The Body - The Body
Chronique
The Body The Body
The Body, un des plus beaux rejetons illégitimes de Neurosis ? Cette pochette d’enfants en train de prier va décidément bien à ce premier album du duo Chip King / Lee Buford. Paru en 2004, soit six ans avant le fondateur All the Waters of the Earth Turn to Blood – où le projet attendra la pleine conscience de son style et ses ramifications, qu’il ne cessera d’explorer plus d’une dizaine d’années plus tard –, ce début donne à entendre pour l’amateur des œuvres récentes des Ricains une musique bien plus uniforme et révérencieuse que ce qui la suivra, malgré une étrangeté déjà présente.
En effet, The Body, à ses premiers babillements (on y pense une nouvelle fois à l’écoute des cris de Chip King, ici particulièrement frontaux, sans filtre), laisse l’image d’un enfant terroriste à l’époque de la Terreur, celle suivant un cataclysme. Un bambin post-apocalyptique qui hurle son existence à chaque instant par des guitares stridentes et une batterie aussi tribale que sauvage. La production abrasive et presque lo-fi – en deçà de celles qu’ils auront par la suite – augmente cette sensation d’entamer ces quarante-quatre minutes dans une atmosphère irradiée, hostile, et pourtant d’une humanité qui a gardé d’autrefois le souvenir d’une tristesse fondamentale, d’une horreur précédant sa naissance.
La vie chez The Body s’affiche alors avec des traits génétiques communs, ceux du post-metal, du sludge et du drone, dont on reconnaît immédiatement les riffs (le doublon « ( ) » / « The City of the Magnificent Jewel »), les climats orageux aux tensions éclatant par soubresauts (l’empreinte du groupe d’Oakland se ressent sur « Hearts Ache, Even in Dreams (City Eater) » ou « The Mother and Tomb of All Things » par exemple), les stridulements et bourdonnements touchant du doigt l’industriel. Un style marqué, quelque part entre le parrainage de Enemy of the Sun et Through Silver in Blood, des traces de la folie asilaire d’un Khanate et, en coulisse, la vitalité trompant le poison de Godflesh (le dynamisme strident de « Final Words » à mi-parcours).
Voilà bien ce qui pose déjà The Body comme une formation pas comme les autres ici, usant d’armes nihilistes pour exprimer des sentiments différents de ceux dont on a l’habitude. Violent et vivant, ce premier jet l’est comme le bec du poussin qui craque sa coquille de toutes ses forces pour sortir. Il l’est comme la naissance même, fluides et cris lancés en direction du monde.
Cela n’en fait pas un disque parfait pour autant. De nombreux défauts laissent voir la nécessité des mutations futures, des compositions trop répétitives (« Final Words » en particulier), un manque de profondeur encore plus béant en comparaison de ce qui suivra (The Body à son plus nu, avec ce que cela suggère d’intimité dévoilée mais aussi de gêne, le dressing pointé du doigt). Sans doute peut-on trouver là une explication aux années et EPs préparatoires qui le séparent de All the Waters of the Earth Turn to Blood, entame d’une frénésie de sorties d’un groupe qui aura alors trouvé son identité. En revanche, cela fait de lui un album important pour qui cherche l’origine des différentes potentialités qu’auront concrétisé Chip King et Lee Buford le long de leur discographie si atypique. Une enfance maladroite, bancale à se tenir debout grâce aux mains d’autres plus grands que lui, mais où The Body possède déjà un regard qui contient, en creux, les belles et horribles choses qu’il engendrera par la suite.
| lkea 6 Février 2022 - 1016 lectures |
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