Un an après la sortie de son second album,
Skáphe², et avant la parution du split partagé avec Wormlust, l'ignominie sort une nouvelle fois du néant l'espace d'un EP éponyme. Et pour ce court format, composé d'une seule pièce de plus de 22 minutes, la bête immonde fait sa mue. Pas de voyage cosmique viscéral ou encore de broyage en règle mais « autre chose ». Les bases restent certes les mêmes avec ce bon côté « bad trip sous acides » et l'aspect plus inhumain ressenti sur le dernier longue-durée mais en plus affûté. Comme si Skáphe voulait vous faire visiter d'autres contrées morbides en faisant une synthèse de ce qu'il a délivré par le passé. Ce qui n'est pas pour me déplaire !
Suite à la grosse déflagration
Skáphe², la formation décide donc de relâcher quelque peu la pression tant dans son jeu que dans cette production moins massive et plus organique, laissant davantage place aux ambiances et aux effets. L'ensemble est fluide, prenant toutefois des cours aussi tortueux que mouvementés, sans coupures aucunes ni temps mort. En résulte une immersion plus intense dans l'univers malsain du groupe, ce dernier développant « VII » en s'affranchissant des barrières et jouant beaucoup sur les variations et textures. Pas de lassitude à l'écoute de ce titre fleuve mais, au contraire, une légère frustration par cette envie d'en vouloir plus. Pourtant, comme énoncé plus haut, vous avancez en terrain connu. Et, le duo ne cache pas ses intentions à vouloir tout annihiler à petit feu. Ainsi les lignes de guitares à la fois hypnotiques et dissonantes servent toujours de fil rouge. Un fil vous tranchant à vif que ce soit par des boucles miasmatiques ou encore de grosses claques bien âpres (cf. à la 5ème minute).
An extract to the end
Skáphe vous plonge dans une puissante transe où un kaléidoscope de noirs prend forme au gré des minutes, un vent froid et sec venant vous fouetter le visage par à coup. Vous entrevoyez mille et une horreurs, lévitez dans le néant ou encore regardez dans la cavité vos démons intérieurs durant ses 22 minutes passées qui ne vous seront d'aucun repos. Car si la formation tempère son propos le ton se fait très acéré et le côté bestial, presque omniprésent sur
Skáphe², subsiste ici – parfaitement retranscrit par les vocaux de D.G., la boîte à rythme écrasante ainsi que les parties agressives aussi soudaines que carnassières. Des turbulences savamment construites et maîtrisées créant des oscillations constantes avec les passages mid et low tempos dépeignant d'autres abominations. C'est d'ailleurs là que le changement au niveau de la production se fait clairement sentir – et en bien –, les subtilités gagnant en relief et offrant un rendu davantage profond et intrusif. Vous la sentez cette main informe remuer vos entrailles ? Et ses paysages sinistres de fin du monde, les voyez-vous ? À vouloir dépeindre ses cauchemars et angoisses hallucinés, A.P. vous fait perdre toute notion de temps, de repère. Un basculement dans le vide que vous effectuez sans même sourciller pris par la basse vrombissante (46éme seconde), des riffs prenant un tour plus accrocheur ou encore des décélérations déversant leur lot d'atmosphères aussi lugubres qu'entêtantes – comme cette conclusion brumeuse aux allures de « trou noir » et annonciatrice de nouveaux périples.
Cette sortie souterraine*, parue en format cassette très limitée via Mystískaos – (structure récemment créée par Alex Poole (Skáphe, Chaos Moon, Krieg, Esoterica, Martröð,...) et H.V Lyngdal (Wormlust) – et en digital, est une belle continuité dans l’œuvre du groupe. Sa personnalité ne cesse de se dévoiler et de prendre en ampleur au fil des années et des réalisations, même si les influences restent perceptibles et que des liens peuvent être fait avec d'autres formations (Deathspell Omega, Wormlust, Esoterica, etc.). Les fans de Skáphe et les amoureux/ses d'ambiances tant psychédéliques que tortueuses apprécieront. D'ailleurs, si le côté trop mastoc du second album vous a déçu au point de ne plus suivre le duo, un conseil : laissez une chance à cet EP !
* la volonté de produire en tirage limité et de ne passer que par certains canaux est un choix respectable mais peut être considéré comme un bémol, tant il est difficile de mettre la main dessus.
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