Lurker of Chalice - Lurker of Chalice
Chronique
Lurker of Chalice Lurker of Chalice
Dans son cœur, quelque chose semblait murmurer inlassablement : « Le ver de la corruption, le ver qui ne meurt pas », et dans son imagination se forma l'image grotesque d'un tas d'immondices putrides qu'agitaient sans cesse des choses rampantes, boursouflées et révoltantes.
Si bon nombre d'albums ne font qu'entrevoir l'abîme, dessinant des ambiances ténébreuses sans pour autant vous mettre en péril, d'autres comme l'unique long format de Lurker of Chalice semblent tout droit s'en extirper. Cet objet du mal non identifié a fait son apparition en 2005, déployant son lot de terreurs indicibles – que le temps n'a su altérer. Unique, c'est le premier mot qui vient d'ailleurs à l'esprit quand il s'agit d'aborder la bête. Car malgré des liens forts avec l’œuvre de Leviathan – autre monstre créé par Wrest –, cette dernière se démarque nettement par son côté plus jusqu'au-boutiste.
La question étant : jusqu'au bout de quoi ? Certes, on pourra s'extasier des ponts – véritablement avant-gardistes, tant des formations (Leviathan compris, cf. la fusion Massive Conspiracy Against All Life) se sont inspirées de cet album – que fait ici Wrest, louer les élans noise, acclamer ces atmosphères ambient et cold wave, où le black metal apparaît comme un sous-genre des musiques gothiques avant d'être un style de metal... Et à raison, tant il y a ici des obsessions, transformations et créations déroulées avec une main libre, comme soumise à des névroses et compulsions pouvant aisément passer pour illogiques aux yeux de la raison. Mais ce serait passer sous silence cette plongée qu'est cet essai ! Car Lurker of Chalice n'est pas qu'une occasion de laisser son maître s'adonner pleinement à ce qui transpirait dans son projet principal. Il est de ces disques dont on retient, malgré des moments marquants (ce liquide « This Blood Falls as Mortal Part III » par exemple), un sentiment au-dessus du reste, une tâche laissée après l'écoute devenant une part de nous-mêmes, qui semble avoir été toujours là. Un mélange de crasse qui enlace et rend las, une mixture sordide dans laquelle couler, un délice d'avilissement où le cru devient plus qu'une production, plus qu'un son que l'on recherche par accoutumance, mais une vérité où mirer une partie de soi. Autrement qu'une énième entité de DSBM appelant au meurtre de tous et de soi en particulier, Lurker of Chalice épluche cet amas de civilisation, politesses, humeurs positives et estime de soi qui nous fait tenir au quotidien. Le ver de la corruption, le ver qui ne meurt pas, est bien nous.
Chaque titre est là pour vous le rappeler, exhalant le remugle longtemps contenu dans vos viscères. Vos penchants les plus abjects et inavouables font surface au fil de l'écoute, attirés par les sonorités à la fois tortueuses et entêtantes ainsi que la voix inhumaine de Wrest. Rien d'excessif, poussif, seulement quelques notes – touchant juste –, une atmosphère glauque faite de répétitions ad nauseam. Certes le vortex implacable qu'est « Piercing Where They Might » vous explose en pleine face d'entrée de jeu (« Granite » faisant un bon rappel), vous poussant à détruire l'univers tout entier. Cependant le rythme va rapidement baisser d'un cran et vous engourdir les membres. Dans ce flot noir rampant, vous allez vous laisser couler et voir une singulière beauté se dégager de ces ambiances mortifères. Ici un climax spectral et vaporeux (« Spectre as Valkyrie Is »), là des notes de guitare tant sobres que mélodiques (cf. l'introduction de « Piercing Where They Might »), des chœurs cérémoniels ainsi qu'un jeu de batterie tout en touché sur « Paramnesia » ou encore un synthétiseur qui accentue le côté funèbre et cosmique des compositions comme sur « Minions ». C'est d'ailleurs lors de ses élans – tentaculaires, intemporels et inclassables – que l'emprise se fait davantage sentir. En s'affranchissant des codes, Lurker of Chalice impose les siens : lugubres, amoraux, ternes et fatalistes. Un fait d'autant plus frappant lorsque arrive la conclusion tellurique, formée par la neofolk « Vortex Chalice » et « Fastened to the Five Points ». La tension est nettement palpable, comme une sorte de crise de lucidité suivie de tiraillement entre bien et mal, le tout servi par une musique minimaliste.
Comme l'a dit un autre, il y a ce qui existe à l'extérieur et ce qui insiste à l'intérieur, une folie qui corrompt et noircit n'importe quel contexte, n'importe quelle réalité. Et ce n'est pas autre chose que créé en nous cette musique, ne semblant venir que de Wrest lui-même. Peut-être pourra-t-on critiquer que ses notes flottantes ne sont pas toujours aussi collantes qu'on s'en souvient, selon l'état d'esprit dans lequel on les écoute. C'est bien l'envers de la médaille de ce disque clairement sans-pareil, jusqu'à nous laisser nous aussi dans notre dimension habituelle par moments. Mais Lurker of Chalice, quand il emmène avec lui, nous fait voir le monde à travers ses yeux morbides, faisant qu'on n'arrive plus à fermer les nôtres, pris que l'on est par les murmures...
DONNEZ VOTRE AVIS
Vous devez être enregistré(e) et connecté(e) pour participer.
AJOUTER UN COMMENTAIRE
Par Keyser
Par Keyser
Par Lestat
Par Lestat
Par Sosthène
Par Sosthène
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par AxGxB
Par Deathrash
Par Sikoo
Par Jean-Clint
Par Troll Traya
Par alexwilson
Par Sosthène