Katatonia - The Black Sessions

En tant que fan un peu feignant d'aller chercher toutes les raretés à droite à gauche mais aussi un peu frustré de ne pas les avoir, "The Black Sessions" est le genre d'événements que l'on n'ose à peine rêver tellement une telle entreprise peu paraître improbable. Et pourtant, surfant sur l'initiative de Avantgarde Music et son "Brave Yester Days" (voir chronique sur Thrashocore), Peaceville a décidé de regrouper dans cette compilation, toutes les petites choses que Katatonia a sorti entre 1998 et 2003. Mais si "Brave Yester Days" était une vraie mine de raretés contenant tous les premiers EPs introuvables du groupe, "The Black Sessions" se présente plutôt sous la forme d'un best-of, la majeure partie des titres présents provenant directement des albums. Au menu donc, quelques titres sortis uniquement sur les EPs, un titre inédit, un DVD live et beaucoup de bonne musique.

Rétrospective...


1998 - "Discouraged Ones" :

Katatonia sort une de ses plus belles oeuvres, "Brave Murder Day" en 1996, puis l'excellent EP "Sounds Of Decay" en 1997. Deux monuments de dark metal dans la plus grande tradition de leur style peaufiné d'années en années depuis leur première démo (1992). Puis arrive "Discouraged Ones" en 1998 et le virage à 180°, plus ou moins bien négocié par les fans. Katatonia change complètement de style, délaissant son dark metal pour un metal dépressif, touchant, simple et efficace où les hurlements de Mikaël Akerfeldt, chanteur/guitariste d'Opeth (utilisés pour les 2 précédentes productions) sont remplacés par la voix fragile de Jonas Renkse. Certains ont du se demander s'il s'agissait bien du même groupe qui a en plus opté pour un nouveau logo plus en accord avec leur nouveau style (le logo actuel). Discouraged Ones est un album timide où l'on sent que le groupe est en pleine recherche d'identité : les compositions sont parfois maladroites et répétitives mais possèdent un certain charme et il se dégage de cet album, une émotion sincère et communicative qui ne laisse pas indifférent.

Titres : "Nerve", "Deadhouse", "Cold Ways", "I Break" et "Stalemate"


1999 - "Tonight's Decision" :

Un an seulement après "Discouraged Ones", Katatonia revient avec "Tonight's Decision", confirmant ainsi le nouveau cap pris avec l'album précédent. La progression du groupe est phénoménale en si peu de temps : techniquement parlant avec un Jonas Renkse désormais très à l'aise vocalement et une production digne de ce nom (avec notamment un artwork des plus réussis signé Travis Smith), mais musicalement également avec des compositions bien plus variées et fouillées. On sent que le groupe a atteint une certaine maturité de ce point de vue là. Mais "Tonight's Decision" marque aussi le passage d'une des heures les plus sombres du groupe que l'on ressent sur les compositions et l'atmosphère qui s'en dégage, froide et dépressive à souhait. Un très bon album, un peu inégal mais qui regorge de titres magnifiques comme "For My Demons", "I Am Nothing" ou encore "Black Session". Le groupe change également de label et s'offre un contrat avec Peaceville Records, fournissant au groupe une diffusion moins confidentielle. On retrouve ici entre autres deux excellents titres présents uniquement sur la réédition de l'album : "No Devotion" et "Fractured".

Titres : "Right Into The Bliss", "I Am Nothing", "No Devotion", "Nightmares By The Sea", "For My Demons", "Fractured" et "Black Session"


2001 - "Last Fair Deal Gone Down", "Teargas" et "Tonight's Music" :

"Last Fair Deal Gone Down" ou l'album de la consécration pour les suédois. Je ne saurais vous dire combien de temps il a tourné dans ma platine tellement cet album est génial. Le groupe en a terminé avec le gros chagrin du précédent album et s'est rapproché d'un style plus rock, plus "catchy", avec un line-up stable et complet, incluant désormais un bassiste (Mattias Norrman) et un batteur (Daniel Liljekvist). Les titres sont plus efficaces avec des refrains bien plus travaillés qu'auparavant, ce qui pêchait un peu avec "Tonight's Decision". On pourrait regretter l'extrême noirceur qui inondait autrefois leur musique mais leur style n'en est par pour autant joyeux, toujours très mélancolique et plombant. On a ici un album parfait où rien n'est à jeter. Devant le succès de cet album, le groupe en a profité pour sortir deux EPs, "Teargas" puis "Tonight's Music", évacuant ainsi quelques chutes de studios que l'on retrouve dans cette compilation : "Sulfur" et "March 4" pour l'EP "Teargas", "Help Me Disappear" et "O How I Enjoy The Light" pour l'EP "Tonight's Music". Enfin quand je parle de chutes de studios, c'est histoire de dire qu'ils ont décidé de ne pas les inclures sur l'album car ces titres sont loin d'être mauvais croyez-moi.


