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Death Power - The Bogeyman Returns

Chronique

Death Power The Bogeyman Returns (Compil.)
Actif jusqu’au début des années 90, bien peu de gens se souviennent de l’existence de Death Power, groupe de Thrash français originaire d’Orange. Et je ne vous parle même pas de tous ceux qui encore aujourd’hui n’en ont jamais entendu parler. Moi-même enfant des années 80 ayant découvert les joies du Thrash en 1990, il aura fallu attendre la sortie de cette généreuse compilation éditée en 2016 par le label français Triumph Ov Death Records (Fall Of Seraphs, Demonic Oath, Mutilated, les compilations We Are French, Fuck You !...) pour que je découvre l’existence des Français. Un secret bien gardé mais qui mérite que l’on s’y intéresse, que l’on soit amateur de Thrash ou tout simplement adeptes de vieilleries hexagonales.

Imaginé dès 1985 par Philippe Tourvieille et David Thimel, Death Power ne se concrétisera qu’à partir de l’année suivante avec l’arrivée à la batterie de Stéphane Guégan. Devenu un trio, le groupe se met alors à composer activement et enregistre ainsi ses deux premières démos en 1987 (Speed Thrash Core Machine et Keep Fit, Fuck More...). Le groupe reviendra deux ans plus tard avec la sortie d’une troisième démo intitulée Mixed Rehearsal et surtout d’un premier EP éponyme paru chez Virulence Records, petit label de la région parisienne a qui l’on doit également un EP de Mercyless. L’année 1990 sera quant à elle marquée par la sortie du seul et unique album de Death Power intitulé The Bogeyman et sorti là encore chez Virulence Records. Mais en dépit de tournées/concerts en compagnie de groupes tels que Tankard, Carcass, Holy Moses, Atrocity, Samael, Coroner ou Paradise Lost et d’une renommée grandissante, le groupe finit malheureusement par se séparer quelque temps après le départ forcé de Stéphane Guégan. Dans l’incapacité de trouver un batteur digne de ce nom, Philippe Tourvieille et David Thimel décident en effet de jeter l’éponge en 1992. Stéphane quant à lui a déjà rejoint les rangs d’Agressor avec qui il enregistrera Towards Beyond (1992) et Symposium Of Rebirth (1994).

Intitulée The Bogeyman Returns, cette compilation regroupe sur deux CDs à peu près tout ce qu’a enregistré Death Power durant sa carrière. Manque néanmoins à l’appel et cela par faute de place les deux premières démos des Français éditées depuis en CD par Facthedral's Hall Records et The Ritual Productions. Afin d’illustrer au mieux cette compilation/réédition, Triumph Ov Death a fait appel aux services de Chris Moyen pour un résultat sobre mais efficace et qui surtout conserve l’esprit de la version originale signée à l’époque par l’illustrateur belge de bandes-dessinées René Hausman (Le journal de Spirou, Laïyna...). Dans le livret on retrouve bien évidement une biographie du groupe, plusieurs flyers de concerts, de nombreuses photos d’époque dont certaines jusque-là inédites, quelques d’illustrations ainsi que les artworks de toutes les démos dont ceux particulièrement naïfs et enfantins de Mixed Rehearsarl et Plop Rehearsal.
En termes de contenu, le premier CD comprend l’intégralité de l’album The Bogeyman auquel vient s’ajouter le titre inédit "Open Your Eyes" initialement présent sur la compilation Total Virulence éditée par Virulence Records ainsi que cinq morceaux live enregistrés à Bruay-La-Buissière en 1990. Sur le deuxième CD on trouve les démos Plop! Rehearsal parue en 1989 et non référencée sur Metal Archives, Mixed Rehearsal sortie en 1989 et les deux titres de Last Rehearsal enregistrés et publiés en 1991. Un programme donc bien chargé puisque ce sont trente-trois morceaux qui nous sont proposés ici. De quoi faire correctement connaissance avec Death Power.

