Skáphe - Skáphe²
Chronique
Skáphe Skáphe²
Débarquant en 2014 avec son nouveau projet Skáphe, rapidement suivi par la réalisation d'un premier album éponyme, le prolifique Alex Poole (Krieg, Esoterica ou encore Chaos Moon) créée quelque peu la surprise et remporte un petit succès underground. Il faut dire que notre homme y dévoile une facette beaucoup plus sombre et dérangeante, cristallisant – comme il sait si bien le faire – ses émotions par des atmosphères personnelles ainsi qu'une musique créatrice d'images. Paru uniquement en format cassette (et en digital) via Fallen Empire Records, ce longue-durée a été édité cette année en version vinyle – toujours via la même structure – coïncidant avec la sortie du second essai de la formation américaine intitulé Skáphe². Un titre plutôt sobre qui peut avoir différentes significations, deux pour deuxième album ou encore deux pour marquer l'arrivée de l'Islandais D.G. (Misþyrming, Naðra, 0 et Martröð) au sein du groupe. Car pour son retour en 2016 A.P. ne fait donc plus cavalier seul, suivant le même schéma de progression que Chaos Moon. Un choix qui, s'il peut laisser perplexe à première vue, va clairement se révéler payant une fois la galette lancée.
En effet, malgré ce changement de line-up ainsi que des titres plus « calibrés » (« II » ou encore « III ») ce dernier album se révèle être dès la première écoute le digne successeur de Skáphe. De l'artwork rouge et noir facilement reconnaissable de H.V Lyngdal (membre de Wormlust et Martröð) – vous renvoyant plus ici à l'horrifique japonais qu'au Scanners de Cronenberg des débuts – en passant par des sonorités toujours aussi cauchemardesques qu'abyssales, Alex Poole poursuit donc sa route dans les ténèbres. Pas de rupture donc mais une nette évolution permettant de sacraliser un peu plus les angoisses et de les retranscrire en musique. Prenant place au chant, D.G. vient renforcer le côté cyclopéen des compositions par ses vocaux à la fois graves et variés, bardés de réverbérations. De même la production plus massive et opaque ajoute au malaise notamment sur les parties plus rapides (comme sur « III ») où la saturation vous prend à la gorge. L'atmosphère développée par Skáphe est encore plus pesante et menaçante qu'auparavant, avec des cris ainsi que des plaintes sortant – par surprise – de ce maelström et vous pétrifiant d'effroi. D'ailleurs A.P. ne lâche jamais son étreinte grâce à des passages ambiancés (« V ») voir instrumentaux (« VI ») ne pouvant-être l’œuvre que d'un esprit dérangé. De bout en bout cette bande-son cauchemardesque vous perturbe, vous acculant dans les recoins les plus sombres de votre inconscient.
Skáphe² ne sera clairement pas une partie de plaisir avec ses plages sonores tant morbides que spatiales à la Ævangelist, délivrant ses secrets au compte-gouttes comme son prédécesseur. Mais aussi cryptique qu'oppressant soit-il, ce dernier arrive néanmoins à dérouler ses tentacules afin de vous prendre et vous entraîner dans l'abîme. Ce projet semble être en quelque sorte le frère siamois maléfique d'Esoterica, A.P. vomissant ses noires pensées durant ces 35 minutes. Vous retrouvez donc toujours cet aspect dissonant avec des notes qui s'étirent et tourbillonnent (cf. « II ») sans cesse, grignotant un peu plus l'espace. Cependant n'ayez crainte, les morceaux sont toujours – voire plus – intenses avec notamment un jeu de batterie très massif, vous faisant ployer en début d'album. Plus grouillant et mûri, ce dernier-né ne laisse aucun véritable temps mort, les nombreuses petites cassures ne faisant que donner du relief à l'ensemble. Développant son univers singulier, le désormais duo vous fait voyager au gré de ses humeurs d'un vortex grouillant – synonyme de « tabassage en règle » – aux confins insondables de l'univers par des ambiances certes plus éthérées mais gardant le côté angoissant. Vous ressentez ce changement de cap dès le morceau fleuve « IV » dont la première partie très cosmique et caressante vous met en confiance pour mieux vous tromper passer les 5:33. Tout s’enchaîne parfaitement avec le sibyllin « V » et ses échos spectraux ainsi que la longue conclusion des plus suffocantes venant achever le travail de destruction.
Cette dernière fait néanmoins le parallèle avec la piste sans titre clôturant Skáphe par une seconde partie plus brumeuse. Des petites touches instrumentales et aériennes qui font d'ailleurs un peu défaut sur ce second album, celles-ci apportant davantage de souffle ainsi qu'un aspect à la fois plus fragile et terrien. Deux mots annihilés par la formation, continuant son évolution et délivrant ici une œuvre inhumaine, informe mais paradoxalement parfaitement construite. Un bloc monolithique qu'il faut prendre dans son ensemble, vous faisant découvrir différentes formes de tortures auditives. Un bijou de sadisme !
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