Formicarius - Black Mass Ritual
Chronique
Formicarius Black Mass Ritual
Si l’heure de gloire du Black Symphonique est passée depuis longtemps celui-ci n’est pas encore mort, car régulièrement ici et là émergent de nouvelles formations prêtes à reprendre le flambeau d’un genre un peu tombé en désuétude. Car comme d’autres avant lui l’effet de mode a eu pour résultat l’arrivée de nombreux combos de piètre qualité, qui ont fini par l’achever et le faire pratiquement disparaître de la sphère métallique. Aujourd’hui presque deux décennies après son arrivée en force seuls quelques grands noms subsistent auprès d’un public qui pour la plupart est passé à autre chose, pourtant le Royaume-Uni semble en être toujours aussi fan car si HECATE ENTHRONED et surtout CRADLE OF FILTH sont toujours actifs, des petits nouveaux venus de Londres semblent bien décidés à faire le trou. Après s’être formé en 2014, et sorti en autoproduction un single de trois titres l’année suivante, le quintet composé de musiciens expérimentés passe directement à l’étape supérieur, tout en se retrouvant signé chez les Allemands de Schwarzdorn Production, avec pour ambition de perpétuer le style sans le réinventer.
Car durant trois-quarts d’heure l’album des Britanniques nous fait faire un bond dans le passé en reprenant des éléments déjà existants, mais sans tomber dans les excès techniques, horrifiques et vocaux de Dani Filth et ses sbires, et c’est tant mieux. Ici malgré une large palette et un vrai niveau d’écriture, le combo a décidé de rester plutôt sobre et de ne pas faire une multitude de breaks où cassures qui finissent par tomber à plat, de ne pas user et abuser du synthé (qui sonne trop souvent kitch à vouloir trop en faire), le tout en n’étirant pas trop ses compositions sur la durée. « Lake Of The Dead » et « Under Darkness » déjà présentes sur le single de 2015 (et réenregistrées pour l’occasion) donnaient déjà un bon aperçu du talent du groupe qui variait les tempos et ambiances au maximum, le tout en ne dépassant pas les quatre minutes, ce qui leur permettait de garder leur accroche sans déperdition. L’expérience acquise avec les nombreux concerts donnés depuis, notamment en première partie de NEGURA BUNGET, HATE ou bien NOCTEM, se remarque avec les nouveaux morceaux qui sont un peu plus longs mais qui conservent toute leur spontanéité comme on le voit avec « Overlord » à la fois martial et épique. Démarrant par des notes de piano et des roulements de caisse claire très militaire il se fait ensuite très entraînant et rapide, tout en y ajoutant des passages plus lents et lourds pour aérer l’ensemble et mieux repartir ensuite avec des blasts et des variations déchaînées, mais dont l’ensemble reste toujours parfaitement cohérent, et se voient rehaussés par un solo efficace et qui ne tombe pas comme un cheveu sur la soupe. D’ailleurs les interventions lead de Nazarkardeh sont relativement fréquentes et parfaitement exécutées, sans jamais tomber dans l’excès ou la démonstration, il se contente de faire le boulot afin de ne pas nuire aux arrangements de ses camarades de jeu, et l’on peut faire le même constat pour le clavier de Morath qui n’intervient que quand c’est nécessaire et sans jamais mettre les autres instruments au second plan.
L’autre force de cette galette est qu’elle n’est jamais linéaire, et même si certains plans reviennent de manière éparse ici et là on ne ressent jamais de lassitude, il faut dire que la variété des tempos y est pour beaucoup puisque l’on y trouve une large panoplie, afin de conserver sa densité et sa qualité. Le grand écart se fait entre « Where The Gods Go To Die » et « Abhorrent Feast Of Minds » qui se suivent mais ne se ressemblent pourtant pas, car pour le premier la priorité est donnée au mid-tempo et au remuant, et même si l’ensemble démarre sur les chapeaux de roue la suite va lui laisser moins de place, la vitesse va s’effaçant progressivement. Le second quant à lui est beaucoup direct et rentre-dedans, à la fois rapide et épique il laisse le champ libre aux riffs et à la batterie qui se déchaînent, tout en y ajoutant quelques orchestrations bien placées et agréables. Entre tout cela deux pièces-maîtresses se font entendre, tout d’abord le surprenant « May The Rats Eat Your Eyes » dont la partie centrale très lente et douce détonne avec les blasts ravageurs qui l’entourent, puisqu’ici on se retrouve plongé entre mélancolie et peur, et cela passe très bien le cap de l’écoute, à l’instar de « Master Of Past And Present » qui conclût l’album. On retrouve pendant plus de huit minutes toute la panoplie instrumentale de ses géniteurs, tout en y ajoutant de la nouveauté et de la surprise, notamment via son introduction acoustique d’une tristesse absolue (qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler le magnifique thème de Narciso Yepes utilisé en 1952 pour le film « Jeux Interdits » de René Clément), et dont le reste de la compo va en être influencé. On se retrouve plongé en plein recueillement via les notes de synthé, jusqu’aux obsèques finales par une série de solos plaintifs et délicats, où l’ensemble s’agglomère entre les cassures et pointes de vitesses furieuses pour éviter de trop tomber dans le larmoyant.
A la fois grandiloquent, classique et légèrement rétro ce disque est une vraie réussite, qui sans atteindre le niveau de ces glorieux ainés montre que ce genre n’est pas encore complètement mort, et qu’on peut encore y trouver de la qualité au milieu d’un océan de banalité voire de ridicule qui le remplit depuis un bon bout de temps (vu que ses leaders d’outre-Manche ou de Norvège tournent en roue libre depuis trop longtemps). Avec en prime une pochette magnifique signée Gary Ronaldson (qui a travaillé notamment pour NAPALM DEATH, BENIGHTED, KREATOR, MISERY INDEX …), ainsi qu'une production équilibrée et homogène, les Londoniens signent une œuvre vraiment intéressante où l’on ne s’ennuie quasiment pas et qui arrivera peut-être à redonner une deuxième chance et de l'intérêt à un style endormi et qui a véritablement besoin de sang-neuf.
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