Enregistré aux WW studios de Paris, là où l’année précédente Loudblast posait sur bandes les compositions de Sensorial Treatment, The Bogeyman bénéficie d’une production qui vingt-huit ans plus tard tient toujours aussi bien la route. Sans rien cacher de son âge avancé, elle traduit à la perfection une certaine époque tout en restant aujourd’hui extrêmement pertinente, surtout pour ce genre de Thrash joué avec la plus grande intensité.
Si des groupes comme Agressor, Massacra ou Loudblast ont versé à leurs débuts dans le Thrash, il était cependant toujours question de Death Metal. Ici, ce n’est pas le cas puisque malgré son nom Death Power s’inscrit dans un Thrash à l’ancienne marqué par une basse explosive aux rondeurs toujours aussi exquises, des riffs nerveux et incisifs n’ayant pas peur d’être mélodiques, quelques solos bien sentis ainsi qu’une batterie extrêmement dynamique passant l’essentiel de son temps à cavaler et/ou blaster. Ainsi plus proche de l’école allemande (Kreator, Sodom, Destruction...) ou sud-américaine (Sepultura, Attomica, Vulcano...) que des écoles américaines (en dépit d’influences Hardcore évidentes) ou canadiennes, Death Power va pendant un peu plus de quarante-cinq minutes nous dispenser d’un Thrash qui à défaut d’être original, se montre d’une énergie incroyable. S’il a toujours été difficile pour les groupes français de percer sur la scène internationale dans les années 80 et 90, ce n’est clairement pas par manque de talent mais bien davantage à cause de l’absence de circuits de promotions/distributions dignes de ce nom et de labels capables de faire ce que faisait des Earache, Peaceville, Metal Blade ou Nuclear Blast en leur temps. Car Death Power n’a certainement pas à rougir du contenu de ce premier album tant il offre tout ce que l’on est en droit d’attendre d’un (très) bon album de Thrash à commencer par une tripotée de riffs à se taper la tête contre les murs. De "Wendigo" et ses notes mélodiques inattendues et un brin rafraîchissantes au radical "Begin The Sacrifice" en passant par l’excellent "War" qui partage son temps entre mid-tempo belliqueux et accélérations particulièrement jouissives, les Français montrent en l’espace de ces trois premiers titres toute l’étendue de leur talent. La suite s’inscrit en toute logique dans la continuité sans jamais véritablement faiblir (je suis un peu moins client d’un titre comme "The Bogeyman", notamment à cause de son refrain, mais c’est finalement à peu près tout). Une urgence et une intensité d’ailleurs exacerbées par le chant âpre et rageur d’un David Thimel qui impressionne par la cadence et la hargne dont il fait preuve tout au long de ces trois quarts d’heure. L’album se conclut par le titre "Hardcore Copulation" (présent initialement en guise de bonus sur la version CD) et son sample fort à propos probablement tiré d’un quelconque boulard des années 80. Beaucoup plus léger dans le ton (en atteste notamment les quelques dernières secondes) en dépit d’une cadence folle (tu la sens ma grosse influence Hardcore ?), ce dernier amène une petite touche de "fun" à un album féroce de bout en bout et conclut ainsi les hostilités d’une façon bien plus décontractée.
"Open Your Eyes" aurait quant à lui pu figurer sur ce premier album mais finalement ce morceau a été choisi pour apparaître sur la compilation du label Virulence Records intitulée Total Virulence. Un titre tout aussi efficace bien loin de faire du remplissage et qui s’inscrit dans la droite lignée de ce que l’on trouve sur The Boogeyman.
Ce premier CD se termine par cinq titres live enregistrés en mars 1990 à Bruay-La-Buissière près de Béthune. Si le son n’est pas catastrophique, il n’est pas hyper bon pour autant (la voix à tendance à prendre le dessus sur le reste des instruments alors que lorsqu’on ne l’entend pas le reste est assez propre (enfin pour un live à Bruay-La-Buissière enregistré en 1990 j’entends)). Néanmoins, l’ensemble a le mérite de restituer toute l’énergie et l’intensité qui devaient se dégager des prestations de Death Power. Quant au public, on ne l’entend qu’entre chaque morceau, exprimant alors tout son enthousiasme et répondant présent aux quelques sollicitations de David Thimel qui demandera d’ailleurs l’aide de celui-ci pour retrouver la basket perdue d’un pauvre thrasher errant désormais avec une chaussure à un pied et une chaussette à l’autre. Un témoignage d’époque par forcément indispensable mais néanmoins fort sympathique.

