Mord - Necrosodomic Abyss
Chronique
Mord Necrosodomic Abyss
Il fêtait hier ses onze ans, c'est pas rien. Et s'il possède un nom d'une débilité peu commune, ce "Necrosodomic Abyss" du duo Mord reste un album plutôt particulier à mes yeux... Presque symbolique. J'ai en effet découvert ce disque en 2008, par le biais d'une interview de Nordra et Necrolucas dans les pages de Metallian. De la photo promotionnelle (pointer un flingue sur le photographe, brrrr, tant d'originalité) jusqu'aux paroles rapportées par le journaliste, tout n'était qu'un Jenga de clichés prêt à s'effondrer. "Impossible que ces mecs soient bons vu le char qu'ils sont en train de monter", me disais-je, narquois, en cherchant sur le sampler le titre issu de ce "Necrosodomic Abyss"... Et pourtant. Bons, ils l'étaient. Diablement, même : je me souviens encore de l'effet produit par l'ouverture de cet "Opus II", ce son de guitare si particulier, et surtout ce batteur qui aligne les power blast tête dans le guidon sans une seule fausse frappe. Littéralement soufflé - même si les années et le recul me démontreront que, bon, pas de quoi s'emballer non plus... A l'époque jeune et fauché, j'avais l'habitude de noter sur un bristol les disques que je me promettais de régulariser une fois le compte en banque garni. "Necrosodomic Abyss" fit ainsi partie de ma première commande chez Osmose. Vous comprenez ma nostalgie, maintenant ?
Aussi subjectif que je puisse l'être, cet album n'est pourtant pas exempt de défaut : parfois boursouflé, il est surtout atteint de sacrées longueurs (en témoigne la partie "blast supersonique" de "Opus III", abrutissante tant elle est étirée). Mais il a au moins le mérite d'être plus gâté que "Christendom Perished", sorti deux ans plus tôt, ce dernier étant gâché par une production bien trop compacte pour rendre justice au talent des deux musiciens. Parce que Nordra et Necrolucas, les Polonais par le sang mais Norvégiens d'adoption, sont fichtrement bons dans leurs domaines. Le guitariste, bassiste et chanteur sait composer et jouer des riffs qui fleurent bon la dépravation bouillante, renforcé par le son, juste mélange entre distorsion classique et fuzz caractéristique du genre. Necrolucas, que les amateurs reconnaîtront sous le nom Master of Depraved Dreaming and Emperor of the Black Abyss the Great Lord H (heureusement que le ridicule ne tue pas) chez Anima Damnata , fait ce qu'il sait faire de mieux : s'arracher les mains, tant sur les baguettes que sur le cerclage de sa caisse claire. En mid-tempo ou en plein assaut, le gonze est impressionnant en toutes circonstances. Et Dieu sait s'il est mis à contribution, tant les huit titres de cet album sont menés tambour battant, sans fioritures mais aussi sans grandes variations (et la place que prend la batterie dans le mix finit invariablement par lasser).
Mis à part la petite curiosité de sa production, assez particulière, "Necrosodomic Abyss" ne réinvente absolument rien, et ce n'est pas chez lui non plus qu'il faudra aller chercher un contender pour l'album du siècle. D'ailleurs, ce n'est même pas sa prétention. Mord est avant tout à prendre comme un petit plaisir bien régressif, dans l'imagerie comme dans la musique. Typiquement le genre de formation bien evil, jusqu'au-boutiste, que recherchent ceux qui découvrent le Black Metal. Un duo qui s'obstine à ne pas évoluer, à rester bien ancré dans le Black Metal Norvégien pur jus et tout ce qu'il suppose. Dans ce sens, Mord remplit toutes les exigences du contrat : il est efficace, parfois vaguement Thrash, et sait toujours taper très, très dur. Et fort, surtout, comme pour masquer son manque d'idées neuves. Bourré de riffs qui font mouche ("Opus II", justement, même s'il pioche allègrement chez Marduk), de roulements qui donnent le vertige ("Opus VII" et son motif central) ainsi que d'embardées spectaculaires (à 1:46 sur "Opus IV", notamment), "Necrosodomic Abyss" ravira les amateurs mais laissera sûrement sur le carreau ceux qui recherchent un peu plus qu'un énième rejeton de la vieille scène.
Assez générique ? Très certainement. Mais ne nous mentons pas : les fameux "retour aux sources" ne font jamais de mal, ne serait-ce que pour ressentir, une nouvelle fois, le frisson de la découverte qui nous parcourait lorsqu'on épluchait avec attention les bios et anecdotes sordides des formations les plus connues du Black Metal. A mon sens, c'est de cette façon qu'il faut prendre ce "Necrosodomic Abyss" : comme une belle petite Madeleine de Proust, un peu simplet, mais redoutable en terme d'efficacité. Pose ton cerveau sur le côté, n'intellectualise pas trop, et savoure.
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