Souvent considérée comme étant la pierre angulaire de la discographie de
DANZIG, la troisième offrande de l’homme mi-Elvis mi-loup-garou,
Danzig III: How the Gods Kill, a pourtant mis longtemps à se frayer un chemin dans ma psyché. Il faut dire qu’en 1992, alors à peine âgé d’une quinzaine d’année, j’étais probablement davantage réceptif au
look des musiciens ainsi qu’à la pochette signée
H.R. Giger, le tableau « Meister und Margeritha », un hommage au roman de
Mikhail Bulgakov lu quelques années plus tard avec délectation. De toute façon, j’avais déjà été piégé en achetant
To Mega Therion également à cause de la peinture « Satan 1 » du Suisse (je chéris mon exemplaire de son « Necronomicon II »), à l’époque il n’était pas rare de devoir se fier uniquement à l’emballage puis de s’en mordre les doigts une fois rentré au domicile familial.
Mais à la différence de
CELTIC FROST, j’ai fini par les aimer énormément ces dix titres. Il y a les petits chouchous (« Godless », « Anything », « How the Gods Kill », « Left Hand Black»,« Heart of the Devil », « Do You Wear the Mark »), les têtes à claques qui suscitent néanmoins la sympathie (« Bodies », « Dirty Black Summer », « When the Dying Calls »), le pénible à toute heure (« Sistinas »). Une répartition éminemment subjective visant à démontrer qu’une fois le rejet initial dépassé, cet album ne contient finalement que des tubes intemporels. 1992 – 2025 : le plaisir auditif va crescendo, peu de projets peuvent en dire autant.
D’abord, commençons par traiter la déception originelle. Pourquoi cette réaction quasiment épidermique ? Je ne devrais sans doute pas avoir besoin de le préciser mais la voix de
Glenn Danzig, lorsque tu ne t’y attends pas, elle a de quoi perturber profondément l’écoute. En effet, ce gros balèse gothique qui chante comme un
crooner, et ce dès sa première intervention dans « Godless », elle peut s’avérer déstabilisante pour des tympans non-avertis en dépit du propos sombre («
godless feeling in me night after night »), de la cymbale lancinante qui l’accompagne. Cela dit, c’est sans doute grâce à lui qu’un an plus tard je n’ai pas tiqué en découvrant
River Runs Red, j’étais fin prêt pour encaisser
Keith Caputo (groupe magnifique, y compris dans sa période honnie
Soul Searching Sun ne serait-ce que pour « Weeds »). En définitive, c’est vraiment idiot que cette intension vocale m’ait autant rebuté de prime abord car, musicalement, ce morceau d’ouverture se découvre en réalité tel un bijou de noirceur : introduction musclée sur un roulement de batterie en solo, puis des attaques franches de guitares jouant un bon gros riff
heavy metal, quelques légères envolées
leads (
John Christ s’impose en pur tueur tout au long de cette galette) puis, à 01:03, la chute brutale de tempo. Nous entrons alors dans une dimension
doom mystique, à la fois pesante et angoissante, une chape de plomb anxiogène qui s’abat sur notre moral pourtant d’acier… Fantastique. Plus tard, bien plus tard, j’ai fini par le savourer ce timbre à la fois viril et sensuel qui mime le romantisme exacerbé à la perfection : le chant clair d’« Anything » ou du titre éponyme se transforme en un tantrisme capable de remettre en question une orientation sexuelle affirmée. D’ailleurs, au-delà de ce préambule (je parle toujours de « Godless »), c’est bien la mélodie qui s’en suit qui emporte l’adhésion car, une fois que l’on a digéré la voix (de grès ou de force puisque la cassette est achetée, non-revendable, d’ailleurs qui en aurait alors voulu ?), on peut commencer à s’intéresser aux mélodies envoûtantes, magnifiquement accompagnées par quelques solos flamboyants. Chef d’œuvre ? Absolument.
