Suite à un EP des plus convaincants, paru en 2017, le duo allemand a fait son retour deux ans plus tard avec son premier long format. Après
In Asche, place à
In Feuer. Abkehr a enlevé les cendres et a posé une à une les branches dans le foyer pour rallumer le feu brûlant. Sa lumière luit dans les ténèbres de l'underground d'où il ne souhaite pas bouger. Gardant la même vision et la même démarche, c'est via une petite structure – Acid Tears Records (cf. Storm Of Sedition) – que l'album est sorti en octobre 2019, en format vinyle limité. La formation semble poursuivre son bonhomme de chemin sans perdre son authenticité, délivrant un black metal dépressif toujours aussi immersif.
Que ce soit par les notes épurées et inquiétantes (l'intro de « I » par exemple), les samples bien placés, les riffs pesants qui tournoient sans discontinuer ou encore des accélérations âpres, Abkehr déroule son jeu et vous envoûte. Les musiciens vous maintiennent de nouveau la tête sous l'eau avec des ambiances froides et sinistres qui vous saisissent dès les premières minutes. Il déverse subtilement son atrabile tout au long de ces quatre compositions, comme sur sa précédente réalisation. Les mélodies entêtantes et la voix d'écorché de vif de Raash reviennent vous prendre, vous tirer vers le fond. Le noir s'étend autour de vous, immensité liquide. La sensation de claustrophobie, déjà ressenti sur le court format, s'accentue davantage ici par un son à la fois plus massif et étouffant, renvoyant à Paysages D'Hiver. Le duo maintient une pression constante, montant d'un cran durant les parties low et mid tempos funèbres (cf. « II », où flotte l'ombre de Burzum). Un choix délibéré qui montre une certaine maturité ainsi qu'une volonté de proposer une musique plus personnelle. Cela se ressent d'entrée sur le morceau titre avec les belles lignes de guitares toujours plus graciles, lumières vacillantes surgissant de l'obscurité, qui confèrent un aspect romantique à l'ensemble. Sans trop forcer le trait, les musiciens dévoilent leurs âmes tourmentées et cette rage tapie dans l'ombre.
Les Allemands n'hésitent pas à se mettre en difficulté en ralentissant davantage le rythme. Ils s'enfoncent dans la fange, vous traînant à leur suite. Une descente parfaitement menée grâce à des riffs simplistes mais accrocheurs, des effets utilisés et surtout l'excellente prestation du vocaliste. Chant black dépressif très arraché (« I »), rires de possédé, vocaux presque inhumains sur la piste « III », plaintes paraissant sortir des abîmes, Raash ne cesse de varier tout au long de l'album. En résulte des compositions aux diverses saveurs et teintes qui vous tiennent en haleine. De plus, ces nombreux ralentissements accentuent les atmosphères mortifères développées par la formation et donnent davantage de souffle et d'impact aux parties agressives. Abkehr joue avec vos émotions, vous malmène, mais avec élégance et de différentes manières. Il évolue sur
In Feuer, délivrant une musique plus aboutie et viscérale avec la folie comme toile de fond. Cette folie monte crescendo, vous enveloppe par couche, pour définitivement vous faire sombrer sur « IV ». Un titre de clôture très dépouillé, rampant et malaisant à souhait qui vous ramène à votre condition de simple mortel et où Raash crache son mal-être. Il aurait d'ailleurs été bon de creuser davantage et de faire durer notre supplice car avec sa toute petite demi-heure, il reste un petit sentiment de frustration.
Gardant son essence tout en densifiant son jeu, le groupe confirme sur longue durée. Un premier album se boit d'une traite, comme un bon poison. Et, au vu de son potentiel, nul doute que le duo risque de faire beaucoup de mal dans les années à venir.
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