Il n’y a que moi qui aie l’impression de voir Wrest racler les fonds de tiroir depuis quelques temps ? Fort occupé à habiller les œuvres d’autres par ses artworks – plaisants mais commençant à souffrir du syndrome « Paolo Girardi » en raison de leur omniprésence –, le monsieur aux multiples talents ne paraît pas pressé de les remettre aux services de ce qui le rend particulièrement précieux : sa musique, dont la dernière création marquante reste
Scar Sighted, dernier longue-durée (à l’heure actuelle) de Leviathan.
Clairement, si je n’en suis pas encore à douter de sa capacité à remettre tout le monde à genoux quand il se décidera à créer de nouveau en solitaire, Wrest me rend un peu dubitatif en ce moment. Passant sans trop de regrets sur les diverses compilations de son projet principal (
The First Sublevel of Suicide et
Unfailing Fall into Naught), ayant un sourire en coin en voyant les multiples éditions limitées de T-shirts, drapeaux, versions exclusives via son label Devout Records – il faut bien vivre –, j’ai vu en
Tellurian Slaked Furnace une goutte d’eau décidemment en trop.
Certes, l’idée de mettre Jeff Whitehead sur le même plan que Blake Judd niveau arnaque reste loin de ma tête, mais tout de même : quel est l’intérêt de sortir cette compilation, autrement que pour grappiller quelques sous sur le dos d’un projet devenu culte ? Inutile de rappeler
l’amour que je porte pour Lurker of Chalice et son unique album. Une œuvre qui m’a marqué à jamais et qui, au-delà de sa qualité intrinsèque, profitait de son caractère unique. Nécessairement, lui donner un appendice quelconque était prendre un gros risque à mes yeux, obligeant à une excellence ne faisant pas dans la demi-mesure.
Impossible donc de ne pas être déçu par cette compilation, en raison d’attentes trop hautes condamnant d’avance toute médiocrité ou simple moments plaisants. Et pourtant, il faut bien l’admettre : en dépit de quelques passages clairement ennuyeux (on peut penser aux versions embryonnaires de certains titres de son longue-durée, s’étirant inutilement) ainsi que des moments franchement mal foutus,
Tellurian Slaked Furnace est agréable. Agréable comme une musique qu’on lance pour habiller son quotidien, le temps de faire la vaisselle, lire un article, avant de partir de chez soi en oubliant qu’on l’a laissé tourner. En effet, l’ambient qu’il développe plonge tant dans l’incorporéité qu’il en devient invisible, là où l’œuvre principale se mêlait à nous pour ne plus nous lâcher. Douze morceaux pour soixante-neuf minutes, et pourtant le sentiment de les voir chercher à nous intéresser avec tant de timidité, de mal-assurance, qu’ils finissent par ne plus nous marquer, les imaginant s’excuser presque de leur mauvaise humeur.
Sans doute cela n’est-il pas gênant, l’oreille pouvant aller et venir à son envie dans ce disque facile à écouter, avec une distance à laquelle on s’habitue. Mais cela ne fait pas de
Tellurian Slaked Furnace une compilation à posséder, même en évacuant – difficilement – de son esprit « l’autre disque ». Car, même remaniée, même remixée, tout cela dans le but d’en faire un album à part entière, elle ne se dépare pas de son côté accessoire, donnant plus envie d’aller habiter cet autre côté qu’elle dessine de façon brouillonne. Au moins renforce-t-elle l’importance de la pièce maîtresse du défunt projet ! Elle parvient même à pousser à aller voir vers le trop oublié
A Silhouette in Splinters, disque ambient de Leviathan à la modestie proche mais autrement plus vicieuse. Quelque part,
Tellurian Slaked Furnace a donc quelques véritables mérites à exister. Mais – et cela me peine de le dire – c’est ici à peu près les seuls.
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