Night - High Tides - Distant Skies
Chronique
Night High Tides - Distant Skies
Malgré le fait qu'il s'agisse d'une découverte relativement récente, Night compte parmi mes favoris de la scène heavy revival car, selon moi, ils ajoutent à leur musique une touche très personnelle, là où beaucoup de groupes se contentent d'exécuter un jeu propre et honnête mais sans véritable originalité. Je les ai découverts en 2017, à l'occasion de la sortie de leur troisième album Raft of the World que j'ai immédiatement propulsé au rang d'AOTY heavy metal (je ne connaissais pas encore Lunar Shadow, dont le premier album était sorti cette même année). La mandale était réelle : je découvris un groupe de heavy revival qui fonctionnait un peu à contre-courant des autres, en limitant les riffs (plutôt que d'en abuser pour convaincre l'auditeur) et en jouant davantage sur les atmosphères et les émotions. Passant en revue les deux disques précédents, je m'aperçus d'une certaine progression, passant d'un hard rock suédois mélodique intéressant mais sans grande originalité à du heavy plus mature. L'annonce d'un nouvel album a alors suscité mon enthousiasme : logiquement, le groupe continuerait sur cette lancée progressive, qui affirmerait encore leur style. Et puis d'abord est venu en avril cet EP Feeling It Everywhere avec sa pochette qui présente un nouveau logo pour le groupe, l'inscrivant davantage dans ce retro-kitsch parfaitement assumé, qui annonçait également un ton pop plus prononcé. Les deux morceaux inclus dans cet EP concrétisaient mes impressions.
L'album annoncé ensuite, High Tides - Distant Skies, s'inscrit parfaitement dans cette ébauche de lancée. On y retrouve ce même nouveau logo et la pochette porte un peu moins au rêve et au mystère que celle du précédent disque avec cet ordinaire - mais néanmoins jolie - représentation du Golden Gate de San Francisco. Le contenu musical accompagne ce changement visuel même si ce nouvel album ne tranche pas fondamentalement avec son prédécesseur. Il apporte ainsi son lot de nouveautés mais garde un certain nombre d'acquis - entre autres ces mêmes hommages complètement assumés à Blue Öyster Cult ainsi qu'à Thin Lizzy. Parmi les changements, le groupe, qui flirtait déjà depuis ses débuts entre le hard rock et le heavy metal, tend plutôt à délaisser le second pour davantage se rapprocher du premier avec un côté pop, "easy-listening" plus marqué qu'auparavant. Les compositions sont moins diversifiées et se structurent plus ou moins de la même manière, ce qui ne m'enthousiasme guère.
Avec trente-six minutes au compteur et une tracklist relativement homogène en termes de durée (trois, quatre ou cinq minutes, jamais moins ni plus), on trouve en effet un côté un peu plus moulé que j'aurais tendance à déplorer car ce qui m'avait vraiment fasciné chez Raft of the World, c'était cette faculté à changer d'atmosphère et d'ambiance tout en préservant la racine commune qui liait tous les titres entre eux. Ici, j'ai l'impression qu'au contraire ils ont tendance à se ressembler un peu trop entre eux. L'autre point que je regrette sur cet album, c'est ce côté moins intimiste, plus lumineux, que l'on retrouve ici. Certes, on retrouvera cette patte plus mélodique dans le riffing de "Here on my Own" et de "Under the Moonlight Sky" ainsi que dans les couplets de "Burning Sky" mais le reste manque clairement de panache et d'originalité. Ce n'est pas ce rip-off de Boston qu'est "Running Away", par exemple, qui me convaincra, ni le refrain de "Give me to the Night" répété jusqu'à l'usure, les trois mêmes accords de "Lost in a Dream" répété sur cinq minutes ou même la globalement pauvre "Shadow Gold", malgré ses bons moments. Là où je n'ai pas été convaincu non plus, c'est sur le manque de conviction dans le chant de Burning Fire, "Lost in a Dream" et "Burning Sky" synthétisant un peu tout cela : chouettes mélodies mais peu d'énergie, faisant vite perdre l'intérêt. Dans ce qui se fait de pire en la matière, le chant simili-rappé de "Give Me to the Night" me donne envie de sauter d'un pont - le Golden Gate tiens, ça sera dans le thème. Autrement, plein de bonnes mélodies et un talent indéniable de notre chanteur, certes, mais franchement pas assez d'énergie pour convaincre.
Le reste du set instrumental n'est guère plus diversifié : un seul pattern de batterie sur la totalité du disque (avec quelques variations de cymbales de temps à autres), soli très oubliables quand ils sont présents, quant au riffing... peut être l'aspect le plus diverse et pluriel de cet album, finalement, ce qui est une qualité à saluer. On alterne entre riffs hard rock "Under the Moonlight Sky", tremoli speed metal "Give Me to the Night", power chords en tierce ("Here on my Own"), des cleans, de l'acoustique ("Crimson Past", "Galling in the Black")... malheureusement tout ça sans grande inventivité, ce qui m'empêche une fois de plus de me montrer particulièrement élogieux. Même le synthé du dernier titre, s'il propose un petit plus, se rapproche beaucoup trop d'ABBA dans sa mélodie principale !
En soi, cet album n'est pas mauvais. Il n'est pas un échec, un premier raté pour les jeunes Suédois. Je parlerais plutôt d'une déception personnelle, après deux immenses Soldiers of Time et Raft of the World, vis-à-vis d'un album à la personnalité moins marquée. Bien sûr qu'il plaira et il a même de nombreux atouts pour satisfaire ceux qui sont moins exigeants que moi, c'est pourquoi je vous invite malgré tout à y poser une oreille si vous appréciez ce hard rock à l'aspect ringard 70's totalement revendiqué. Pour ma part : trop répétitif, moins personnel et trop peu convaincant, surtout quand on peut également compter sur des formations comme Hällas.
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