Chainsword - Blightmarch
Chronique
Chainsword Blightmarch
Après avoir connu un âge d’or durant les années 90 et début 2000 le Death Metal Polonais connaît depuis quelques années une vraie pénurie de nouveaux talents, tant les outsiders et suiveurs de l’éternel VADER ont pour la plupart soit raccrochés les gants (DIES IRAE, YATTERING), ou sont alors dans une phase de déclin continu (TRAUMA). Désormais distancé dans son pays par une scène Black omniprésente et à la qualité confirmée celui-ci peut néanmoins entrevoir le bout du tunnel avec l’arrivée de CHAINSWORD, qui semble décidé à remettre les pendules à l’heure de par un style rétro et ultra-efficace où aucune compromission avec la modernité n’est de mise. Très discret depuis ses débuts en 2016 (avec la sortie uniquement de deux compositions inédites) le combo de Varsovie signe avec ce premier album une vraie réussite qui nous renvoie tout autant vers HAIL OF BULLETS que du côté de BOLT THROWER (il n’y a qu’à voir cette pochette largement inspirée par « War Master » pour en être convaincu), et qui va faire du bien par où ça passe.
Car sans atteindre le niveau de ses aînés le quintet a quand même de nombreux arguments à faire valoir ainsi qu’une thématique guerrière commune à ceux-ci, vu qu’ici la seconde guerre mondiale est à l’honneur et principalement par ses fronts Soviétique et Japonais. D’ailleurs on ne met pas longtemps à apprécier ce thème vu qu’ici nulle trace présente d’intro, d’interlude ou d’outro inutile… le groupe préférant l’efficacité aux effets superflus, du coup dès que démarre « Ost Front 1943 : Stalingrad », le ton est donné et ça va s’enchaîner avec brio durant presque trois-quart d’heure ! Particulièrement rampante et lourde (où le tapis de double est prédominant) cette plage d’ouverture ne va pas être rapide, car la phase d’approche de l’ennemi est privilégiée à celle du combat frontal, résultat quelques petits ralentissements rythmiques pour aérer l’ambiance avant de repartir dans son char vers le champ de bataille. Sonnant plus ici vers la regrettée formation Batave les Polonais montrent qu’ils savent maîtriser le rythme et qu’ils n’en font pas des tonnes, cherchant toujours l’accroche et le groove au surplus technique, un sentiment confirmé sur la composition suivante (le tout aussi réussi « Spinehammer »). Si ici la vitesse sort de sa réserve et se montre plus présente les passages écrasants sont toujours fortement marqués et nul doute qu’en concert le rendu va être implacable et faire du dégât dans la fosse, porté par un équilibre sans failles entre étouffement et bombardements collatéraux. Au milieu de ceux-ci il y’a toujours une certaine accalmie et c’est ce à quoi nous prépare l’excellente doublette « Horus, The Chosen Son » et « Ost Front 1942 : Moskau », qui voit les passages expéditifs laisser place à une lourdeur plus marquée et une mélodie plus affirmée. En effet ici l’apport des solos va être indéniable tant ils vont donner la sensation d’espoir auprès des soldats de par leur facette lumineuse et plus posée, sans pour autant tomber dans le plaintif vu qu’il faut quand même rester lucide sur où l’on est. Voyant l’alternance entre accélérations et ralentissement se faire plus présente ces deux morceaux sont probablement les meilleurs de cette œuvre qui clôt sa première moitié par le sympathique « Dead Hand Call », très classique mais légèrement en dessous de ce qui a été entendu jusque-là.
En revanche dès qu’on attaque la seconde partie on va s’apercevoir que c’est Karl Willetts et ses acolytes qui prennent ici de l’ampleur tant ça peut faire penser à leur ultime bijou « Those Once Loyal ». Avec ce son plus gras et ses relents Doom « Exterminatus » est le parfait exemple de ces propos, car on navigue ici dans quelque chose de plus sombre et froid, comme si la mort traînait dans les parages avec cette montée en pression progressive vers les rythmiques médium où l’on a du mal à ne pas headbanguer, et à lancer la contre-attaque décisive et salutaire. D’ailleurs « Daemonculaba » et surtout « Blightmarch » vont continuer sur ce chemin tracé avec ce tapis de double pénétrant (et les bruits de bottes en arrière-plan pour ce dernier) qui renforcent ainsi l’aspect militariste de l’ensemble qui reste calé presque en continu au ralenti, avant de tout lâcher durant les ultimes secondes comme un ultime pied de nez à ceux qui croyaient que ça allait rester pépère. Si l’excellentissime « Dreadquake Mortar » lorgne carrément vers le fameux « No Guts No Glory » (tant les riffs y sont directement inspirés), et y atteint presque la même intensité que l’original la conclusion va elle montrer toute la palette de jeu des gars. Intitulée « 06.08 09:15 » (en rapport avec le largage de la bombe atomique sur Hiroshima le 6 août 1945) ceux-ci osent y ajouter des blasts qui seront d’ailleurs les seuls de ce long-format et où le grand-écart va être total et général, via à la fois une froideur absolue qui s’efface au profit d’une chaleur intense et difficilement supportable.
N’hésitant à alterner les voix growlées et criardes entre le chanteur et le batteur, cette sortie on l’aura compris est pour l’instant une des meilleures en matière de Metal de la mort en 2021, tant elle se montre affûtée au niveau de l’écriture et ne cherche jamais à s’éterniser inutilement sur la longueur (seule la compo de clôture dépasse les cinq minutes). Avec en prime une production propre et grassouillette, un groove imposant et imparable et un feeling à tout épreuve il serait donc dommage de ne pas se jeter dessus, tant elle ravira tous les nostalgiques de l’entité de Coventry et qui n’en n’ont toujours pas fait le deuil. Rivalisant sans peine avec FROZEN SOUL (tout étant néanmoins plus pêchu), WAR MASTER, CHAOSBRINGER et autres ersatz intéressants, cette galette est une excellente surprise inattendue et débarquant de nulle part, qui redonne de l’intérêt au genre dans la nation originelle de Frédéric Chopin et Marie Curie. Comme quoi tout n’est qu’un éternel recommencement et on peut souhaiter que les mecs entraînent désormais avec eux toute une nouvelle génération locale qui permettra au style de retrouver ses lettres de noblesse et lui redonner l’attrait qu’il avait là-bas il n’y a finalement pas si longtemps.
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