CyHra - Letters to Myself
Chronique
CyHra Letters to Myself
Dans votre vie d'amateur de musique, vous avez sans doute déjà croisé un de ces fameux "All-Star bands", ces supergroupes composés de membres charismatiques issus de formations dont ils ont fait la renommée. Le résultat est d'ailleurs parfois bien en deçà des attentes qu'on peut y placer au regard du line-up de certains d'entre eux mais c'est un autre débat. Fraîchement formé cette année, vous lirez souvent accolé au nom de Cyhra cette fameuse étiquette de "supergroupe" alors qu'en y regardant de plus près, le contexte est un peu différent. Ex-In Flames, ex-Amaranthe, ex-Rhapsody, ex-Shining, ... Cyhra c'est plutôt le "club des Ex", un "All-Ex-Star band" regroupant des mâles dont la vie et la carrière musicale ne leur ont pas permis d'atteindre la gloire durable escomptée. Ce premier album qui n'a pas mis longtemps à voir le jour ressemble donc plus à un nouveau départ qu'à une parenthèse dans leur existence, avec des ambitions non dissimulées puisqu'il est là pour nous apporter "the next thing in metal". Rien que ça.
Sur Thrashocore, on est quelques-uns à avoir été élevés aux envolés mélodiques de la scène de Gotheborg dont In Flames était un des piliers. Alors forcément, quand on vous dit qu'un projet regroupe deux de ses membres les plus illustres, l'incontournable guitariste Jesper Strömblad et le récent bassiste démissionnaire Peter Iwers, il y a de quoi avoir une mi-molle. Si ce disque a atterri entre mes mains plutôt que celles de Chris ou Mitch (qui a quand même chroniqué le dernier Arch Enemy je tiens à le préciser), vous vous doutez bien qu'il y a un problème. Et ce problème s'explique en à peine 30 secondes avec le single et ouverture de ce premier essai : "Karma". Si vous n'avez pas encore vu et écouté le clip, je vous invite chaudement à arrêter la lecture de cette chronique et de revenir une fois la chose faite, je m'en voudrais de vous spoiler. Bon tout le monde a bien rigolé ? Je crois que le titre parle de lui-même, ceux qui espéraient encore retrouver la hargne des idoles de leur jeunesse peuvent quitter la salle. Je pense qu'on pourrait arrêter cette chronique ici mais dans un élan de professionnalisme et par respect pour mes parents et pour les travailleurs à la sauvegarde des moules du Languedoc, je vous livre la suite.
Donc "the next thing in metal" n'est pas forcément aussi excitante qu'elle en avait l'air. On peut néanmoins reconnaître à nos Suédois un certain talent pour brouiller les pistes. "Letters to Myself" est en effet un patchwork de plein de trucs, un croisement batard entre les gênes d'un In Flames et ceux d'un Within Temptation, la nervosité et les mélodies du premier, le côté pop et mélancolique du second, pour un résultat qui me fait énormément penser au metal gothique pêchu des Finlandais d'Entwine ; je trouve d'ailleurs à la voix de Jake E quelques intonations de Mika Tauriainen. A l'instar du single "Karma", leur musique se veut extrêmement directe et catchy, à coups de grosses rythmiques hachées, de leads mélodiques, de petites touches de piano et de refrains entêtants où le chant est roi. Bien que l'ensemble soit plutôt enlevé et rock'n roll, on retrouve également quelques titres plus posés par intermittences qui varient un peu le propos ("Muted Life", "Closure", "Inside a Lullaby"). Ce qui se dégage de cet album est assez paradoxal, d'un côté moderne avec une utilisation de l'électronique sobre et très bien sentie qui crée une atmosphère froide et aseptisée, d'un autre côté un peu kitch dans la manière d'amener le chant qui sonne Hard rock des années 90, particulièrement sur les morceaux les plus calmes. A propos du chant justement, que l'on aime ou pas, on ne peut que s'incliner devant les capacités vocales de Jake dont les possibilités semblent infinies, sachant concilier puissance et émotion avec une facilité déconcertante. N'ayant jamais eu l'occasion d'écouter un album d'Amaranthe, j'ai été agréablement surpris.
Vous l'aurez compris, c'est aux côtés des déçus que je me range. J'avoue avoir salivé à l'écoute des mélodies so-swedish de l'ami Jesper dont la patte fait malgré tout plaisir à entendre et qui nous fait l'honneur de nombreux riffs et solos savoureux. J'avoue aussi avoir beaucoup espéré en me disant que ce single ne serait qu'un produit d'appel. Malheureusement la réalité s'avère au final pire que ce que je pensais. Ce n'est pas tant le côté easy-listening et prévisible qui m'a dérangé mais ce sentiment d'entendre un groupe plus préoccupé à tenter de faire un truc qui marche au lieu d'un truc qui vient des tripes. Ca me parait tellement flagrant que l'écoute de ces 12 titres sonne pour moi comme une accumulation de clichés, aussi bien côté musique que côté textes. Trop lisse, trop manichéen, ce premier essai a souvent tendance à tomber dans le pathos et la niaiserie, manquant cruellement de subtilité entre Jake qui en fait des caisses, ces touches de piano tellement émo et certains leads d'un autre temps. Bien que le constat soit amer, je reste intimement persuadé qu'avec de tels musiciens, Cyhra aurait pu accoucher d'un bon cru ; "Letters to Myself" possède néanmoins une énergie communicative et parvient de temps à autre à provoquer un plaisir coupable que j'aurais aimé ressentir à plus d'occasions. En attendant une suite plus en phase avec les ambitions du combo, je vous recommande plutôt le dernier Entwine, "Chaotic Nation" qui, s'il n'est pas transcendant, a le mérite de faire le job.
| Dead 23 Octobre 2017 - 1322 lectures |
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