Into Coffin - Unconquered Abysses
Chronique
Into Coffin Unconquered Abysses
Si le début de carrière du trio est passé quasiment inaperçu la sortie du très bon EP
« The Majestic Supremacy Of Cosmic Chaos » lui a permis de changer la donne, et de commencer ainsi à se faire une petite réputation. Après la réussite de celui-ci (où sont venus depuis se rajouter deux Split) il était donc temps pour les allemands de montrer que la bonne dynamique entrevue est toujours de la partie, et sur le papier cela semble effectivement le cas. Car continuant à pousser plus loin sa musique il nous livre avec ce deuxième album une expérience à part et riche en émotions diverses, vu qu’il dure carrément une heure et quart pour seulement quatre morceaux dont la durée oscille entre quatorze et vingt-trois minutes. Cette avalanche de chiffres va mettre en condition pour le voyage musical qui se prépare et ne va pas laisser indemne tant il va réussir à nous emporter très loin, et surtout vers des contrées inexplorées et inconnues où plaisirs et découvertes sensorielles seront de sortie.
Mais là où le court-format faisait la part belle aux rythmiques lourdes et écrasantes ici le combo ne va pas hésiter à se lâcher en offrant quelques moments énergiques où ça tape vite et fort. Cela va s’entendre sur « Antediluvian Flames » où après un long riff froid en reverb’ dans le vide intersidéral (complété par une partie tribale bien entêtante), l’ensemble va partir tambour battant en tabassant franchement et en surprenant l’auditeur, peu habitué à entendre cela chez les teutons. Cependant il ne faut pas se leurrer ils restent un groupe de Doom et donc il n’est pas étonnant que ces passages-là ne s’éternisent pas durant une longueur indécente, au contraire ils s’effacent à plusieurs reprises (pour mieux revenir ensuite) afin de laisser le champ libre aux parties lentes et suffocantes durant des longues plages instrumentales au rythme particulièrement faible. Avec en prime cette voix loin en arrière-plan que l’on croirait venue du fin fonds de l’univers (et qui renforce le sentiment de malaise ambiant) ce premier titre bien que très classique sur la forme ne se montre absolument pas lassant malgré sa durée générale, tout cela grâce à d’habiles variations et des breaks qui évitent ainsi l’effet lexomil et la somnolence intégrale, et ce même quand le combo revient aux fondamentaux. Preuve en est ici via l’excellent et minimaliste « Unconquered Light Of Nothingness » où l’on voit le retour à un mode escargot tant ça va être d’un ralenti absolu, cependant malgré un dépouillement dans sa construction générale l’ensemble va encore faire mouche grâce à quelques subtils changements au niveau du riffing comme de la batterie, le tout voyant le niveau d’humidité grimper en flèche. En effet on est plongé dans quelquechose d’indéfinissable (à la fois glauque et putride), où la sensation de pluie interminable et de forêt dense (digne d’un stage de la légion étrangère en Amazonie) prend l’auditeur aux tripes afin de l’emmener vers des contrées hostiles et méconnues, tout en étant glaciales, sombres et mystérieuses.
Mais pour éviter toujours ce sentiment de répétition « Cabacombal Echoes From AB.ZU. » va repartir dans des plans et variations des plus poussées, car après une longue introduction (qui prend vraiment tout son temps pour se dévoiler), la suite offre nombre d’explosions et de périodes de calmes. Oscillant entre tabassage désespéré (qui fait office de courtes explosions volcaniques) et moments d’accalmie totale, ça ne cesse de jouer les montagnes russes afin de proposer une facette plus spatiale et mythologique, qui emmène dans le lointain sans savoir où l’on va. Jouant là-aussi sur le mystère et l’ambivalence rythmique « Archetype For The Total Ruin » va proposer du changement à foison entre instants déchaînés et d’autres nettement plus au ralenti, où viennent également se greffer des parties en mid-tempo très intéressantes qui donnent un supplément d’âme agréable et bienvenu. On y retrouve comme toujours des cassures portées par une température en dessous de zéro où résonne le néant universel, sans espoir d’un retour sur Terre ou dans ses alentours, vu que les gars nous embarquent dans une expédition hyper prenante qui met tous les sens en éveil.
Malgré un temps global parfois excessif on sent clairement que le groupe a envie de proposer une vision différente de sa musique, qui reste cependant très classique dans son écriture. Particulièrement habiles dans la façon de mener leur barque et leurs instruments respectifs l’ensemble des membres misent sur le collectif afin de créer un son assez unique et original (complété par des arrangements bien foutus et une production en raccord), pour se démarquer de la masse de sorties. Si l’on pourra leur reprocher d’user et abuser de certains plans répétés en boucle il n’en reste pas moins que ceux-ci continuent leur petit bonhomme de chemin avec ce disque très agréable (qui certes ne s’écoutera pas tous les jours de par sa longueur et sa relative difficulté d’accès), et qui va se révéler idéal pour les longues soirées d’hiver qui arrivent tant il happe l’auditeur. Sous ses aspects rudimentaire et dépouillé le rendu des trois acolytes ne dépareillera pas avec leurs réalisations passées (même s’ils offrent ici quelquechose de plus sombre qu’auparavant), et confirme qu’ils sont incontestablement à suivre et qu’ils méritent le respect de par la prise de risques effectuée ici, positive et unique en tous points.
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