une calbote à toute une scène. Hardcore aussi vital, noir, arraché, pulsions positives au service du négatif, hardcore aussi « hardcore », ne se rencontre pas à tous les coins de rue. Et, au-delà des notions d'histoire, de culte, de qui-qui-l'a-dit-en-premier, les Canadiens auront directement laissé leur empreinte dans le béton avec ce premier album, par la seule chose qui compte au final quand il s'agit de musique extrême : leur colère.
Oui, ce longue-durée reste aujourd'hui une des choses les plus énervées que j'ai pu rencontrer, juste au dessus de ce roquet avec lequel j'étais coincé une fois dans une salle d'attente et un poil en dessous d'un certain
Jane Doe, petit disque méconnu de Converge. Formation avec laquelle
One possède quelques similitudes, tout en s'en démarquant par une attitude punk et sombre renvoyant aussi bien au terrorisme déprimé de His Hero Is Gone qu'à la hargne naturelle de Neurosis. Mesdames, messieurs, Chris Colohan au micro : difficile de faire hurleur plus vrai, sincère, qu'ici, sa voix rugueuse, sans artifice, transmettant son nihilisme de la meilleure des façons, par des textes ravageurs dans lesquels on peut déceler un humour ricanant, où la rébellion est consciente de sa propre défaite. Sûr, ce ne sera pas ce petit groupe de hardcore qui changera la face du monde, de même que vous et moi avec nos liens d'articles appelant à faire bouger les choses. Cursed le sait bien, défie toute posture, devenant cette entité morbide où les cocktails molotov ne sont que des rêves brûlant l'intérieur.
Et puis il y a ces petits tubes que les Canadiens aiment balancer sans crier gare, comme « God And Country », « Nineteen Seventy Four » et « Opposable Thumbs », accrocheurs comme quand on prend au col pour mettre à terre, ou encore ce déroulé implacable de morceaux avançant pleine bourre, dans une constante fuite en avant. Grind, crust, hardcore, sludge... Cursed fait de ses éléments des évidences, détruisant les chapelles, ne se refusant rien jusqu'à des grands écarts que seul lui arrive à gérer aussi bien (« How Great Things Happen When You Give Up Hope », montrant de manière presque mélodique mais certainement bagarreuse que son talent ne tient pas qu'à son frontman), allant jusqu'à synthétiser sous le signe du mal des images aussi différentes que des bastons en zone urbaine, des vomissements à l'abri des immeubles, des situations sociales pas franchement enviables ou encore ces instants où l'on marche un peu trop vite le regard dans le vide, nos amis se demandant de loin si tout va bien.
Mais point de poésie du mal-être. On ne va pas faire semblant :
One est de ceux qui ne laissent pas de petites loupiotes allumées, même pas celle de se sentir grand dans la douleur. Il est juste un exutoire qui a perfectionné son art, faisant de ses contraintes des qualités trente-deux minutes durant. De la violence, pure et simple. Un défaut ? Impossible d'en trouver un, même si j'avoue lui préférer
III: Architects Of Troubled Sleep. Une hérésie, je sais. Mais je vous dirai pourquoi plus tard, une fois que je l'aurai autant saigné que j'ai saigné
One ces derniers jours. Peut-être quand je penserai à 2017, qui sait...
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