Il y a des albums qui marquent et façonnent nos goûts et sensibilités touchant à la musique, qu'elle soit énervée ou plus tranquille. Un lieu commun bien plat, j'en conviens, mais qui se vérifie. Prenez le premier mélomane qui vous passe sous la main, au hasard : il aura immanquablement quelques galettes marquantes à vous nommer - la team de votre webzine favori s'était d'ailleurs pliée à l'exercice, il y a
deux ans.
C'est à mon paternel que je dois mon goût pour l'album qui nous intéresse aujourd'hui : le premier album, éponyme, de Van Halen, formation culte s'il en est, à la fois pour le talent et la technique de ses musiciens que pour l'exubérance vocale d'un David Lee Roth qui ne s'est jamais réellement calmé. Quand on est gamin, les choses ont bien plus tendance à vous marquer au fer rouge. Les deux frères Van Halen m'avaient ainsi assommé, de la dextérité aux cordes d'Eddie (qui reste, quoiqu'on puisse en dire, l'un des guitaristes les plus géniaux et inventifs du style) jusqu'au jeu de batterie mi-cadencé/mi-précis d'Alex. J'avais beau ne pas comprendre grand chose à ce qui se passait, j'appréciais déjà le déluge ponctué par l'hystérie communicative du chanteur.
"Van Halen", enregistré presque intégralement
live, pose les bases du style du quatuor, déjà bien affirmé. On imagine sans mal le pavé dans la mare qu'a pu représenter la galette, sortie en 1978 Les quatre compères semblent avoir tout donné lors de leurs trois semaines au sein du Sunset Sound, et la pochette en témoignerait presque, chacun étant figé en pleine saillie de son instrument - et David Lee Roth se jetant à corps perdu dans une foule imaginaire à l'arrière du disque : le ton est donné, ce premier opus sent la sueur, les muscles bandés, les grimaces ponctuant les plans techniques d'un Edward Van Halen prêt à retourner la scène entière et la gestuelle enfiévrée d'un maître de cérémonie en transe dès le premier titre.
Il y a à boire et à manger pour chacun, sur les onze titres que comporte l'opus. Le
hardos venu pour déguster trouvera sans aucun mal son bonheur, Alex Van Halen, en bon maître de la rythmique, impose un tempo aussi lent que carré, s'autorisant quelques parties fines évitant de sombrer dans la redite trop rapidement. Les compositions prennent leur temps, à l'image de ce "Runnin' With the Devil", ouvrant l'album, qui vient poser sur un
pattern de batterie relativement pépère un riff monstrueux, de ceux dont seul le chevelu batave possède le secret. Résolument
hard, Van Halen n'oublie à aucun moment ses racines plus "bleues", trahies par des notes teintées, de cette guitare presque plaintive de "Jamie's Crying" jusqu'à la surprenante "Ice Cream Man". Basse épaisse et chaude tenue sans fioritures par Michael Anthony, David Lee Roth passant de l'érotisme presque macho aux cris de grande folle,
"Van Halen" oscille entre l'épique et le fédérateur en continu. Mieux encore, les titres les moins intéressants (sans être dénués d'intérêt) que sont "Feel Your Love Tonight" et "Ain't Talkin' 'bout Love", finalement typés "FM", sont cassés par des compositions plus brutes, plus directes : "I'm the One", véloce des cordes jusqu'aux futs, est faite pour se déchaîner, avec un refrain on-ne-peut-plus entêtant, grandement aidé par ces choeurs masculins (présents tout au long du disque) qui donnent envie de faire chauffer nos cordes vocales.
Les grattes font ce qu'elles veulent,
tapping dément faisant office de pont mélodique ("You Really Got Me"), papier de verre sur le manche (l'introduction de "Atomic Punk"), toutes les techniques et expérimentations y passent - préfigurant le désir d'Eddie d'expérimenter, utilisant Van Halen comme laboratoire, pour le meilleur (le très acide "Sunday Afternoon In the Park" sur
"Fair Warning" en 1981) comme pour le pire (l'infâme et malheureusement notoire "Jump" sur
"1984"). "Eruption" en est d'ailleurs un bon condensé. Selon la légende, simple échauffement d'Edward Van Halen avant une session d'enregistrement - un peu comme si Usain Bolt se dégourdissait les jambes en enchaînant trois marathons. Ted Templeman, producteur et impressionné par les sons déments que parvenait à arracher le guitariste de son instrument, aurait insisté pour que cette démonstration de force figure à la
tracklist finale de
"Van Halen". Bonne intuition, ce solo restant un si gros tour de force que des centaines de personnes continuent de se râper les doigts en tentant d'imiter le maître.
"Van Halen" reste l'un de mes disques cultes, malgré nos quatorze ans d'écart. Il me donne l'image de la
rock-star dans ce qu'elle peut avoir de plus outrancier et flamboyant, de son jeu de scène jusqu'à sa façon d'être. Malgré quelques longueurs et mièvreries assez dispensables (je n'ai jamais été un amateur des
singles taillés sur mesure pour les radios)., ce premier opus est d'un niveau de maîtrise et de qualité impressionnants, tant pour l'époque que pour le groupe. Ce dernier, même si sa discographie est riche de bons albums (
"Fair Warning", évoqué plus haut), peinera d'ailleurs à retrouver l'énergie et la démesure qui habitent ce
"Van Halen". Historique et indispensable.
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