Le deuxième disque va lui se concentrer sur les dernières démos de Death Power (celles sorties entre 1988 et 1991) avec pour commencer les dix titres de Plop! Rehearsal parue en 1989. A l’exception des quatre secondes de "Ho!", on retrouve l’intégralité des morceaux constituant The Bogeyman. Au-delà de la qualité de la production qui n’a évidemment rien à voir puisqu’il s’agit d’une simple démo, on constate également que l’ordre des morceaux n’est pas tout à fait identique et que l’exécution diffère également quelque peu. Rien d’étonnant à cela puisque ces compositions n’ont pas été enregistrés au même moment et que le but initial de cette démo était de faire patienter les amateurs de Death Power avant la sortie de The Boogeyman l’année suivante. On appréciera en tout cas de pouvoir jouer au jeu des comparaisons et constater les différences qu’elles soient en termes de production ou d’interprétation.
Sur Mixed Rehearsal parue en 1988 (et dont il existe vraisemblablement au moins deux versions avec un tracklisting quelque peu différent), on trouve des versions encore plus primitives de titres qui figureront plus tard sur The Bogeyman. Malgré un son de piètre qualité, on sent déjà toute l’intensité et la rage qui se dégage des compositions de Death Power. Le groupe fait ainsi déjà forte impression grâce à un Thrash hyper agressif (ce chant !) mené la bave aux lèvres. Une intensité incroyable et des compositions ultra efficaces qui à l’époque ont dû mettre à genoux pas mal d’amateurs de Thrash.
Cette compilation se conclut sur deux titres enregistrés en 1991 et issus de la dernière répétition enregistrée du groupe avant le départ du batteur Stéphane Guégan. Etonnamment, ce sont peut-être les deux plus mauvais titres de Death Power sur cette compilation. Et cela est probablement dû en grande partie à la qualité particulièrement mauvaise de l’enregistrement. Entre la bande qui déconne au début de "Bleeding Flowers" et l’extrême saturation de l’ensemble, il est difficile de s’enticher de ces deux titres finalement assez pénibles à écouter (la fin de "Bleeding Flowers" notamment). On constate cependant que l’énergie est quand même toujours de la partie (même si "Some Days" joue plutôt la carte du mid-tempo) mais aussi que le chant a pas mal changé, perdant de son intensité pour quelque chose de toujours agressif mais aussi de plus convenu. Dommage.

Vous l’aurez compris, s’il est toujours agréable de pouvoir se plonger dans la discographie d’un groupe à travers ses enregistrements les plus obscurs, l’intérêt est surtout ici de pouvoir mettre la main sur l’album The Bogeyman à un prix plus que décent surtout au regard du contenu particulièrement bien chargé de l’ensemble (trente-trois titres pour un peu plus de deux heures et demi au total). Le reste intéressera forcément les archéologues de la scène française mais il faudra alors faire fi de la qualité des enregistrements bien souvent à la ramasse (selon les standards d’aujourd’hui mais reflétant toutefois ce que l’on trouvait sur la majorité des démos à la fin des années 80). Quoi qu’il en soit, The Bogeyman Returns constitue le témoignage (quasi-complet) de toute une époque pour un groupe français qui, s’il n’a jamais eu l’aura d’un Mercyless, d’un Agressor ou d’un Massacra, a su marquer les esprits de la scène Thrash hexagonale de l'époque (et notamment celle du sud de la France). Définitivement une compilation à posséder pour quiconque apprécie le genre.

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9 COMMENTAIRE(S)

philresist citer
philresist
20/07/2018 13:08
bonne chronique...je connaissais bien le groupe et j'ai toujours les k7 demos d'origine et le E.P...par contre le groupe n'avais pas apprecié le mixage de l'album (qui visiblement leurs avait été imposé )
AxGxB citer
AxGxB
12/07/2018 10:10
Merci Clin d'oeil
Deathrash citer
Deathrash
11/07/2018 23:42
Un bel hommage que cette compil, qui prend encore plus d'importance depuis le décès de Stéphane Guégan dans ce microcosme du Thrash Français.
Du sud en plus... ces mecs en ont vraiment chiés pour le line up, à l'instar d'Agressor (c'est cool Enjoy the Violence, on apprens pleins de trucs).

