Avant d'entamer la chronique du nouvel album de The Senseless, le candidat à la présidence de Thrashocore tient à revenir sur les accusations d'emploi fictif à son encontre. Il est en effet soupçonné d'avoir touché plus de 10€ TTC pour avoir écrit trois chroniques ces deux dernières années, soit cent-cinquante-trois fois plus que le taux horaire annuel moyen de ces crétins de chroniqueurs sur internet qui n'ont décidément rien compris au marché de l'emploi.
Au delà de la procédure judiciaire, c'est au lectorat thrashocorien et à lui seul que j'en appelle. Ceux qui me suivent comme ceux qui me combattent. Je ne céderai pas, je ne me rendrai pas, je ne me défilerai pas. Parce qu'au delà de moi, c'est la chronique qui est défiée. Je serai au rendez-vous que le webzine et lui seul nous donne pour choisir notre avenir musical. J'y serai avec une détermination redoublée. Je ne permettrai pas que le seul choix qui nous soit collectivement donné soit celui de la folle aventure de l'extrême Ikea (c'est comme Ikea, mais en encore plus ambigu sur le genre) ou de la continuation de l’œuvre de Chris, qui nous a mené à cette situation déplorable. Je n'accepte pas que tout s'organise pour nous amener un pas après l'autre dans la voie du renoncement, du déclin, de l'oubli de ce qui fait notre grandeur musicale. Thrashocore est plus grand que nous. Thrashocore est plus grand que mes erreurs. Il est plus grand que les partis pris d'une large partie de la presse (franchement, allez voir Horns Up si vous ne me croyez pas, c'est dramatique). Il est plus grand que les emballements de l'opinion elle-même. Et c'est parce que je suis fermement décidé à servir ce Thrashocore là, que je m'opposerai de toutes mes forces à ce que le hasard ou le calcul décide de son sort et de l'avenir des Thrahsocoriens au moment d'une considération décisive. Je vous le dis avec gravité. Ne vous laissez pas abuser. Ne laissez personne décider de votre choix. Parce que votre voix seule doit décider de notre avenir commun. Et parce que ma volonté de servir est plus grande que les accusations qui sont portées contre moi, je vous demande de résister. Je le fais. Ma famille le fait, malgré tous les tourments. Ma famille musicale le fera. Et au delà d'elle tous ceux qui croient qu'à la fin, seul le lectorat peut décider. Oui je serai candidat à la présidence de Thrashocore.
Non je déconne. On se revoit dans deux ans pour la prochaine chronique.
Souvenez-vous, c'était il y a un peu plus de deux ans. Dans
une interview dont le talent de l'intervieweur n'avait d'égal que celui de l'interviewé, Sam Bean disait explicitement que son prochain album serait un peu plus sombre, sans doute pas aussi rapide, et qu'il reviendrait à la formule du one-man band, étant revenu vivre en Australie loin de son compère Leon Macey. Il a en effet tenu parole, puisque
The Buried Life, comme son nom l'indique, ne respire pas particulièrement la joie de vivre. Il faut dire qu'après la mort de sa nièce de quatre ans (dont il précise non sans humour noir qu'elle a été « percutée par un 4x4 devant toute la famille, y compris le chien ») et le décès d'un ami proche l'an dernier, il avait bien des raisons de broyer du noir. Quand bien même la plupart des titres ont été écrits il y a plusieurs années, la tonalité positive de
The Floating World a laissé place à une vraie mélancolie, des sonorités plus sombres, des riffs moins enjoués et même des vocaux un peu plus profonds. Évidemment, quand j'évoque la mélancolie, les moins virils d'entre vous s'imagineront du post-shoegaze et de l'emo-doom, mais puisque vous n'êtes pas Ikea si vous avez déjà écouté une fois The Senseless, vous devriez vous douter qu'on reste purement dans un registre de death metal, alternant mid-tempos plutôt mélodiques et riffs d'une vitesse supersonique.
