Si vous consultez d'autres webzines que Thrashocore – on ne vous en veut pas, ça nous arrive aussi –, vous avez sans doute déjà été mis au parfum de ce nouvel album de Hangman's Chair. Et, autant vous prévenir, vous n'allez pas apprendre grand chose de plus en lisant ces lignes, tant
This is Not Supposed to Be Positive pousse à l'unanimité. Grand disque, allez l'acheter si ce n'est pas déjà fait, accompagnez la mise du CD dans le lecteur avec une bonne bouteille de vin et n'oubliez pas de vous brosser les dents avant d'aller vous coucher sinon vous allez vous réveiller avec une haleine dégueulasse. Au revoir.
Pour les autres qui veulent rester sur cette page (mais vous pouvez très bien écouter
This is Not Supposed to Be Positive en même temps : on ne prend que vos yeux et une part minime de votre cerveau, après tout), je dirais que cet album, tout en réitérant la direction prise par les Parisiens depuis
Hope///Dope///Rope, précise un peu plus ce que Hangman's Chair transmet dans ses compositions.
Alice déchaînée,
Dax Riggs sorti de son bain d'acide,
Type O Negative utilisé comme donneur universel (j'y ajouterais même
The Gates of Slumber en baggy au regard de ces lignes solennelles, doom, qu'aime utiliser un titre comme « Cut Up Kids ») : les Français ont clairement un patrimoine génétique qu'ils ne cherchent pas à cacher, préférant appuyer au feutre les tendances qu'a pu avoir chacun dans ce gloubi-boulga des genres musicaux qu'étaient les nineties, de l'abrasivité aussi grunge que hardcore à la pop qui s'invite pour enfiévrer la soirée.
Et pourtant, ce quatrième longue-durée ne sonne à aucun moment comme un délire stérilement passéiste mais comme celui causé par les douleurs d'autrefois, celles qui reviennent en mémoire et qu'on a envie d'arracher de notre esprit. Si l'on pourra s'amuser à trouver ici ou là des rappels où se rendre nostalgique (j'ai pour ma part d'enfance le monument qu'est « Flashback » par exemple), la force de
This is Not Supposed to Be Positive est de ne jamais se présenter uniquement comme un vestige de ces temps, façon « qui aurait pu sortir en 93 ». C'est que, pardon, mais les personnes qui jouent cette musique-ci n'ont pas les belles tronches romantiques des musiciens de cette époque : elles ont des « gueules », marquées, burinées, et cela se ressent le long de ces cinquante minutes.
Que ce soit sur « Your Stone » et ses guitares rongées, « Dripping Low » et ses lignes vocales libérées ou « Dope Sick Love » et son blues urbain, il s'agit bien de vie – et donc, de hardcore – vécue et non remémorée, de vie avançant en dépit d'hier, de toutes ces choses plus ou moins personnelles qui veulent nous faire arrêter. En cela, je ne peux m'empêcher de voir en Hangman's Chair un frère d'un groupe comme
Cowards, dont, malgré une forme différente, il partage cette même atmosphère d'insomnie entraînant des balades dans un Paris nocturne pris comme compagnon. L'un comme l'autre ont la bataille aussi bien au corps qu'à l'esprit, le goût pour le bitume foulé et des frustrations en tête qui demandent à exploser... Une communauté d'esprit, évidemment français, où la dépravation et la dignité se combattent – et ce n'est pas cette superbe production râpeuse et harmonieuse signée Francis Caste qui me fera dire le contraire !
Mais le petit plus de Hangman's Chair ici, celui qui fait le prix de ce disque malgré une légère déception pointant le bout de son nez lors des pistes ambiantes et autres samples un peu lourds (choses que
Hope///Dope///Rope savait mieux gérer) est de prendre en traître jusqu'au bout et après, quand la séance se termine et qu'on se sent abattu et pourtant... heureux. Ceci n'est pas supposé être positif et cependant l'est, par une poésie qui donne envie de placer ici des mots éculés tels que « profond », « riche » ou « gracieux ». Les histoires de nuit blanche, aussi sordides puissent-elles être, prennent fin dans le matin :
This is Not Supposed to Be Positive évoque cela, donnant à ses pulsions de mort leur envers, rappelant cette chose toute simple, que le bonheur n'est pas ce rêve idiot de pureté immaculée mais a plus de chances de se trouver dans les blessures et leur acceptation.
« Heureux soient les fêlés, car ils laisseront passer la lumière », comme a dit l'autre.
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