Depuis la parution de son premier album éponyme en 2014, Skáphe n’a cessé de muer au fil des années et des réalisations. La créature innommable – née de l’esprit d’A.P. (Chaos Moon, Ringarë ou encore Martröð) – s’est forgée une solide réputation au sein de la scène black metal. Elle continue d’ailleurs de semer destruction et démence dans les règles de l’art avec, dernièrement, un EP sans titre (2017) des plus qualitatifs ainsi qu’un long format collaboratif (2019) aux côtés d’une autre entité de renom, Wormlust. À peine le temps de reprendre votre souffle que la formation revient à la charge en 2020, en délivrant son troisième longue durée. Entre le sublime artwork de Karmazid – sorte de version cosmique et hallucinée de « Saturne dévorant un de ses fils » – ou encore l’arrivée de J.B. (Chaos Moon, Guðveiki,…) derrière les fûts, c’est le sourire béat et des étoiles noires plein les yeux que j’ai accueilli cette offrande.
Comme le laissent deviner les titres,
Skáphe³ poursuit donc l’histoire déjà débutée sur
Skáphe² et le dernier court format. Un nouveau chapitre horrifique, dans la droite lignée de ses prédécesseurs, qui vous saisit dès l’introduction instrumentale « VIII - Beyond Earthly Understanding ». Atmosphère glaciale, bruits anxiogènes, le monstre d’outre-espace ouvre grand ses entrailles afin de vous aspirer dans son vortex implacable. Son souffle entendu sur la fin « VII » continue de se propager ici et gagne rapidement en intensité. Les riffs dissonants conjugués à la force de frappe de J.B. ainsi que les petites cassures de rythme vous malmènent comme sur le titre « XIII - The Shrill Cracks and Moan ». La voix inhumaine – et bardée d’effets – de D.G. (Misþyrming, Naðra,…) est toujours aussi impressionnante, faisant monter l’angoisse d’un bon cran. Le groupe joue sur vos peurs les plus profondes, s’infiltre insidieusement dans votre inconscient. La complexité des morceaux, avec de nombreux changements de tempo ou encore de tons, y est pour beaucoup dans cette perte de repères. Les lignes de basses aussi sentencieuses que tentaculaires, parfaitement intelligibles, renforcent cette sensation d’inconfort (cf. « XI - The Ocean of Fire »). Les sonorités tortueuses de Skáphe – le travail d’écriture y étant pour beaucoup, tirant davantage vers le free jazz ou le prog – vous maintiennent avec force dans un chaos cosmique.
Toutefois, ce nouvel album se montre moins carnassier que
Skáphe². Un fait dû notamment à une production plus aérée et au remplacement de la boîte à rythme au profit d’un batteur. La durée relativement moyenne des compositions – seule « XVII - Rebirth Synthesis » en clôture, dépasse les 6 minutes – vous accroche davantage. Malgré la confusion ambiante, la progression de la bête informe ainsi que ses assauts démentiels paraissent s’effectuer naturellement. Les ambiances viscérales (renvoyant au EP sans titre) vous enveloppent sans forcer via les parties instrumentales et les diverses interludes (la funeste « X - Sing Lament to Thee », pour ne citer qu’elle). Des visions abstraites défilent sous vos yeux, à la fois cauchemardesques mais terriblement fascinantes – comme un long métrage sur l’univers de Lovecraft réalisé par Lynch. La formation étonne par ses coups d’éclat comme sur « XII - Buried in Dark Earth » avec ce chant clair sortant de nulle part et des mélodies plus subtiles (où l’on sent l’influence de Ved Buens Ende). Sous ses airs de monstres ataviques dévorant tout sur son passage avec des morceaux asphyxiants au possible (en particulier « XIV - A Spiritual Bypass »), Skáphe laisse entrevoir « autre chose ». Une petite lumière qui scintille dans cette immensité noire par des passages low et mid tempos fortement présents ici – souvent dans la continuité des fameuses interludes – ainsi que quelques riffs plus accessibles.
Au gré des écoutes,
Skáphe³ semble être un long titre fleuve de 36,37 minutes (à l’image d’Oranssi Pazuzu et son dernier album). Pas de rupture lors des enchaînements, il se vit d’une traite comme une œuvre cinématographique. Impossible de décrocher une fois lancé tant la musique du groupe est addictive, vous entraînant dans les profondeurs abyssales avec le funeste « XVII - Rebirth Synthesis ». A. Poole et ses acolytes arrivent une nouvelle fois à vous surprendre avec son black metal inclassable, délivrant ici sa meilleure réalisation. Un longue durée qui aurait dû figurer dans le bilan de l’année 2020 mais « procrastination, j’écris ton nom ». C’est également une bonne entrée en matière pour les personnes ne connaissant pas encore l’univers de cette singulière entité.
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