Certes,
The Buried Life joue moins la carte des tempos extrêmes que son prédécesseur, qui reste sans doute un des albums les plus hallucinants de rapidité de l'histoire, mais le départ de Leon Macey, évidemment remplacé par une boite à rythmes admirablement bien programmée, permet le retour de quelques rares blocs aussi inhumains que monolithiques de grosse caisse, pour un rendu forcément plus massif quoique moins impressionnant quand on connaît le subterfuge. Mais si les tempos ont globalement baissé, la violence demeure le propos majeur de nombreux moments, au premier rang desquels on trouve « Brutum Fulmen », un titre d'à peine deux minutes qui rappellera sans problème de bons souvenirs aux nostalgiques du
Dissimulate de The Berzerker dans ses riffs les plus rapides, les transitions aux accents rock en plus. Pourtant, c'est sans doute dans ses moments les plus apaisés que ce nouvel album marque le plus, avec l'imparable dernière partie de « Apophenia » ou le tubesque « Reclaiming Valhalla ». Là où les baisses de régime trouvaient peu grâce à mes yeux sur
The Floating World,
The Buried Life fait preuve d'un équilibre vraiment impressionnant dans la qualité, avec des titres plus nuancés et une belle variété dans les ambiances.
Sans avoir changé son style d'un pouce, The Senseless élargit un peu plus ses horizons en proposant un album très long et perpétuellement changeant ; à l'image d'un Sam Bean qui explore tout le spectre vocal dont il dispose, d'un «Everything You Asked For » dont le débit évoque encore une fois The Berzerker jusqu'aux hurlements d'un « Idle Wild » qui lui ont coûté sa voix ces derniers mois, avec la possibilité triste qu'il ne puisse jamais reprendre le micro un jour. Et ce serait bien dommage, car
The Buried Life est encore une fois un excellent moment à passer, bien plus long que son prédécesseur du haut de ses 52 minutes, mais également bien plus varié et peut-être un peu plus personnel encore. On lui pardonne volontiers de ne pas retrouver souvent les accents enjoués et le style ultra efficace d'un « Walk » si c'est pour mettre autant l'emphase sur les passages purement accrocheurs – où, encore une fois, « Reclaiming Valhalla » brille par son évidence et la justesse de ses vocaux alors qu'il aurait pu être composé par Carcass en 1991. Cet album est l'épuration du death metal jusqu'à son riffing le plus simple, le plus évident, et le plus accrocheur possible. Et si cet exercice difficile trouve rarement grâce à mes yeux, quand il est fait avec autant de talent et de bon goût, je ne peux que m'incliner et reconnaître qu'on touche là à l'essence du style, sans excès de zèle ni volonté passéiste absurde de revisiter tout ce qui a déjà été fait avant. The Senseless reste un groupe qui trouve l'originalité sans forcément la rechercher, simplement en prenant le pari de proposer une musique à la fois sobre et dépaysante.
Quand « Beyond Applause » retentit, avec son rythme de musique de taverne bucolique d'un western de John Wayne, on est un peu triste que le voyage prenne déjà fin sur une note définitivement nostalgique d'un temps où le monde était un peu moins sérieux et beaucoup plus serein. Pour tous ceux qui seront déjà en manque, il y a le très bon titre bonus offert par mail à tous les anciens acheteurs de
The Floating World, et pour les autres il y a l'attente d'un quatrième album dont j'ai déjà pu entendre la démo d'un titre qui – ça va vous surprendre – sonne exactement comme du The Senseless. Alors on attendra bien sagement, en réécoutant régulièrement ce
The Buried Life qui ne fera que se bonifier avec le temps, quand bien même il se livre entièrement à l'auditeur dès les premières écoutes, sans risque de dépayser l'amateur du groupe avec son style si direct et intuitif. On pense tour à tour à Bolt Thrower, à Carcass, forcément à The Berzerker, mais surtout au style un peu fourre-tout des précédents The Senseless, et si vous ne les avez pas encore écoutés je vous enjoins vivement à le faire. Parce que c'est notre projet. Euh, non, pardon, parce que c'est vachement bien. Et si vous cherchez un death metal aux touches de grind old-school, qui a la spontanéité du death metal des débuts tout en restant original et personnel, vous ne trouverez guère mieux ailleurs. Et surtout pas dans les chroniques de ce félon d'Ikea, dont la bassesse culturelle n'a d'égal que la vilenie de ses écrits. Votez contre ce système qui vous a depuis trop longtemps imposé du post-death metal chiant et un affaiblissement du produit musical brut, votez pour moi !
[La Marseillaise retentit]
Cette chronique est financée par l'association des chroniqueurs à la retraite pour le changement du personnel au sein de Thrashocore.
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