Titres : "Teargas", "Help Me Disappear", "The Future Of Speech", "Passing Bird", "Sulfur", "Chrome", "Dispossession", "O How I Enjoy The Light", "March 4", "Tonight's Music" et "Sweet Nurse"


2003 - "Viva Emptiness" :

Alors que peu de gens s'y attendait, Katatonia a pris encore une fois son auditoire à contre-pied, sans succomber aux chants des sirènes. Vu le succès de "Last Fair Deal Gone Down", le groupe aurait pu nous refaire un album à la bonne odeur de tupperware et au succès garanti. Heureusement pour nous, Katatonia est un groupe qui va de l'avant et "Viva Emptiness" marque une nouvelle étape dans leur carrière, revenant à un style plus sombre et agressif, mais aussi plus complexe sans trahir leur évolution depuis "Discouraged Ones". Et celà donne encore une fois un petit bijou, avec des titres touchants, puissants et efficaces comme "Ghost Of The Sun" (un futur standard du groupe, si ça n'est déjà fait) ou encore "Evidence". On retrouve un titre inédit de cette période, "Wait Outside", enregistré en même temps que l'album mais non retenu qui était surement prévu au départ pour un EP futur. Un titre un peu atypique, mais plutôt bon, comme d'habitude.

Titres : "Criminals", "Ghost Of The Sun", "Sleeper", "A Premonition", "Evidence", "Omerta" et "Wait Outside"


Et pour vous mettre l'eau à la bouche, les deux CDs musicaux contiennent pas moins de 30 titres au total (15 chacun) pour une durée totale de presque 2 heures et 20 minutes. En tant que connaisseur du groupe, je peux vous assurer qu'il s'agit là d'un best-of quasi-parfait où l'on retrouve presque tous les meilleurs titres que le groupe a pu produire durant la période 1998/2003 (il y en a tellement qu'ils n'auraient pas pu tous les mettre de toutes façons). Et pour les oubliés de "Viva Emptiness", le reste est sur le DVD...


Le DVD - Concert à Cracovie (Pologne) :

Car pour ceux comme moi qui connaissent la plupart des titres de cette compilation, l'intérêt majeur de "The Black Sessions" concerne sans conteste ce DVD sur lequel je plaçais beaucoup d'espoir, contenant l'intégralité d'un concert enregistré en avril 2003 à Cracovie (Pologne). Le menu fait déjà bien saliver, reprenant l'artwork réalisé par Travis Smith et proposant un son stéréo ou Dolby 5.1 (pour ceux qui sont équipés). Un petit coup d'oeil sur la playlist me dit qu'on ne se fait pas baiser la gueule, principalement axée sur "Viva Emptiness" et "Last Fair Deal Gone Down" évidemment, mais contenant une chanson extraite de "Brave Murder Day", "Murder", fait assez rare pour être signalé.

Au niveau du concert en lui-même, on est en présence ici d'un véritable DVD musical de plus d'une heure de concert ce qui fait déjà grandement plaisir. L'image est d'excellente qualité, offrant une multitude d'angles de vue grâce à bon nombre de caméras. Techniquement, les organisateurs ont mis le paquet car l'éclairage est riche et varié, et le son (c'est ce qui importe) est également de très bonne qualité malgré un chant en retrait sur certains titres. Malheureusement, le plus gros problème concerne le montage qui est de mon point de vue, et c'est difficile à dire, désastreux. Les monteurs ont voulu montrer tout le monde tout le temps, ce qui donne une série de plans de très courte durée, un peu dans tous les sens et le rendu donne un peu la gerbe, dans le plus pur premier sens du terme. Et ça c'est vraiment, mais alors vraiment dommage...

Pour avoir déjà vu Katatonia en concert, leur prestation ici est bonne mais n'a rien d'exceptionnel, propre et prenante, avec comme je le disais, une playlist de rêve et malgré un Jonas qui peine un peu au chant. La fin du concert est par contre monumentale, où "Murder" est magnifiquement interprétée par le combo et hargneusement beuglée par le couple Jonas/Anders (qui doivent retrouver leur jeunesse), venant directement replacer "Brave Murder Day" sur la liste des albums à me remettre dans les oreilles. La seule chose que l'on pourrait leur reprocher, c'est d'être un peu trop statique car à part Anders et sa crinière et Daniel derrière ses futs, le reste du quintette ne bouge pas beaucoup : Mattias ne nous montrera que son 3/4 face et sa mèche toujours d'aplomb, Jonas ne fera qu'aller et venir à son micro en marchant et Fredrik jouera pépère de sa gratte. Le public est à peine plus vigoureux, mais il faut dire que la musique et l'ambiance ne se prêtent pas franchement aux pogos.

Titres : "Ghost Of The Sun", "Criminal", "Teargas", "I Break", "I Am Nothing", "Sweet Nurse", "Tonight's Music", "For My Demons", "Chrome", "The Future Of Speech", "Complicity", "Burn The Remembrance", "Evidence", "Deadhouse" et "Murder"


Avec en plus un magnifique artwork réalisé par Travis Smith (bien qu'il ne s'agisse pas de ses plus belles oeuvres) et un livret très complet avec photos et paroles, "The Black Sessions" nous montre le groupe sous son meilleur jour et nous rappelle à quel point Katatonia est bourré de talent, ayant su renouveler son style au fil des années et ne cédant jamais à la facilité. Alors c'est sûr, tout ça a un prix (comptez environ 25 euros), mais c'est le prix à payer pour 2 CDs remplis de titres aussi bons les uns que les autres et un DVD musical qui a lui seul aurait couté le prix de l'ensemble. Et même si le montage du concert me reste en travers de la gorge, pour ceux qui aiment le Katatonia nouvelle formule, "The Black Sessions" est l'objet ultime à posséder.

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