Katatonia - City Burials
Chronique
Katatonia City Burials
Katatonia, à l’instar d’autres groupes comme Anathema par exemple, a très tôt opéré sa mue, passant d’un doom / death classieux à un rock sombre, assez prog’, tout aussi classieux. Fort de 12 albums, d’une floppée de EP, live et autres singles, le combo suédois jouit d’une réputation qu’il n’est pas nécessaire de souligner à nouveau. Justifiée, leur notoriété tient tout autant, selon moi, à cette capacité de passer d’un style à l’autre avec un naturel étonnant, qu’à leur science de la composition, rarement mise en défaut.
City Burials est donc le 12ème album du combo scandinave. Il me faut néanmoins, dès à présent, poser mon parti-pris. Relativement déçu des albums du groupe depuis The Great Cold Distance, je n’attendais rien de ce nouvel effort. Pour ma part, The Great Cold Distance avait déjà presque tout dit de la « troisième » période de Katatonia, une fois leur première période doom / death achevée (du magnifique Dance of December Souls à Brave Murder Day en gros) et leur seconde, plus rock sombre (de Discouraged Ones à Viva Emptiness) consommée. L’orientation plus prog’ du combo – qui ne délaisse pas ses aspects rocks dépressifs – m’avait semblé vider toutes ses cartouches sur ce premier album « nouvelle étape », la suite n’étant que redondance sans intérêt majeur à mes yeux (même si Dead End Kings et The Fall of Hearts n’étaient pas mauvais du tout).
Le nouveau venu m’a pris à contre-pied. La pochette sombre, les échos et la voix très typés Anathema dernière période qui résonnent dès Heart Set to Divide m’ont happé de suite, sans sommation. Ce premier morceau, aérien, prog’ et rampant à la fois, m’a immédiatement conquis. La batterie et les grattes hyper dynamiques, au son profond et très organique, offrent une mise en abîme absolument magique dès l’entrée en matière. La mélancolie est palpable, la batterie très organique, je l’ai dit, enveloppe les titres dans un voile cotonneux confortable autant qu’approprié et chaud (j’y retrouve un son proche de celui de Shining sur Halmstad).
La force de cet album est qu’il est avant tout régressif. On y retrouve tous les ingrédients de The Great Cold Distance, les mélodies fortes, les solis heavy (Behind the Blood, Untrodden), les accélérations hard rock et les ponts prog’ aériens et lumineux (Heart Set to Divide, The Winter of our Passing, presque pop). La structure de la plupart des titres s’articule autour de cette démarche, solis heavy / ponts rock, sans refrains perceptibles. Il en découle une impression de fluidité naturelle majestueuse que la durée relativement ramassée des titres renforce encore. Le temps passe vite alors pourtant que l’album s’écoule avec la paisibilité d’un ruisseau.
De même, on soulignera le positionnement opportun des pauses dans le tracklist. Dès le troisième titre, Lacquer, on comprend que cet interlude va permettre de passer doucement vers la seconde partie de l’album. Extrêmement lente, cette piste est emplie d’une douce mélancolie, les accords de guitares s’écoulant comme des gouttes d’eau frappant un sol sylvestre un jour de pluie en forêt. Cette transition est, je le disais, opportune parce qu’elle offre de basculer sur un des autres titres phares, Rein, empreint d’une nostalgie et d’une mélancolie absolument superbes. Magique, ce morceau est enchanteur, porté par des reptations heavy prog’ qui le « découpent » en plusieurs temps, qui le dotent d’atours émotionnels forts alors que, sans crier gare, un pont central le traverse, ultra aérien, sans en briser la dynamique (Vanishers et Flicker reposent sur des bases similaires et poursuivent, plus loin dans l’album, la démarche engagée ici, en accentuant cependant l’austérité globale des morceaux).
On notera également quelques idées surprenantes, comme sur City Glaciers ou Neon Epitaph par exemple, où le riff de départ – qui soutient également la structure tout du long – est inspiré par le folk / blues / banjo ou encore Lachesis et son piano majestueux qui occupe tout l’espace sonore, un peu comme sur le Silhouette d’Opeth, sur Orchid.
Tu l’auras compris, ce nouveau Katatonia m’a emballé. Il m’a réconcilié de suite avec celui que j’avais quitté il y a longtemps et dont j’avais entrevu le retour en force avec The Fall of Hearts. Equilibré, mélancolique et très joliment inspiré, ce nouvel effort des suédois est aussi doux qu’une brise d’automne et aussi majestueux qu’une forêt empourprée.
| Raziel 14 Novembre 2020 - 1899 lectures |
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