Yoth Iria - As the Flame Withers
Chronique
Yoth Iria As the Flame Withers
L’an passé, Yoth Iria avait adressé une belle carte de visite au monde entier avec son premier EP, Under His Sway, qui faisait la part belle à un black metal hellénique d’appellation d’origine contrôlée. Il est vrai que nous n’avions pas à faire sur cette réalisation à des débutants en la matière, puisque ce groupe n’est autre que la nouvelle formation de The Magus - Thou Art Lord, Necromantia - et de Jim Mutilator, - ancien membre de Rotting Christ et de Varathron -, et donc de deux figures historiques, si je puis dire, de la scène grecque. En parlant de Rotting Christ, l’on retrouve ici Georges Emmanuel, l’ancien guitariste du groupe des frères Tolis. Entre temps, le duo s’est retrouvé dans le roster de Pagan Records, et l’on aurait pu avoir quelques craintes vu que le label a sorti des choses un peu douteuse cette année, mais il n’est aucunement sujet de postures arty pour hipsters en mal de sensations fortes sur ce nouvel album, sorti un an après Under His Sway. Fort heureusement, il n’est pas du tout question de cela sur cet album, au très bel artwork annonciateur de quoi il va en retourner ici: As the Flame Withers demeure bien un bel album de black metal mélodique.
Comme annoncé plus haut, Yoth Iria n’a pas changé du tout sa formule exposée sur Under His Sway, et l’on retrouve bien sur ce As the Flame Withers ce black metal à la fois mélodique et racé, et dont l'on ne peut nier aucunement son origine géographique, tant cela saute rapidement aux oreilles d’entrée de jeu. La recette est certes éculée, mais ici elle est on ne peut mieux exécutée. C’est avant toute chose un ensemble de riffs très mélodiques aux relents parfois épiques qui viennent vous enivrer sur ces quarante sept minutes. Mais là où l’on aurait pu s’attendre à des saillies faisant montre de la vélocité de la formation, ce n’est pas vraiment ce qui va être le plus flagrant ici, tant les Athéniens jouent plutôt sur les nuances. Nuances aussi bien dans les rythmes, où l’on passe souvent de parties bien véloces à d’autres bien plus mid-tempo, ces dernières étant assez prépondérantes, et parfois plutôt lentes. En cela, les références à l’épic doom metal à la Candlemass dans les influences du groupe n’étaient pas un mensonge ou une manière de se raccrocher aux tendances du moment. Évidemment, l’on va retrouver des parties avec des blasts bien rapides, notamment sur des titres comme The Great Hunter ou bien The Red Crown Turns Black, qui, dans certaines passages prend même des sonorités black death metal mélodiques.
Mais qui dit parties plus mid-tempo, veut aussi dire avec des riffs plus simples et plus plombés, avec d’ailleurs une rythmique plus martiale dans ces cas-là. Et là, j’avoue que c’est sans conteste ce qui fait le charme de cette réalisation dans son ensemble, ces riffs qui martèlent et qui menacent comme sur Tyrants ou The Mantis. C’est évidemment toutes ces nuances de tons, entre passages bien plus mélodiques, où justement l’on retrouve bien toutes les aspérités inhérentes au type même de black metal pratiqué par les duettistes, et d’autres plus dominateurs, qui font la force de cet album, et lui donne une durée de vie plus conséquente. Il est évident que tout le travail mélodique apporté par Georges Emmanuel est indéniable, aussi bien dans le côté mélodieux de la quasi majorité des riffs présentés ici, que dans les leads et soli qu’il propose tout le long de ces huit compositions. L’on n’est pas dans la mélodie facile, même si l’influence du heavy metal à l’ancienne est très prégnante sur l’entièreté de cet album, mais au moins avons nous à faire ici à des musiciens qui n’oublient pas que le black metal est un dérivé extrême du metal, et non du punk. D’ailleurs, la durée assez moyenne des titres est aussi une preuve que l’on n’est pas du tout dans une écriture linéaire, mais bien dans quelque chose de pensé et de soupesé, même s’il y a évidemment des redondances dans chaque titre, il y a toujours des ponts et des breaks qui viennent enrichir le propos.
