Ozzy Osbourne - Bark At The Moon
Chronique
Ozzy Osbourne Bark At The Moon
Le destin et la vie ont souvent joué des tours à Ozzy Osbourne, car après la renaissance et le retour en grâce auprès du jeune prodige Randy Rhoads voilà que celui-ci disparait dans des conditions dramatiques et avec lui une grosse part du renouveau artistique du chanteur. Miné par la dépression, les drogues et alcools en tous genre le Madman revient néanmoins en studio à peine un an après la mort tragique de celui qu’il considérait comme son frère, pour continuer à vivre et entouré d’une nouvelle équipe. Succéder au génial guitariste n’est pas une mince affaire, si Brad Gillis (que l’on peut entendre sur le live « Speak Of The Devil ») s’en est correctement sorti il a néanmoins décidé de ne pas rempiler (ou a été viré selon d’autres sources) pour partir chez NIGHT RANGER, du coup c’est l’excellent Jake E. Lee (à l’époque dans RATT) qui est choisi pour épauler le chanteur. A ces côtés le surdoué Tommy Aldridge (qui fera de nombreux aller-retour dans le futur) derrière la batterie et le retour de Bob Daisley à la basse, en lieu et place de Rudy Sarzo parti chez QUIET RIOT (où a évolué le regretté guitariste auparavant), autant dire que l’ensemble a de l’allure, et pourtant le résultat final laissera un goût amer et demi-teinte.
On a l’habitude que le maître des ténèbres ne soit pas toujours en règle avec ces musiciens en ce qui concerne les droits d’auteurs, car ici bien que n’ayant rien fait il se voit totalement crédité de A à Z, alors que la quasi-intégralité du disque a été écrite et composée par le nouveau-venu et le revenant. En contrepartie celui-ci a fait un gros chèque à ses acolytes pour qu’ils acceptent à ce que leurs noms n’apparaissent pas dans les crédits, et renoncent à toute poursuite judiciaire ultérieure. Une méthode controversée mais hélas habituelle de la part du chanteur et de sa businesswoman d’épouse, toujours à l’affut quand il s’agit de récupérer un peu d’argent pour elle et son mari (ce qui leur vaudra de nombreuses inimitiés dans le milieu). Si ce troisième opus en solo est mis en boîte sans difficultés il a le malheur de débarquer pratiquement en même temps que le tant attendu « Piece Of Mind » d’IRON MAIDEN et de faire pâle figure comparé aux petits nouveaux de METALLICA et SLAYER, qui vont botter les fesses et marquer les esprits de nombreux fans avec leurs furieux « Kill’Em All » et « Show No Mercy ». Intitulé « Bark At The Moon » il déboule dans les bacs le 15 novembre 1983 mais rapidement on s’apercevra qu’il ne tient pas la distance par rapport à ses deux prédécesseurs intouchables, malgré un début de disque de très bonne tenue.
Celui-ci démarre en effet sous les meilleures auspices avec « Rock’N'Roll Rebel » très classique dans la forme mais diaboliquement efficace où les riffs bien lourds s’entrechoquent parfaitement avec le tempo carré du réputé frappeur, pour un rendu impeccable qui passera allègrement le cap des années et de la scène, tout comme le morceau-titre qui suit dans la foulée et qui reste aujourd’hui la pièce majeure de cette galette. Particulièrement entraînante et énergique elle n’est pas sans rappeler les arrangements et parties jouées par le blondinet disparu, et fait aujourd’hui encore partie des classiques du Britannique qui figure toujours dans ses setlists. Après cette doublette imparable qui aurait pu figurer sur les intouchables
« Blizzard Of Ozz » et
« Diary Of A Madman » la suite va lentement mais sûrement montrer les limites de ces nouvelles compos. La fin de la première partie commence avec le mélodique et triste « You’re No Different (To Me) » qui prend des airs de balade mielleuse et kitch au fur et à mesure de l’écoute, la faute notamment aux claviers de Don Airey terriblement datés et trop proéminants, quant à « Now You See It (Now You Don’t) il se fait plus sombre et ténébreux mais finit par virer rapidement dans le Hard Fm typiquement 80’s et accessible par tous, ce que l’on peut regretter car l’idée de départ était intéressante. Bref rien de raté mais rien non plus de mémorable, et on a la désagréable sensation que celles-ci servent de bouche-trou, comme la suite va hélas le confirmer. Si « Forever » permet à la seconde moitié de démarrer de belle manière et de faire remuer la tête comme il faut la suite va retomber dans les travers aperçus auparavant, d’abord avec le mélancolique « So Tired » qui une fois encore voit le piano en faire des tonnes (tout comme la voix d'Ozzy vite fatigante), mais qui heureusement redevient intéressant quand le guitariste se lâche sur le solo. D’ailleurs on ne peut que regretter que celui-ci ne soit pas plus mis en avant, il fait le boulot et point barre, pas de folie exagérée et entraînante du coup on se retrouve avec quelquechose de scolaire et d’appliqué, mais quand on connaît le talent du bonhomme c’est franchement dommage. Ce sentiment est palpable sur le sympathique « Waiting For Darkness » mais qui s’oublie aussitôt l’écoute terminée, à l’instar de « Spiders » bizarroïde et qui arrive à captiver au départ pour ensuite finir par faire totalement décrocher l’auditeur le plus assidu et motivé.
Autant dire qu’après la doublette précédente on ne peut qu’être déçu de ce troisième opus en solo du prince des ténèbres, qui confirme l’importance qu’avait son ancien frère d’armes sur le niveau général de sa musique. Sans être un ratage en règle il possède trop peu de moments forts et se retrouve sauvé par son démarrage en fanfare qui lui permet de limiter la casse, et montre un déclin qui sera encore amplifié sur « The Ultimate Sin » qui correspond à la période où le chanteur était encore une fois retombé dans ses travers et excès en tous genres. Un album à voir comme une transition entre un passé révolu et un futur renouveau qui arrivera avec le recrutement d’un jeune guitariste blond et surdoué (qui fera inévitablement penser à quelqu’un), et avec qui il va vivre de très grandes heures.
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