Verthebral - Abysmal Decay
Chronique
Verthebral Abysmal Decay
Sortir un album en toute fin d'année n'est pas une très bonne idée. Rien de mieux en effet pour passer inaperçu et l'avoir dans l'os. La plupart des bilans sont déjà en ligne et les gens ont plutôt la tête aux fêtes de Noël. J'ai du coup bien failli rater ce Abysmal Decay, deuxième album de Verthebral. Et je peux vous dire que cela aurait été bien dommage car il s'agit là d'un de mes coups de cœurs de ces derniers mois. C'est aussi l'occasion, pour la première fois dans ces colonnes, d'évoquer le Paraguay. Verthebral nous vient en effet de ce pays d'Amérique du Sud coincé entre le Brésil, l'Argentine et la Bolivie, peu connu pour sa scène metal. J'aurais ainsi été bien incapable de vous en citer un seul groupe avant la découverte de ce combo. Et moi, j'adore ces petites formations issues de coins improbables, ça leur donne déjà un certain capital sympathie. D'autant plus quand elles nous sortent une tuerie comme Abysmal Decay.
Signalons déjà le très bel objet sorti par Transcending Obscurity Records, label indien bien connu pour le soin apporté à ses productions. Un digipack épais à huit pans, aux couleurs originales chatoyantes, avec un joli effet de brillance et le logo du groupe en relief sur la superbe pochette. Ça peut sembler superflu, moi j'appelle ça le souci du détail. Et tout ça à un prix dérisoire. Tenir ça entre ses ses mains, voilà une première satisfaction alors que certaines grosses maisons de disques s'embêtent beaucoup moins avec ce genre de choses. Surtout qu'il ne s'agit pas de dorer la pilule pour faire diversion. Abysmal Decay surprend par sa grande qualité et le professionnalisme qu'il dégage. Rien à envier aux groupes plus connus. Par contre, le style de Verthebral ne reflète pas sa provenance. Le combo a beau venir d'Amérique du Sud, il ne sonne pas comme un groupe typique de ce continent. Non, ces mecs ont plutôt été biberonnés par la scène américaine. Celle du death metal du début-milieu des années 1990, Floride en tête. Morbid Angel, Monstrosity, Deicide, Death, Brutality, Obituary et mêmes quelques mid-tempos appuyés à la Cannibal Corpse ("Coronation of Envy" à 2'12 et 3'22, "My Dark Existence" à 4'00, "Testimony of Hate" à 1'40). On pense aussi à Sinister période Hate. En fait, Abysmal Decay me rappelle beaucoup le premier album de 2012 de Valgrind, Morning Will Come No More (leur meilleur !), dans cet hommage au US 90's death metal. Les Italiens avaient peut-être un talent de composition légèrement supérieur à celui ces Paraguayiens mais Abysmal Decay se montre plus homogène car beaucoup moins long, affichant quarante minutes au compteur contre quasiment une heure. D'où davantage d'efficacité.
L'efficacité n'est cela dit qu'une qualité du disque parmi beaucoup d'autres. Comme sa production. Un son puissant et clair parfait qui restitue à merveille l'essence du disque et en tire la substantifique moelle. Un emballage soigné, une production nickel, ça démarre déjà bien. Évidemment, la musique va confirmer tous ces signes positifs. Un point central, en particulier, va mettre tout le monde d'accord. Les sacro-saints riffs. C'est du grand classique mais au sens noble du terme. On se croirait revenu à l'âge d'or. Quel feeling ! Plus ou moins sombres, souvent du tremolo, quelques fois thrashy, les riffs possèdent presque tous une touche mélodique plus ou moins discrète qui les rend mémorisables voire carrément mémorables pour les plus inspirés (le riff principal de "Abysmal Decay" va vous hanter un moment). L'opus enchaîne ainsi les riffs de tueurs, comme si les gars avaient fait ça toute leur vie. Impressionnant pour un groupe du Paraguay formé en 2013 ! Non content de nous balancer un festival de riffs en rythmique, Verthebral, remettant les guitares au centre des morceaux, va aussi les illuminer de nombreux solos mélodiques très savoureux, presque aériens parfois ("The Art of Perversion" à 3'44, "Abysmal Decay" à 1'32, "Isolation Room" à 1'30, "Coronation of Envy" à 1'50, "Sweet Home Illusion" à 3'12, "My Dark Existence" à 3'10, "Testimony of Hate" à 1'56 et 2'57, etc.). Dommage que certains font les timides et coupent trop tôt. Un pur régal néanmoins pour les oreilles qui prouve encore le feeling très appréciable des guitares. Elles surprendront aussi sur le break acoustique atmosphérique inattendu de "The Art of Perversion" à 2'23 et sur le superbe interlude unplugged "Obsidian Tears".
