Je ne sais pas pour vous, mais j’ai en ce moment envie d’explosions de violence, de sortir ce qui crie à l’intérieur (ou même sortir tout court, ce serait pas mal). Pas d’inquiétude, je ferai comme la plupart des gens : retenir, possiblement partager directement ou indirectement mon aigreur sur les réseaux sociaux ou encore écouter de la musique. La musique, ça marche bien pour ce genre de choses, quand on ne peut pas traduire en mots ou en actes ce qui a pourtant besoin de l’être.
Donc, j’écoute Dial. Dial en allant au travail, Dial en rentrant, Dial chez moi, Dial quand j’ai envie de faire dérailler le train-train dans lequel je suis enfermé, Dial pour sortir de mon état d’urgence sanitaire personnel et retrouver une certaine sérénité d’esprit quelque temps. Dial, ce groupe dont je ne connais rien, dont on ne connaîtra rien, seulement un unique EP de moins de vingt minutes sorti dans l’anonymat le plus total par le label Robotic Empire en 2009.
Alors pourquoi donc faire de lui ma bande-son de la vie en ces temps absurdes, épidémie, confinement, bêtise, absence de liens sociaux, le boulot dicté comme seule récréation, l’abrutissement des écrans comme seule fuite tolérée ? Voyez cette pochette, cette neige que l’on croirait sortie d’un téléviseur quand il n’a plus d’images à afficher. Ecoutez ce noise rock extrême au point de plonger dans une raideur industrielle, ces hurlements et ces guitares si abrasifs et stridents qu’ils font hésiter entre hardcore et sludge (mais certainement pas sur leur insanité !). Ecoutez cet EP expéditif, malade comme chez
Damad , la douleur ressentie et retournée à l’envoyeur avec une urgence, une originalité et une évidence qui rappellent
les débuts d’un certain This Gift is A Curse... « On n’est pas bien, là » ?
Non, on n’est pas bien. Mais ce n’est pas le but : avec ses dissonances qui vrillent les tympans, sa voix de harpie en pleine décompensation, sa batterie rigoriste et aliénante, Dial ne cherche absolument pas à mettre à l’aise. Il expulse et rappelle que cela se fait rarement dans la joie et la propreté. Le soulagement viendra après, dans le silence suivant « Permanent Opium War ». Avant, il va falloir suivre et trouver un moyen de faire siens cette douleur, ces névroses qui pulsent, ce crâne qui tape au front, ces mains qui se crispent et jouent ce hardcore extra-terrestre et pourtant si humain dans sa rage. Mais – chouette ? – rien de plus facile en ce moment.
Bien sûr, tout cela est beaucoup trop court, d’autant plus frustrant que le groupe n’aura jamais donné suite à cet EP. On peut aussi y voir une sorte de logique, tant il reste une anomalie sans équivalent clair, racines floues, héritage inexistant, à part cette commune envie de répondre aux murs que l’on met autour de nous par d’autres, sonores, assourdissants. Pour ces choses-là, vous trouverez difficilement plus approprié que ce disque.
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