Nocturnus AD - Paradox
Chronique
Nocturnus AD Paradox
Nocturnus, Nocturnus AD, After Death… Difficile de s’y retrouver dans cet imbroglio lié au fait que les membres originaux ayant formé Nocturnus en 1987 furent (et sont toujours) dans l’incapacité juridique d’exercer sous ce nom pour des raisons de copyright. Formé en 1999 à l’initiative de Mike Browning (ex-Morbid Angel), Nocturnus AD va rapidement changer de nom, optant dès l’année suivante pour celui d’After Death. Le groupe va rester actif sous cette forme pendant environs treize ans, enchaînant les démos mais aussi le personnel. Des problèmes de line-up qui empêcheront Mike Browning et ses mercenaires d’aller de l’avant afin de sortir un album en bonne et due forme. En 2013, avec l’arrivée de trois nouveaux membres suite à une défection massive, le Floridien choisi de rebaptiser à nouveau son projet, reprenant ainsi le patronyme de Nocturnus AD. Si le groupe connait une fois encore quelques va-et-vient (une mauvaise-passe scellée depuis l’arrivée en 2017 de Josh Holdren au poste de claviériste), il va toutefois pouvoir s’atteler enfin à la composition de son premier album.
Je vais être franc avec vous, je n’attendais pas grand-chose du retour de Mike Browning pour la simple et bonne raison que le suffixe "AD" suffit en règle générale à me filer des boutons et me faire éviter comme la peste ce genre de sorties bien souvent peu inspirées. Cependant, je mentirais en disant que la vue de l’artwork signé Timbul Cahyono aka Bvllmetalart reprenant à peu de chose près l’ensemble des éléments imaginés à l’époque par Dan Seagrave n’a pas titillé ma curiosité. A cela est venu s’ajouter le fait que ce premier album sortirait sous la bannière du label Profound Lore, structure peu disposée à sortir ce que l’on peut appeler des étrons. Il n’en faudra pas plus pour que je me décide à écouter le premier extrait dévoilé il y a quelques semaines et ainsi me retrouver à mon grand étonnement face à un titre sacrément bien foutu semblant tout droit sorti de The Key.
Et c’est finalement tout l’album qui va nous ramener sous le cagnard de Floride au tout début des années 90, juste après la sortie de ce disque mythique considéré par beaucoup comme l’un des premiers albums de Death Metal technique mais aussi l’un des premiers à incorporer aussi copieusement du clavier à des compositions dont certains des thèmes abordés traitent de science-fiction plutôt que de démembrements, de zombies et autres profanations en tout genre. Produit par Jarrett Pritchard dont le travail a marqué les récents albums de Brutality, Exhumed et Gruesome, la production de ce Paradox semble là encore faire le pont avec celle de The Key. Evidemment bien moins marquée par les affres du temps, celle-ci n’en conserve pas moins cet équilibre périlleux entre sonorités naturelles d’un côté et synthétiques de l’autre. Des sonorités synthétiques qui n'ont d'ailleurs rien d'envahissantes même si, il faut bien le reconnaître, celles-ci sont évidemment omniprésentes. Accompagnant les riffs par vagues mélodiques ou sous forme de fulgurances, elles font de ce Paradox un disque à la fois tout à fait dans l’ère du temps et en même temps complètement en avance sur celui-ci (au même titre que The Key à sa sortie). Un voyage aux confins de l’espace sur fond d’occultisme, de satanisme et de civilisations anciennes avec même quelques titres traçant un lien direct avec des morceaux plus anciens tels que "Lake Of Fire", "Standing In Blood" et "Neolithic".
Si le dépaysement n’est donc pas spécialement au rendez-vous, la surprise reste néanmoins quasi- totale tant les riffs dispensés par le duo Belial Koblak/Demian Heftel sont particulièrement bluffant. On se retrouve face à un riffing nerveux et particulièrement inspiré qui, en dépit de ressemblances évidemment flagrantes avec un certain Morbid Angel (c’était déjà le cas à l’époque de The Key), n’en n’oublie jamais d’être hyper efficace et cela en chaque occasion. Difficile ainsi de ne pas s’enthousiasmer face à ces nombreuses fulgurances comme celles de "Seizing The Throne" à 1:15, "The Bandar Sign" à 2:39 et "Paleolithic" à 2:09 toutes les deux sur fond de synthétiseur infernal, le début de "Procession Of The Equinoxes" ainsi que cette séquence pour le moins chaotique entamée à partir de 2:33 ou bien encore "The Antechamber" à 2:13. Et même lorsque le groupe ralenti le tempo au profit de séquences mid-tempo à l’atmosphère plus pesante, la paire de guitaristes nous sert quantité de notes emberlificotées dans un enchevêtrement de riffs vicieux à vous faire véritablement mal au crâne. Enfin, comment ne pas non plus se réjouir de tous ces leads et autres solos mélodiques absolument impeccables débordants de ce feeling délicieusement rétro ("Seizing The Throne" à 0:37 et 4:23, "The Bandar Sign" à 3:10 et 4:41, "Paleolithic" à 0:37 et 1:22, "Procession Of The Equinoxes" à 2:43 et 3:52, "The Return Of The Lost Key" à 5:58 ou sur ce titre instrumental qu’est "Number 9") ? Vraiment de l’excellent travail de la part de ces deux musiciens dont le CV n’est pourtant pas spécialement parlant.
Pour terminer, un petit mot sur la prestation de Mike Browning qui, malgré les années qui passent, n’a rien perdu de sa hargne et a su conserver ce phrasé si particulier faisant dès les débuts de Morbid Angel et de Nocturnus deux groupes à part. Même si dans l’ensemble le Floridien chante plus qu’il ne grogne (notamment sur les passages mid-tempo), son chant se fait suffisamment rugueux pour qu’il en émane une certaine agressivité qui colle parfaitement à la musique (on trouve ici et là quelques growls mais je ne suis pas certains qu’ils soient de lui). Certains y verront probablement un point de dissension, en ce qui me concerne cela renforce très clairement l’originalité dont fait preuve Nocturnus AD tout au long de ce Paradox.
Après autant d’années passé à végéter et à tenter de sortir quelque chose de probant, il était temps que Mike Browning et sa bande se mettent enfin aux choses sérieuses. Finalement, le groupe aura pris un peu tout le monde par surprise en grande partie parce qu’après autant d’années d’inactivité et de faux départs, plus personne n’attendait quoi que ce soit de Nocturnus et encore moins de Nocturnus AD. Loin d’être un ersatz de ce qu’à pu être ce groupe à l’origine de The Key, Mike Browning a su avec Nocturnus AD se réapproprier un héritage volé, pour ne pas dire souillé, il y a de cela bien des années. Assurément l’une des meilleures surprises de l’année pour le moment.
| AxGxB 5 Juin 2019 - 2938 lectures |
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