Hangman's Chair est passé dans une autre catégorie.
Oui, encore. Je ne sais plus où donner de la tête envers ce groupe qui, depuis
Hope / Dope / Rope, semble constamment évoluer.
This is Not Supposed to Be Positive paraissait déjà être la forme finale d'une mue entamée avec l'arrivée de Cédric Toufouti, la suite s'imaginant pour moi en traditionnelle « confirmation », schéma typique quand une formation sort une œuvre forte.
Et pourtant, Hangman's Chair est encore passé dans une autre catégorie, celle de ceux qui usent des ambiances cinématographiques sans en faire un cinéma. Simplement en déployant sa musique dans un esthétisme rare, une bobine ayant l'intention de magnifier une histoire loin d'être magnifique, catapultant la bande et sa banlieue (triste, assurément) dans un univers voisin de ceux de
Vertikal (Cult of Luna) et
Not For Music (Emptiness). Voisin, mais pas commun, tant on retrouve ici, de façon subliminale, cette tension hardcore (tout le monde n'a pas ce batteur et son art pour lier beatdown et cold wave derrière ses frappes), cette production de granit qui étouffe, donne à des mélodies hypnotisantes de simplicité des allures de poussières de béton. Tant on retrouve ici cette vitalité qui se cherche elle-même, second souffle mais souffle au cœur, dans une atmosphère enjôleuse malgré l'émotion terne qui nous enfonce toujours un peu plus. Hangman's Chair est passé dans cette catégorie-là – à vous de lui trouver un nom –, où les images multiples qu'il nous renvoie sont des échos à notre mémoire, celle qui fait mal, celle qui rappelle qu'on a vécu, vit et vivra, peu importe pour combien de temps encore, l'important étant de tenir son journal intime à jour dans ses veines et yeux fragilisés par trop de visions.
Mais au-delà de cette question de classification, est-ce que cela fait de lui un de ces groupes rares, uniques à leur manière ? Cheminer d'un stade à un autre n'est pas intéressant si l'ambition est de passer de dernier à Trincamp à dernier à Paris. Coup de tête, direct :
Banlieue Triste donne, plus encore que les autres œuvres de la formation auparavant, le sentiment d'être l'album que Hangman's Chair a toujours voulu composer, celui où les références à Type O Negative, Alice in Chains, Warning (Comment ? Vous n'y pensez pas vous, en écoutant cette voix d'or aux pleurs continus ?) se dépassent. Assez de rappels à autrefois, assez d'évaluation sur ce qui tient de la nostalgie des nineties, de marqueurs partagés (la France, pardi : ils n'ont pas besoin de chanter dans la langue du pays pour le rappeler) ou encore ce qui est neuf. Malgré que l'on retrouve dans les illustrations de ce disque, enchanté, des ponts faits à Balavoine, Belmondo ou
Maniac, acclamer cela ne serait que juger quelqu'un par son ADN, et non ses actes. Clairement, cet album est grand, en soi, grand car personnel, grand car, bien que durant moins longtemps qu'un film de Blier, Audiard ou Ossang – le finish de « Full Ashtray » et son texte de Georges Bataille qui, personnellement, me chamboule d'absurde grinçant et dystopique à la manière de
Le Trésor des Îles Chiennes –, il rend lessivé et consolé tel un long-métrage faisant office de miroir à nos propres tortures mentales. Que ce soit durant « Naïve » ou « 04/09/16 » (des singles bien choisis), la collaboration avec Perturbator de « Tired Eyes » (où l'on se promène dans les barres d'immeubles comme dans
Blade Runner) ou ce rayon d'espoir, cruel car seul et rendant hommage à un décédé, qu'est « Sidi Bel Abbes », c'est toujours cette sensation de parler de soi à travers d'autres que donne Hangman's Chair.
Malgré tout, il va bien falloir imaginer une marge de manœuvre ici, dans ces soixante-sept minutes marquées par un équilibre qui était la seule chose véritablement manquante à
This is Not Supposed to Be Positive. Pinailler sur cette absence de titres surgissant comme une plaie ouverte qu'avaient les précédents (« Flashback » ; « Open Veins »...) et ce, en dépit d'un « Negative Male Child » qui fait toujours hésiter sur son statut. Après tout, Hangman's Chair n'est pas encore de ceux qui remplissent les stades – même s'il va remplir les studios de Canal + prochainement, n'en doutons pas. Il reste un projet dont on peut encore parler sans fard sur ce webzine de vrai de vrai qu'est Thrashocore. Le populisme, dans cette musique pleine de cicatrices, de rustre, de râpeux, c'est pas pour demain ! Mais la voici clairement à son plus populaire – jusque-là –, dans le sens où elle touche du doigt ce qui fait communauté d'esprit, au point de ne pas imaginer vivre autrement qu'avec elle en bande-son constante.
Et vous savez le plus terrible dans tout cela ? Que je n'ai aucun doute que Hangman's Chair va encore grandir...
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