Katharsis. S’il y a un groupe de black metal qui a atteint quelque chose de particulier dans un genre codifié au point d’être éculé, a établi de nouveaux standards de radicalité tout en revenant à l’esprit originel du style, c’est bien lui. Un projet dont je regrette la disparition, au point de chercher son ombre durant chaque rencontre avec une formation prétendant s’en rapprocher. Des explorations souvent infructueuses, « furieux » étant plus que jamais un adjectif que je ne vois que s’appliquer à lui malgré quelques contre-exemples bienheureux (
Death de Teitanblood, seul album à tenir la comparaison avec le feu de
VVorld VVithout End).
Vous le voyez sans doute venir : Spirit Possession fait penser à Katharsis. Il y a pourtant, sur le papier, peu de lien entre ce projet parallèle de Steve Peacock (réputé pour diriger Ulthar, entre autres) et les Allemands. Prenant pour base un mélange de styles anciens dans leurs expressions (Heavy, Black et Speed Metal font une baston générale), mais les tournant et retournant par des structures chaotiques et une attitude punk dans l’esprit (de la production à l’exécution, tout sent la spontanéité et le manque de moyens institués en manifeste), le duo paraît en effet plus à voir avec le rétrograde en vogue dans les musiques extrêmes que ce black metal orthodoxe poussant l’agression sonore jusqu’à frôler l’inaudible.
Et cependant, dans ses lignes heavy et accrocheuses, ces riffs abrasifs et déglingués, cette voix (cette voix !) réverbérée et d’une avidité totalitaire, un vice semblable sourd, coule et court trente-cinq minutes durant, une intransigeance dans son parti-pris – qui n’exclut pas la variété, cf. la lourdeur habitant le morceau-titre ou encore les cavalcades de « Eleven Mouths » – faisant la différence entre le tout-venant et ce premier album. C’est ce que parvient à transmettre cette possession de l’esprit, redonnant toute la violence concrête à ce que la plupart n’annonce qu’en menace. Satanisme, horreur, inversion des valeurs et acclamation d’un monde où le laid devient nouvelle beauté, un absolu rendu réel... Ce rêve écarlate se réalise sur cet essai, chaque titre devenant une nouvelle preuve de sa vérité.
On n’appuiera jamais assez le risque qu’il y a à proposer en musique, non pas une suggestion, mais une réalisation. À ne pas se contenter d’imaginer le mal, mais de le porter et le transmettre, les riffs comme des lames, les chants comme des assauts. Spirit Possession y parvient, comme Katharsis y est parvenu avant lui, par une raideur de chaque instant, une succession d’états de siège de l’auditeur où jamais la transe ne faiblit. Sept titres, sept peintures de son univers tortueux de tortures : on pourra certes regretter ici l’absence d’un grand final (maladroitement préparé par les stridences de « Swallowing Throne » revenant à la toute fin de « Diamond Depth Illumination ») ; on répondra, charmé et bienveillant envers cette malveillance, que les Ricains se montrent définitifs dès les premières secondes de ce longue-durée. Tant de passion, tant de moments rouges et brûlants, tant d’impressions d’entendre deux personnes se dépasser et se transcender au service du vice, méritent en effet que l’on balaye d’un revers de main les quelques latences et flottements dans l’air. Car, que valent quelques baisses de régime face aux massacres que sont « Amongst Inverted Castles and Holy Laughter », « Deity of Knives and Pointed Apparitions » ou « Diamond Depth Illumination » ? Telle excessivité est rare, et rarement aussi prenante, particulièrement quand on met la fièvre au-dessus de toute autre qualité concernant un groupe se revendiquant, peu ou prou, du black metal.
Comme escompté à l’écoute de la démo parue quelques mois plus tôt, Spirit Possession est bien le carnage de l’année, de même que le nouveau groupe dont on peut espérer d’autres œuvres aussi réussies et encore plus drastiques. Cela tombe bien, on sent qu’il y a dans cette musique déjà impressionnante d’extrémisme de quoi aller encore plus loin, un ailleurs qui se dessine durant quelques instants suspendus, le soufre se mêlant à l’air pour l’envahir, à la manière du passage ambiancé de « Amongst Inverted Castles and Holy Laughter ». Quelques promesses et déjà de quoi être sacrément épaté : que vous faut-il de plus pour vous laisser posséder ?
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