Un virus. C’est l’image principale que j’ai de The Body et c’est ce que j’attends de lui lors de ses collaborations avec d’autres projets. Il faut dire que le duo Chip King / Lee Buford a tout fait pour me donner cette impression lors de ses différentes créations avec Vampilia, Thou, Braveyoung ou encore Uniform, prenant le style premier de ses collègues du moment pour le modifier, utilisant ses expérimentations sonores comme des moyens d’infection. Autant de mutants pour autant de grands écarts, rendant impatient de voir arriver un nouveau variant…
...Et ce, malgré l’alliance avec un groupe que je n’apprécie pas nécessairement. Clairement, Big Brave a su enchanter avec ses sorties. Toutes mes rencontres avec la bande menée par Robin Wattie se sont pourtant soldées par une moue dubitative, me laissant la sensation d’écouter une musique trop minimaliste, vaporeuse et bancale malgré une personnalité indéniable. J’espérais donc que cette réunion allait être l’occasion de revoir mes a priori concernant les Québécois.
L’échec est évident, la note accolée à cette chronique le signalant d’emblée :
Leaving None but Small Birds est pire que les quelques bébés semi-ratés auxquels The Body a aussi pu donner naissance lors de ses accouplements avec Krieg ou encore The Haxan Cloak. Le parti-pris est pourtant osé, avec ses trente-huit minutes d’une folk/country – directement inspirée par les œuvres de The Band ainsi que les folklores canadiens, anglais et la culture des Appalaches – fricotant avec le drone et l’industriel, sa pochette enfantine et colorée, ses titres que l’on croirait issus de quelques romans américains pastoraux et dépressifs. Cependant, rien n’y fait, tant je recherche dans ce disque où est passé le talent de The Body, comme quelqu’un cherchant impatiemment son rendez-vous d’un soir pour finalement rentré chez soi, seul, déçu et un brin amer.
Impossible de critiquer la forme, indéniablement cohérente dans ce qu’elle dépeint. Impossible de déplorer l’absence de conviction également, prégnante chez des musiciens ayant travaillé leur copie, notamment dans un chant qui bat à la main ses ritournelles de femme-fermière... jusqu’à l’écœurement (« Oh Sinner » ou encore « Black is the Colour », bien trop répétitives).
Leaving None but Small Birds contrarie et agace malgré tout, en premier lieu par le sentiment que The Body n’apporte que peu de chose à l’ensemble, paraissant bien trop timide après un retour en solo particulièrement venimeux et bruitiste (
I've Seen All I Need To See, paru la même année et bien plus imposant). Exceptés durant « Hard Times », « Babes in the Woods » et « Polly Gosford », où les rythmiques et invasions de bourdonnements menaçants s’invitent, c’est à se demander où se trouve le duo, au nom pourtant bien présent sur cet album ! Nul doute que les amateurs de Big Brave trouveront ici de quoi prendre leur plaisir, par exemple dans cette voix et cette manière cyclique de composer : me situant de l’autre côté de la barrière, je ne peux qu’être ennuyé par cette jolie chose lavée et délavée, dénuée des profondeurs aliens habituellement présentes chez les Ricains.
Comme une réponse aux collaborations de leurs frères Thou avec Emma Ruth Rundle, The Body tombe dans les travers que ces derniers avaient su éviter, offrant une fusion audacieuse sur le papier mais bien trop superficielle pour marquer. Agréable en fond, une écoute attentive rend ce disque presque horripilant, tant son audace donne naissance à une musique fade et clichée d’une folk noisy à belle voix (cherchez dans vos étagères : vous avez sans doute déjà une meilleure version de ce disque). Non-conforme à mes attentes donc, mais indéniablement bien trop conformiste.
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