Ceux connaissant mes goûts (« ah bon t'as du goût toi ? » Des goûts, pas la même chose) le savent : dès qu'un groupe joue la carte du salement rétrograde, je tombe en admiration, banane sur la face autant que dans le pantalon. Forcement, avec une pochette contenant un squelette enrobée d'un violet criard, un patronyme qui sent le « générateur de nom Jus Oborn 2000 » et des faciès duveteux affichant cheveux trop longs et vestes à patch trop décorées,
Pathways Into Darkness ne pouvait que sonner le tocsin de la promesse dans mes oreilles d'avance béates. Ah, la bassiste est pas mal bonne aussi. Achat, hop.
Et autant dire que je me suis pris une vague de kitsch sur laquelle surfent ces quatre australiens avec une classe folle ! Partis d'un doom aussi vintage que fainéant avec
Infernal Wizardry en 2008, deux ans plus tard, c'est un autre message que transmettent nos hérauts tradi : plus heavy, catchy, cheesy,
Pathways Into Darkness évoque un Reverend Bizarre allant chez Manilla Road puiser soli et mélodies épiques sans renier une simplicité à l'effet instantané. Sur un tempo privilégiant le lent à la lourdeur excessive, la frappe bien placée à la variété, se greffent une section rythmique s'occupant d'enchainer des accords marqués du sceau du fougueux et une guitare répétant un enchainement de notes où l'on se demande si c'est une lead ou un solo que l'on écoute, méthode « mec, ça, c'est pour toi » en long, en large, jamais de travers ! Une formule à la limite du mongoloïde donc, mais d'une alchimie incroyable, synonyme de moments forts (le début de « Pathways Into Darkness », la lead de « Rainbow's End ») quand ce n'est pas tout le titre qui te met une déculottée de patron (« Living Dead » aurait été culte il y a quelques dizaines d'années). Surtout que le tout est loin d'être linéaire, un break en twin guitar (« Disease From The East ») ou une ligne de basse (« Some Like It Dead ») s'invitant souvent à la fête. Le son est daté sans virer au raw dégueulasse, parfait pour la musique pratiquée ici.
Le chant de Ol'Rusty Vintage Wizard Master (JE-SUIS-FAN) mériterait une chronique à lui tout seul : globalement clair, parfois à moitié hurlé à l'image du début de « Some Like It Dead », maladroit (ouch la montée sur « Disease From The East ») et au premier abord parodique façon « Nicolas Canteloup imite Osbourne en pleine gastro », il devient rapidement l'atout principal de
Pathways Into Darkness. Aussi nasillardes que juvéniles, ses vocalises faites de château hanté et autres ambiances lugubres donnent des frissons, allant jusqu'à transformer une simple composition en épopée (« Frankie's Dungeon », le pic de l'album, tellement suggestive que tu te crois direct dans une version dépressive du clip « Venus » de Bananarama !). Il y a quelque chose de délicieusement historique là-dedans, ainsi que l'impression d'entendre un perdant fier de lui-même. Les textes, non consultables, ont semblé à mon piteux franglais être dans le ton général de l'opus : un alignement de clichés merveilleux « Satan-feu-âme-guerre-fierté ».
« The Wizar'd Are Metal Heads Not Artists » peut-on lire dans le livret de l'album. Cette affirmation résume ce qui rend
Pathways Into Darkness bandant comme c'est pas humain : une musique de passionnés, connement jouée, connement chantée, exécutée avec un tel aplomb que l'on en regrette le temps où les instruments n'avaient pas besoin d'une production béton, où un disque ne se mesurait pas à son « songuevrahitinngue » dans une pesée « pour/contre » chère à ceux pensant que l'objectivité a quelque chose à foutre là-dedans (les bêtas), mais à la sensation d'entendre une réunion de personnes jouant ce qu'elle adore de la manière dont elle l'entend, en envoyant chier le reste. Finalement, ce qui transforme cet essai en démonstration, cette voix de merde en pathos communicatif à t'en faire inconsciemment serrer le poing, est cette attitude punk claquant tapping, chœurs viriles et refrains bêbêtes avec un je-m'en-foutisme autosatisfait faisant la différence. Le disque est malheureusement trop court (trente-trois minutes passant vite) mais apporte un plaisir unique, étrangement positif tant on éprouve de la joie à entendre la ferveur de ces petits servant une musique trop grande pour eux. Une déclaration d'amour au genre.
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