...Et, comme escompté à la fin de ma chronique de
Banlieue Triste, Hangman’s Chair a encore grandi.
Il y avait pourtant de quoi s’inquiéter avec ce disque longtemps annoncé, aux bouts rendus publiques plusieurs mois avant sa sortie. Des bouts qui ne m’avaient que moyennement convaincus, les Français semblant plus attachés à donner des images léchées à leurs compositions – tout le monde n’a pas Béatrice Dalle dans ses clips, excusez – qu’à travailler à aller encore un peu plus loin, percer le voile nocturne de cette virée parisienne dont l’EP
Bus de Nuit emmenait au terminus. Une inquiétude qui dura le temps d’une écoute encore empreinte du pessimisme la précédant, avant d’être totalement conquis.
Car
A Loner montre un Hangman’s Chair prêt à abandonner les money-shots du cinématographique
Banlieue Triste pour embrasser une forme plus âpre, monolithique, proche d’un documentaire de ces existences fourmillant dans les barres d’immeubles qu’il chérit tant. Comme dans ce genre cinématographique, cet album prend son sens considéré dans son ensemble, ses scènes de la vie quotidienne devenant discours poignants une fois les éléments réunis. « An Ode to Breakdown » et « Second Wind » paraissent typiques, presque trop simples ? Insérées avec les couteaux dans la poitrine que sont « Storm Resounds » et « A Thousand Miles Away », elles deviennent les témoignages guidant les émotions, l’intimité qui se dévoile au fur et à mesure, regard face-caméra et visage enlevant son masque. « Cold & Distant » et « Loner » font peur avec leurs allures de tubes eighties, l’accroche cachant la fadeur ? Aux côtés du ciel bleu-pétrole et rose de « The Pariah and the Plague », crépuscule, nuit et aube réunis, elles deviennent les instants de grâce qui se captent par hasard, la beauté qui se cache dans un réel bétonné et uniforme (ces rythmiques longilignes et rugueuses, impassibles comme des trottoirs), cette poésie où les ensembles, leurs bords parallèles et angles perpendiculaires, abritent au sein de fenêtres-ruches des humains convexes, les lignes brisées faisant leur parcours.
Ne nous y trompons pas : Hangman’s Chair est toujours ce groupe qui a fait sienne une certaine tristesse urbaine, qu’il dégraisse de plus en plus de son décorum fier – les racines hardcore et stoner du groupe, présentes uniquement à l’état de matière ici – pour n’en garder qu’une certaine morosité chaude, la voix d’or de Cédric Toufouti errant au milieu de ce gris que l’on appelle en ces lieux le jour. Mais il se sert des références qu’il porte au cœur – plus que jamais, les mentions de The Cure (cf. le son et le jeu à la basse de Clément Hanvic), Type O Negative et Alice In Chains viendront à l’esprit – pour décrire un monde bien à lui, une France qu’on croise sans regarder, périphérique comme la vision qu’on lui accorde. Une France qui trouve ici son étendard, sans fard mais bien avec une intention propre.
Un documentaire n’est pas qu’une documentation du réel ; il en est un commentaire. Aidé par une dynamique fluide comme une marche en solitaire,
A Loner égrène sa démonstration, surligne les effervescences (« Storm Resounds » et son souffle au cœur), souligne ses mélodies (« Cold & Distant » et « Loner » sont plus que des tubes de passage : ils s’inscrivent pour ne plus nous quitter), aligne chant et instruments jusqu’à une production mettant sur le même plan doom, hardcore et cold wave. Certains parleront alors de maîtrise pour qualifier cette justesse de chaque instant, voire d’âge adulte enfin atteint par ce groupe qui n’a jamais cessé d’évoluer, toujours plus grand, toujours plus humain. J’y vois la pleine conviction en son propos, l’envie d’atteindre une vérité nue qui devient la nôtre, album-quotidien cartographiant notre propre solitude au sein des villes tout en nous liant les uns aux autres.
Une fois abandonné le romantisme, celui qui marquait
Hope /// Dope /// Rope et
This Is not Supposed to Be Positive, celui qui s’étiolait dans l’atmosphère de
Banlieue Triste, il ne reste que l’amour. Un amour pour ces gens seuls et multiples, la caméra comme point de vue, filmant le réel en quête de sa substance. Il y a bien quelques moments latents, une légère marge de manœuvre dans cette respiration lourde et continue qui peine parfois à retrouver son rythme (« Supreme », à la tâche difficile de succéder à « Storm Resounds »). Mais
A Loner s’approche un peu plus que ses prédécesseurs d’un sentiment de perfection, au point de douter de nombreuses fois de ses prétendus défauts (particulièrement quand « Who Wants to Die Old » arrive…). A minima, il est un album marquant d’un groupe marquant, construisant une discographie sans pareille et où le temps dira si l’on a raison de voir plus à son sujet. Malgré tout, voilà qui est déjà inespéré.
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