Plutôt que d'ouvrir cette chro en tirant en longueur, le court adage qui suit résume à merveille mon point de vue sur le disque :
"Les chiens ne font pas des chats."
Ben oui, franchement, soyons sérieux deux minutes. Tu imaginais vraiment qu'une formation comptant Darkside et M. allait se contenter d'un 10/20, mention
"passable" ? Un simple coup d’œil sur leur CV et leur nationalité, et la conclusion s'impose d'elle même : pas possible pour Kriegsmaschine d'accoucher d'un disque moyen. Au pire du pire, ce sera bon. C'est donc, très sûr de lui, que le groupe sort son nouvel album
"Apocalypticists" en Octobre dernier. Plein d'assurance, puisqu'à l'instar de Cultes des Ghoules, aucune communication n'avait été faite en amont :
"Au fait, on a sorti ça, si ça vous intéresse..." Et, avec le souvenir ébahi de son prédécesseur en tête, j'ai commandé l'objet à l'aveugle, sans avoir écouté ne serait-ce qu'un seul titre.
Souvenez-vous, il y a quatre ans. Une pochette brumeuse, avec plein de péquins, les traits livides, tendant les mains vers un quelconque veau d'or, ça ne vous dit rien ? Bon, et si je vous dis
batteur fou, ça vous parle ? Probablement un peu plus. Parce qu'avec
"Enemy of Man", sorti en 2014, Kriegsmaschine laissait sur le cul bon nombre d'amateurs de Black Metal, en privilégiant le venin à action lente et les rythmiques tarabiscotées à une approche beaucoup plus frontale - côté
"droit dans ta face" qu'on retrouve pourtant dans le cahier des charges de l'école Polonaise. Une baffe dans les règles de l'art, menée de main de maître par Darkside, prodigieux frappeur qui n'hésitait pas à piocher dans le Jazz pour mieux troubler son auditoire. Le trio à l'époque s'est depuis resserré sur le noyau dur de Mgla, Destroyer ayant quitté le navire dans le laps de temps séparant
"Enemy of Man" de cet
"Apocalypticists". Une absence peu remarquable qui n'a absolument pas nui aux six titres de cet opus, puisqu'on connaît tous la puissance de l'organe du maître de Mgla.
La recette n'a pas changé d'un iota depuis quatre ans. L'auditeur qui cherchait un disque bien radical et bas-du-front sera toujours aussi désemparé face à l'apparente simplicité des compositions du combo. Car
"Apocalypticists" est d'une austérité désarmante. Privilégiant systématiquement le tempo lent, une marche funèbre ponctuée par les sursauts de la batterie qui, une fois encore, donne absolument tout son cachet à la musique de Kriegsmaschine. Amusant, d'ailleurs, de constater que c'est bien le seul instrument qui ne souffre pas d'être isolé par rapport aux autres... Car ce n'est définitivement pas sur
"Apocalypticists" que l'amateur de riffing sauvage va trouver son bonheur.. Tout n'est que simples arpèges, cordes que l'on gratte dans le vide et que l'on laisse sonner ("The pallid scourge" et son final qui tourne en boucle). La tristesse, hein ? Encore heureux, on ne va pas écouter Kriegsmaschine pour y trouver de la joie. Cette homogénéité, dénuée d'artifices, pourra en rebuter plus d'un, ce qui se comprend. Pourtant, tout comme sur
"Enemy of Man", c'est elle qui fait de l'album ce qu'il est, un bloc qu'on doit prendre en pleine tête dans son intégralité, cet espèce d'ensemble complètement sinistre qui minerait le moral de n'importe qui. C'est gris, c'est poussiéreux, mais pourtant, ce qui pourrait n'être qu'un disque chiant est sans conteste un grand disque.
Parce que, justement, les deux bonhommes savent comment construire des compositions. Forts de leur expérience, ils savent maintenir l'équilibre de l'album sans jamais tomber dans la facilité. Vous savez, faire comme cinquante projets avant eux, plaquer un arpège sur un vague contretemps pendant dix minutes et faire passer ça pour du génie. Ou partir dans l'autre extrême, demander au batteur d'en mettre absolument partout pour faire cache misère. Non,
"Apocalypticists", c'est l'équilibre. Malgré le mid-tempo constant, certains titres sont des modèles d'efficacité : "Lost in Liminal" qui alterne entre rythmique simple mais carrée et jeu tentaculaire sur les cymbales (sans parler du final en roulements donnant le vertige), ou encore le morceau titre, qui martèle à grands coups de grosse caisse et de chœurs religieux masqués par la crash avant de s'exciter sur ses rototoms... C'est d'ailleurs presque un exploit, en soi, d'avoir un batteur aussi carré et n'hésitant jamais à
groover quand le résultat final semble aussi délavé. Le décalage mettrait presque mal à l'aise, et, ma foi, c'est bien le but recherché.
Tribalisme annonciateur de la fin du monde ? En tout cas, point d'espoir ou de réconfort à chercher dans ce dernier opus de Kriegsmaschine. Rigoureux à l'extrême, jamais un écart dans la ligne de conduite que les deux membres se sont fixés, l'ensemble est peut-être moins "enjoué" (c'est un bien grand mot) que
"Enemy of Man", mais nom de Dieu, cet
"Apocalypticists" possède l'incroyable pouvoir de déprimer bien mieux que n'importe quel album de DSBM. Tout y est tellement froid, presque mécanique, tellement précis, chirurgical dans l'exécution que l'engloutir d'une traite relève de la gageure. Le laconique
"Je n'ai plus d'âme à présent", scandé à la fin du titre "The Other Death" est on-ne-peut-plus évocateur : faites face à la grisaille et, vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance.
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