« Personne ne mérite le bonheur » dit le poète. Alors on écoute du doom qui pleure, on se fait du mal, on laisse l’ennui s’installer car on se dit qu’il y a quelque chose là-dedans qui nous parle, des images intéressantes, une pesanteur qui nous rattache à l’instant, une beauté qui se conquiert...
« Ta gueule ! » répond The Wizar’d au poète et à cette introduction, nous pétant les dents à coups de cannettes de bière. « Le bonheur ne se mérite pas, il se prend ! » déclame-t-il depuis des années, hurlant la joie qu’est le doom de ses poumons de poitrinaire, chaque fois plus proche du bonheur total que lors de son dernier essai. C’est donc sans surprise que la bande, après le virage
Ancient Tome of Arcane Knowledge, revient plus forte que jamais avec
Subterranean Exile, son quatrième longue-durée. Sept ans d’absence qui semblent avoir été une éternité à attendre la suite qu’allaient apporter ces sales gosses à leur avancée vers un heavy metal de plus en plus majoritaire en surface, mais restant constamment sous la coupe tranquillement dominatrice, papale, du doom metal. Elle est enfin là et ne déçoit aucunement, les choses reprenant comme si le temps n’avait aucune prise sur ces hérauts d’une musique à l’ancienne, pure, qui, comme chez Darkthrone, relève plus d’un fantasme que d’une réalité historique.
Car The Wizar’d n’est clairement pas un copiste, encore moins un arriviste. Il chante une nouvelle fois sur
Subterranean Exile ses temps anciens avec une gourmandise et un style le rendant à-part. Il y a bien sûr cette voix, reconnaissable entre mille et départageant toujours les amoureux des dégoûtés, ces hululements nasillards d’un Joker rêveur et fan de Iron Maiden, Rudimentary Peni en veste à patchs Manilla Road, étant toujours aussi radicaux. Surtout que les lignes vocales se sont faites encore plus pop-épiques et donc piquantes (pas sûr que vous l’ayez celle-là) qu’autrefois : impossible pour votre serviteur de ne pas dandiner et serrer le poing à chaque montée de voix de Ol’ Rusty tant leurs arrivées surviennent toujours avec la volonté de transmettre le feu qui les habite. Qu’on écoute « Long Live the Dead », le morceau-titre ou encore « Evil in My Heart », et qu’on vienne me dire, les joues rouges de claques et d’efforts physiques sur le plancher ayant fait office de dancefloor sur le moment, que ce doom-ci n’a pas un petit goût de reviens-y !
Quand, en plus, les guitares se mettent au diapason de leur prédicateur, bougeant leurs corps malingres (la production est on-ne-peut plus « True to the bone »), accumulant grands moments sur grands moments où soufflent autant le chaud allant des jambes à la tête que le froid des nuits où partir à l’aventure (« Dark Forces », comme une invitation), que faut-il de plus pour que vous vous jetiez sur ce groupe ? Il n’y a rien à déplorer sur ces trente-cinq minutes trop courtes car trop rares et trop précieuses. Mieux, là où les albums précédents pouvaient avoir quelques instants de latence, légers mais regrettables dans l’optique « All Killer, No Filler » de The Wizar’d,
Subterranean Exile ne descend jamais de son piédestal du doom épique et accrocheur jusqu’à des soli tous à tomber, un exercice peu aisé pour qui ne goûte d’habitude pas plus que ça les joies du manche. Ici, l’onanisme est collectif, les Australiens partageant avec grâce et intelligence leur amour béat et bêta, entre diversité des morceaux (le feeling rock de « Master of the Night », celui plus heavy en slow motion de « Wizard’s Revenge ») et unicité de l’ensemble, le tout guidé de la main conquérante de ce sorcier écrivant SON heavy / doom avec intransigeance, à la fois pour lui et pour ceux qui se risqueront à l’écouter.
Mais stop. J’ai beau avoir exprimé plusieurs fois mon admiration pour ces idiots-là, leur anonymat malgré des réussites s'accumulant me pose question. Je l’avoue, j’ai parfois l’impression de crier dans le vide, comme eux lancent leurs hymnes sans regarder en arrière, avec personnalité et passion.
Subterranean Exile, ou une énième perle de The Wizar’d que l’on qualifiera sans doute « d’injustement oubliée » dans quelques années. Après tout, peut-être ne méritez-vous effectivement pas le bonheur, ne cherchant pas les félicités que cache cette voix mal habillée mais au cœur en chocolat, préférant des plaisirs de moines engoncés dans un autrefois et des dogmes jusqu’à porter la bure – un costume qui n’est pas synonyme de jouissance, si vous voulez mon avis. Alors que ce cadeau est à côté de vous, disponible, offert, à portée de main... Ah ! Comme je vous plains...
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