C’est un peu le même constat pour ce qui est de l’utilisation assez parcimonieuse et appropriée des claviers. C’est toujours fait avec justesse et cela vient enrichir les compositions et non prendre les devants pour cacher un manque d’inspiration. Ce sont d’ailleurs eux qui vont parfois apporter une touche plus homérique à l’ensemble, ou bien plus mystérieuse, même en se faisant discrets, comme notamment sur le final de Yoth Iria, aux sonorités certes surannées, mais au rendu ô combien efficace. C’est même plutôt bien vu de la part du duo que d’avoir saupoudré de temps à autres des claviers, comme sur Unborn, Undead, Eternal, et de les faire disparaître tout aussi rapidement, comme une apparition démoniaque fugace. Le chant de The Magus est lui aussi dans la nuance, toujours dans un registre black metal un peu écorché, mais il sait être tantôt plutôt narrateur, et à d’autres instants bien plus déclamatoires. L’on retrouve d’ailleurs de temps à autres quelques moments plus légers, comme ce break sur The Hermetic aux acoustiques et où justement les claviers apportent leurs touches d’irréel avec ces quelques notes éparses remplies d’écho. Un court moment, toujours aussi mélodique d’ailleurs, mais qui met bien en lumière tout le talent des musiciens, avant qu’ils ne repartent vers quelque chose de plus chargé.
L’on n’est pas du tout ici dans du prémâché et efficace à tout bout de champs, mais bien dans quelque chose qui laisse pas mal de place à l’imaginaire. Oui, c’est une évidence même que l’ambiance propre à cet album est sans doute ce qui va le caractériser et le démarquer de nombres des réalisations sorties cette année. Il n’y a pas besoin pour y aboutir d’un décorum particulier ou de prises de postures de la part des musiciens sur cet album: juste le talent et cette faculté de le mettre au diapason de l’ambiance voulue. Et ce côté satanique et adoration des déités occultes des temps passés sont vraiment deux images qui viennent à l’esprit à l’écoute de cet album, et l’on se prend très facilement au jeu. Je pense notamment à l’introduction de The Mantis et ses incantations au loin et son entrée en matière très martiale avec percussions et basse saturée avant que tout ne rentre dans l’ordre, avec ces claviers orchestraux donnant un petit effet bombastic à l’ensemble. Comment, en effet, ne pas se laisser bercer dans les méandres du Phlegethon en écoutant le faux rythme, tantôt cajoleur, tantôt perturbé du titre Yoth Iria? Comment ne pas succomber à cette forme de nostalgie de The Luciferian et son final plus tempéré? L’atmosphère de ces huit titres est rougeoyante à l’instar des trames dominantes de cette pochette. La production assez moderne de l’ensemble rend justice à cet album, sans sonner, fort heureusement en plastique, mais elle laisse respirer chaque instrument et a suffisamment d’espace pour donner l’effet escompté et mentionné ci-dessus.
Yoth Iria a ainsi bien plus que confirmé tout le bien que l’on pouvait penser de son premier EP, ce As the Flame Withers dépasse même mes espérances, avec un album qui gagne en consistance au fur et à mesure des écoutes. En effet, l’on se surprend à découvrir des petits détails passés inaperçus jusqu’alors et qui font que cet album a une belle durée de vie. Dans tous les cas Jim Mutilator et The Magus sont loin d’être prêts pour la retraite, et l’on ne peut que saluer aussi bien leur démarche que la qualité de cet album. Bien entendu, il n’y a rien de nouveau dans ce qu’ils proposent, de toute manière je ne pense pas qu’ils avaient de telles ambitions, mais juste un bel album de black metal mélodique à l’ambiance bien occulte, se rapprochant de la pléthore de classiques, qu’ils ont eux mêmes produits il y a bientôt trente ans. As the Flame Withers devrait donc convenir à tout amateur de black metal grec, à tous ceux qui aiment bien les mélodies à la fois épiques et brulantes et qui ne sont pas contre de retrouver de bonnes lampées de vrai metal à l’ancienne dans leur black metal.
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