En tout cas très belle chronique, tu t'es donné !
AxGxB citer
AxGxB
11/07/2018 11:23
Oui, c'est un peu ce qui m'a motivé à me sortir les doigts sachant que j'ai cette compilation avec moi depuis sa sortie...
fayfay citer
fayfay
11/07/2018 11:09
Petit mot pour Stephane, décédé il y a deux semaines...
Le meilleur batteur Français de son époque.
Jean-Clint citer
Jean-Clint
11/07/2018 13:16
Merci pour la chronique, et l'occasion aussi de réécouter les parties de batterie de Stéphane Guégan récemment disparu.

ps : excellente chronique fleuve au passage ! Sourire
Dantefever citer
Dantefever
11/07/2018 10:24
Merci pour cette exhumation ! J'étais pas encore né que le groupe s'était déjà arrêté, c'est plutôt bon signe. Je vais écouter ça !
AxGxB citer
AxGxB
11/07/2018 10:03
Je ne sais pas si ce que je vais dire est juste mais j'ai l'impression que passé la Loire, personne n'a jamais vraiment entendu parler de Death Power. En tout cas, s'il n'y avait pas eu cette compilation, je pense que je serais resté encore dans l'ignorance.
Raziel citer
Raziel
11/07/2018 10:00
Découvert et écouté avec les potes au lycée... C'était chouette, la pochette nous tordait et on avait l'impression que tout ce qui sortait à cette époque était bénie !
Moment nostalgie.

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Death Power
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Chroniqueur : 4/5
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Death Power
Death Power
Thrash - 1986 † 1992 - France
  

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tracklist
CD 1:
01.   Wendigo  (06:22)
02.   Begin The Sacrifice  (04:49)
03.   War  (06:09)
04.   March Of The Dead  (03:53)
05.   Satan's Litanies  (03:28)
06.   The Bogeyman  (05:34)
07.   Away With You  (06:16)
08.   Vivisection  (03:45)
09.   Stop The Time  (04:18)
10.   Hardcore Copulation (CD Bonus Track)  (02:12)
11.   Open Your Eyes (Total Virulence Compilation)  (05:22)
12.   Satan's Litanies (Live At The Bruay Area Festival)  (03:16)
13.   Begin The Sacrifice (Live At The Bruay Area Festival)  (05:01)
14.   Wendigo (Live At The Bruay Area Festival)  (06:09)
15.   Stop The Time (Live At The Bruay Area Festival)  (04:40)
16.   The Bogeyman (Live At The Bruay Area Festival)  (05:36)

CD 2:
01.   Wendigo (Plop! Rehearsal)  (06:41)
02.   Satan's Litanies (Plop! Rehearsal)  (03:26)
03.   Begin The Sacrifice (Plop! Rehearsal)  (04:57)
04.   March Of The Dead (Plop! Rehearsal)  (04:04)
05.   Vivisection (Plop! Rehearsal)  (04:12)
06.   War (Plop! Rehearsal)  (07:00)
07.   Stop The Time (Plop! Rehearsal)  (04:51)
08.   Ho! (Plop! Rehearsal)  (0:04)
09.   Necrology (Away With You) (Plop! Rehearsal)  (06:53)
10.   The Bogeyman (Plop! Rehearsal)  (06:00)
11.   March Of The Dead (Mixed Rehearsal)  (03:41)
12.   Necrology (Away With You) (Mixed Rehearsal)  (05:51)
13.   Begin The Sacrifice (Mixed Rehearsal)  (04:25)
14.   Hardcore Copulation (Mixed Rehearsal)  (02:11)
15.   Satan's Litanies (Mixed Rehearsal)  (03:19)
16.   Bleeding Flowers (Last Rehearsal)  (02:56)
17.   Some Days (Last Rehearsal)  (05:24)

line up
parution
1 Janvier 2016

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