Vile Apparition - Depravity Ordained
Chronique
Vile Apparition Depravity Ordained
Si vous êtes là à lire cette chronique c’est probablement que vous n’avez pas fait la même erreur que moi il y a maintenant presque trois ans quand après avoir téléchargé l’album de manière tout à fait légale (l’avantage de recevoir quelques liens promotionnels), j’ai finalement choisi de l’ignorer en grande partie à cause de cette illustration par forcément très engageante. Deux ans et neuf mois plus tard, me voilà pourtant bien obligé de faire amende honorable et ainsi tenter de rendre humblement justice à un album boudé en ces pages et cela malgré ses qualités plus évidentes les unes que les autres... Ne serait-ce pas ce que l’on appelle un délit de faciès ?
Groupe australien en activité depuis 2017, Vile Apparition compte dans ses rangs des membres et ex-membres de Gutless et Sewercide. Un line-up qui aurait dû me mettre la puce à l’oreille et les yeux en face des trous mais qui à en croire mon cruel manque d’intérêt à l’époque n’a pas su faire résonner mes cordes sensibles. Tant pis, j’aurai donc un peu de retard sur ce coup mais ce sont des choses qui arrivent et arriveront probablement encore.
Quoi qu’il en soit, après une démo intitulée Atrocious Captivity dont on retrouve d’ailleurs les quatre titres ici en guise de bonus ainsi qu’un split en compagnie du groupe polonais Incinerator, Vile Apparition a poursuivi son petit bout de chemin avec la sortie en janvier 2019 de son premier album baptisé Depravity Ordained. Une sortie effectuée sous l’étendard du label espagnol Memento Mori et dont l’illustration, objet de cette malheureuse erreur de jugement, a été confiée à un certain Chaostouched, un artiste grecque relativement discret ayant également collaboré avec des groupes tels que Necrovorous et Rapture.
Perché à près de cinquante-quatre minutes, Depravity Ordained à de quoi effrayer. Pourtant, une fois embarqué dans ce long périple, difficile de ne pas s’en réjouir si on est un tant soit peu client de ce genre de Brutal Death à la sauce new-yorkaise. En effet, Vile Apparition donne ici dans une relecture relativement fidèle du Suffocation des années 90. La production plutôt sèche (même si cette batterie au naturelle avec notamment cette caisse claire qui claque bien comme il faut évoque davantage ce qui se faisait au début des années 2000) et relativement dépouillée signée des mains du groupe lui-même (avec un mastering confié quant à lui à Dan Lowndes du groupe Cruciamentum) participe grandement à nourrir cette impression. Mais ce sont surtout ces compositions sans chi-chi ni artifice qui permettent de tracer ce parallèle avec les rois du Brutal Death new-yorkais.
En effet, Vile Apparition ne s’est pas fixé pour mission de nous faire tourner la tête en affolant le métronome à coups de BPM confinant à l’indécence. De la même manière, la technique n’est pas ici un faire-valoir à afficher sur de quelconques autocollants promotionnels ni même une fin en soit pour des musiciens à l’égo démesurés ayant perdu de vue le sens du mot "musicalité". Non, les Australiens ne sont absolument pas dans la surenchère et livrent avec Depravity Ordained un Brutal Death à l’ancienne qui rappellera effectivement de très bons souvenirs à tous les amateurs de la scène new-yorkaise (Suffocation, Pyrexia...), US (Deeds Of Flesh, Cannibal Corpse...) et canadienne (Cryptopsy, Gorguts...). Brutale sans être d’une violence inouïe, la musique de Vile Apparition convainc en premier lieu grâce à la qualité évidente et indiscutable de ses riffs sombres et tarabiscotés qui tricotent à qui mieux-mieux. Comme évoqué un petit peu plus haut, le groupe ne cherche pas à atteindre des sommets de brutalité, pour autant cela n’empêche pas les deux guitaristes d’opter ici pour un jeu particulièrement nerveux et incisif se traduisant concrètement