Comme quoi, pas besoin de blaster à tout va pour sortir un bon album de death metal aujourd'hui ! N'allez en effet pas chercher une brutalité extrême chez le quatuor de Ciudad del Este. Pratiquement pas de blast-beats ici, juste quelques-uns en courtes rafales et pas très véloces ainsi qu'une poignée de semi-blasts, pas plus. Le combo varie cependant bien les plaisirs entre thrashy accéléré, mid-tempo plus ou moins rapides et groovy, et donc un peu de blastouille. Verthebral ne fait juste ni dans l'ultra rapide ni dans le doomy écrasant (un simple petit ralentissement bien plombé et pesant sur "Testimony of Hate"). Cela ne l'empêche pas de montrer très régulièrement les muscles sur un opus qui reste bien couillu (juste un exemple comme ça, l'intro directe dans ta face de "Absence of a God" !). Écoutez-moi ce batteur au jeu costaud qui ne lâche jamais sa double (il pourrait de temps en temps) et cale sa rythmique en patron, offrant au disque une ossature des plus solides sans jamais oublier le groove,. Certains mid-tempos vous donneront envie d'headbanger jusqu'à vous éclater la tête contre le mur tellement c'est bon, comme "Isolation Room" à 0'42, les trente premières secondes jouissives de "Coronation of Envy", "Absence of a God" à 1'11, le plus mélodique "Sweet Home Illusion" à 2'43, "My Dark Existence" à 1'09 et 4'00, "Testimony of Hate" à 0'33, 1'14, 1'40 et 3'15. Si c'est pas brutal, ça ?! Je n'aurais pas été aussi conquis, sinon. Le riffing plutôt dark lui donne aussi un côté assez méchant, tout comme le growl puissant légèrement écorché du chanteur bassiste, très convaincant, accompagné de shrieks en quelques rares occasions.
Et voilà comment, sorti sans crier gare d'un Paraguay que je n'aurais même pas su placer correctement sur une mappemonde, Verthebral éclate bien des gros groupes, européens et américains. Proche du Morning Will Come No More de Valgrind, Abysmal Decay s'impose comme un hommage des plus convaincants au death metal US des années 1990. Oui, encore du old-school sans grande originalité, toutefois la vieille scène floridienne n'a pas la primeur des influences parmi les jeunes pousses. Les Sud-Américains cochent toutes les cases d'un album marquant. En premier lieu un sacré paquet de bons riffs qui font toute la différence. Mais pas que. Solos mélodiques inspirés, production on ne peut plus adéquate, technique au poil, diversité rythmique, niveau de brutalité tout à fait satisfaisant, la formation fait tout tellement bien qu'il est difficile de pointer du doigt un quelconque défaut. Même la basse, sans impressionner, tient son rang. L'opus s'avère en plus un "grower" auquel on devient de plus en plus accroc au fil des écoutes, signe qui ne trompe pas. C'est que Verthebral arrive à rester au top tout du long sans moment de faiblesse. Mieux, plus on avance dans l'œuvre et plus les musiciens semblent prendre du galon. Fait peu banal, "Ancient Legion" qui ouvre l'opus se révèle ainsi la piste la moins passionnante du lot, tout en restant meilleure que la plupart de la concurrence. Franchement, je tire mon chapeau à Verthebral de nous avoir sorti un album aussi consistant qui mérite une bonne grosse note pour toutes les raisons évoquées, et pour lequel je me suis vraiment pris d'affection. J'encourage ainsi tous les fans death metal de cette période dorée des 90's et des groupes cités à donner sa chance à ce Abysmal Decay. Promis, malgré le nom, vous ne tomberez pas sur un os. Il pourrait juste paraître à certains un peu scolaire. Mais quelle putain de leçon !
| Keyser 19 Avril 2020 - 1551 lectures |
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