Je sais, je sais...L'année est loin d'être terminée et nous réserve certainement son lot de bonnes surprises, en tout cas, je l'espère, car les mauvaises, on s'en passerait bien, merci ! Mais je dois reconnaître que, pour l'instant, on est loin du bilan top moumoute de l'année 2020 et j'ai bien du mal à m'enthousiasmer pour l'ensemble des sorties des dernières semaines, voire mois. A toute règle son exception et si je devais citer un seul nom qui se distingue nettement, ce serait sans hésitation celui de
SUFFERING HOUR (avec STARGAZER et FOSSILIZATION en embuscade pas loin derrière).
Amoureux de la dissonance, vous n'étiez sans doute pas passés à côté de leur premier album
In Passing Ascension sorti en 2017 chez Blood Harvest, qui s'est immédiatement imposé comme un premier long effort de haute volée, d'une originalité folle, offrant un énième sous-genre au Black/Death avec ce son si particulier et cette sensibilité à fleur de peau. Très loin d'être mauvais mais sans surprise, l'EP
Dwell sortait deux ans plus tard, me laissant un peu sur ma faim avec une seule piste de 18 minutes. En signant la sortie de
The Cyclic Reckoning avec Profound Lore Records, SUFFERING HOUR entre définitivement dans la cour des grands et démontre qu'ils en avaient encore sous la pédale, car si
In Passing Ascension contenait déjà tous les éléments qui font leur charme irrésistible, le trio américain s'est surpassé avec ce second album, repoussant ses propres limites pour atteindre le presque sommet d'un art mêlant brutalité et émotion. Un conseil : prenez une longue inspiration avant de le lancer car la plongée dans les eaux tumultueuses est immédiate avec l'excellent "Strongholds of Awakening" et qu'il ne sera possible de remonter à la surface pour retrouver son souffle qu'à la dernière seconde de "The Foundations of Servitude".
Ce qui frappe, ce dont on se délecte, et ce, depuis
In Passing Ascension, c'est évidemment la finesse et l'élégance de cette unique guitare virevoltante entraînant l'auditoire dans un tourbillon continu, ce riffing tourmenté et vertigineux au feeling incroyable, ces mélodies qui touchent au coeur ("Transcending Antecedent Visions"), nous immergeant dans une mélancolie profonde dans laquelle il est si tentant de s'abandonner définitivement. Il serait malgré tout injuste de réduire l'intérêt du groupe au talent incontestable de son guitariste Josh Raiken (aka YhA), car les Américains ont redoublé d'efforts sur le difficile exercice de composition des morceaux, sans lequel les dissonances si caractéristiques pourraient vite devenir indigestes. Les constructions sont soignées avec de nombreux changements de rythmes à grands renforts d'accélérations sauvages ("The Abrasive Black Dust Part II") et de passages plus apaisés, le travail de Jason Oberuc (aka IsN) derrière ses fûts est très classieux, tout particulièrement sur ses cymbales, les grondements gutturaux de Dylan Haseltine (aka DgS) animés d'une furieuse passion au sens littéral du terme, de celle que l'on subit, de celle qui nous ronge de l'intérieur.
Au sein de la scène Black/Death, disparate et pléthorique dans laquelle se côtoient le meilleur et le pire, il est bien difficile de se démarquer. SUFFERING HOUR, grâce à ce son unique, reconnaissable entre mille, à un parfait équilibre entre violence et sensibilité et une sincérité non feinte, parvient sans difficulté à nous entraîner dans un univers parallèle, à l'atmosphère atypique, sombre, brutale et mélancolique à la fois. Il n'y a rien de plus troublant qu'une virilité ainsi mise à nu, rien de plus émouvant qu'un artiste livrant son âme, confessant son désespoir, rien de plus bouleversant que de s'apercevoir que l'on partage les mêmes heures de souffrance.
Avec
The Cyclic Reckoning, SUFFERING HOUR nous gratifie d'un don généreux de cinq pistes d'égale et remarquable qualité, ténébreuses et déchaînées, mais intimistes et sensibles, qui effleurent la perfection, à tel point qu'il sera peut-être difficile d'accueillir avec de semblables louanges son successeur. Prenez votre temps, Messieurs, prenez votre temps, je ne suis pas pressée, j'ai encore de quoi me délecter pendant un bon moment avec ce merveilleux album.
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