par de nombreux changements de plans et autres transitions inattendues. Cette sorte de frénésie, Vile Apparition l’entretien également à l’aide de cette batterie intense et épileptique menée par un Ollie Ballantyne (Gutless, ex-Sewercide) qui lui non plus n’est pas là pour amuser la galerie. Aussi à l’aise dans l’exercice du blast soutenu ("Mauled And Nameless" à 0:10, "Depravity Ordained" à 2:54, les premières mesures de "Dissect To Enucleate" et "Aeon Of Impalement", etc) que dans l’accélération thrashisante toujours aussi redoutable d’efficacité ("Dissect To Enucleate" à 1:37, "Aeon Of Impalement" à 3:38, "Malevolent Aphantasia" à 1:38, "The Gate" à 0:54...) ou dans le mid-tempo savamment dosé ("Mauled And Nameless" à 1:48, "Aeon Of Impalement" à 2:16, "Window Of The Grotesque" à 2:19), l’Australien fait montre d’un jeu tout aussi explosif et varié qui participe là encore à l’appréciation de ce premier album. Enfin il faut également compter sur ces nombreux solos qui à leur manière apportent un juste et nécessaire vernis mélodique à chacune de ces compositions ("Mauled And Nameless" à 2:14, "Depravity Ordained" à 3:07, "Dissect To Enucleate" à 0:59 et 3:28, "Aeon Of Impalement" à 2:31), sur ce growl efficace et suffisamment nuancé pour ne pas devenir monotone ainsi que sur cette légère pointe de groove tout de même bien moins redoutable et prononcée que chez les New-Yorkais. Seule manque véritablement à l’appel cette basse que l’on aurait aimé entendre davantage histoire de relever encore un petit peu plus la sauce.
On l’a évoqué un petit peu plus haut, Memento Mori a souhaité inclure en guise de bonus les titres de la démo Atrocious Captivity aux quarante minutes initiales de ce premier album. Quatre compositions qui ne figurent pas sur l’album et qui laissent l’opportunité de faire durer le plaisir. Alors évidemment la production n’est pas tout à fait aussi flatteuse mais on reste quand même dans le domaine du tout à fait acceptable. De la même manière, on constate que les musiciens de Vile Apparition étaient déjà tous très bien en place et que leur Brutal Death à l’ancienne était lui déjà bien rodé. Ainsi, on ne constate pas de grandes différences entre ces quelques compositions et celles de l’album en terme d’exécution, d’efficacité, de feeling ou de qualités intrinsèques. La seule petite « gêne » que vient occasionner l’adjonction de ces morceaux est la durée quelque peu excessive de ce premier album affiché à près de cinquante-cinq minutes. Certes, les morceaux sont de qualité mais il n’est pas certain que vous ayez tous la motivation pour vous enfiler près d’une heure de Brutal Death sans broncher.
Album généreux, Depravity Ordained ne devrait avoir aucun mal à convaincre tous les amateurs de Brutal Death très fortement marqué par les années 90. Quelque part entre Suffocation, Cannibal Corpse, Gorguts et quelques autres, ce premier album propose en effet une vision passéiste mais néanmoins dénuée de tous ces défauts quasi-systématiques qui plombent depuis maintenant plusieurs années l’essentiel des sorties du genre. Alors effectivement, les influences ne manquent pas de sauter aux oreilles tout au long de ces quarante (allez, cinquante-quatre) minutes mais pourquoi crier au scandale quand on peut s’enfiler dans les oreilles un disque de ce calibre ? Non, les raisons de se réjouir ne manquent pas et ce premier album des Australiens est bel et bien une franche réussite. Sorti il y a bientôt trois ans, il n’y a plus qu’à espérer qu’une suite voit le jour assez rapidement. En attendant que ce jour arrive, je vous conseille vivement de prêter sérieusement attention à ce Depravity Ordained si tous les groupes évoqués dans cette chronique sont du genre à éveiller un semblant d’excitation chez vous.
| AxGxB 12 Octobre 2021 - 1072 lectures |
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