Dans un registre similaire, « How the Gods Kill » dépose de très grosses couilles sur l’autel des sacrifices en dépit de ses « oh oh oooooh » introductifs. Heureusement, l’arpège relève de la magie noire,
Glenn te murmure des mots doux dans le creux de l’oreille, c’est beau, voire très beau («
If you feel alive in a darkned room, do you know the name of your solitude »), l’atmosphère suinte la dépression post-coïtale avec un succube à la plastique parfaite, du moins jusqu’à 02:43. Là, l’auditeur subit une brutale chute de tension. Énorme riff, harmoniques de zinzin, batterie qui martèle, chanteur en transe dans son saillant marcel résille, diable que c’est émouvant… Oui, émouvant, je ne connais guère d’autre adjectif afin d’évoquer cette chanson, point d’orgue incontestable du LP.
À côté de tels joyaux, d’autres pistes font pâle figure. Je n’ai rien contre « Dirty Black Summer » mais elle sent vraiment trop le calibrage MTV ou les ondes radios
mainstream, de même que la ballade mielleuse « Sistinas ». J’en viens néanmoins à l’apprécier, comme un lépreux finissant par tolérer ses croûtes abjectes mais, pour moi qui ne pouvais alors pas me rincer l’œil sur le buste musculeux du beau brun ténébreux, je sautais systématiquement cette composition (touche « avance rapide » pour les propriétaires de lecteurs cassette). Je reste également conscient que d’autres titres plus bonhommes pourraient paraître d’un moindre intérêt cependant, à bien les réécouter, un « Do You Wear the Mark » grâce à sa solide base
hard rock se sauve à la faveur de son
break magistral vers 02:30, un riff qui vient taper de façon presque visionnaire dans le
stoner et qui relance complètement la dynamique de la composition. Idem pour le final « When the Dying Call », que j’ai longtemps considéré comme très en-dessous du reste de l’album du moins jusqu’à la montée qui mène au refrain, puis au solo. Parfait, je le dis sans honte.
Car oui ce disque est fabriqué de couplets, de refrains, choses élémentaires que l’on a aujourd’hui tendance à oublier surtout quand on écoute beaucoup de musiques techniques. Fut un temps où les musiciens écrivaient des refrains, ces derniers revenaient trois ou quatre fois dans la chanson et c’est là où nous prenions du plaisir, on chantait, on était heureux. Maintenant, lorsqu’un accord revient plus de deux fois, tu as l’impression que les mecs recyclent leurs idées et manquent d’inspirations. En résumé, si tu n’as pas connu l’époque
New Jersey de
BON JOVI, tu auras du mal à comprendre à quel point le sens de la rengaine fut primordial dans les années 80 – 90. Un jour je le chroniquerai, je lui mettrai 10/10 parce que personne ne peut continuer à exister sans avoir écouté au moins une fois « Bad Medecine », « Born to be My Baby » ou « Wild is the Wind ».
Bon, combien je lui mets à ce
Danzig III: How the Gods Kill ? La note maximale ? Non, il y a des éléments caricaturaux au-dessus desquels je n’arrive pas à passer. En revanche, il va prendre directement son statut de sortie culte : pour l’unicité du style, pour les solos dantesques, pour les refrains imparables, pour l’ambiance singulière (dans un tout autre registre, si tu organises une soirée en tête-à-tête avec ta dulcinée et que tu lui passes ce LP +
Bloody Kisses, sois certain que c’est gravé sur ton front que t’as envie de la niquer hein), parce que la suite a été un peu en-deçà même si j’apprécie énormément
Circle of Snakes alors que la caricature va peut-être aujourd’hui trop loin avec le
Danzig Sings Elvis de 2020… Quoi qu’il en soit, impossible de dire que l’on est amateur d’artistes sombres, de gothisme, de rock satanique sans posséder cette merveille de 1992. Dans le cas contraire, n’est-on pas juste un triste clancul de pacotille, un vil pignouf bon à jeter aux oubliettes ? Je pose la question.
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