Midnight Oil - Head Injuries
Chronique
Midnight Oil Head Injuries
Oui, oui, vous avez bien lu : MIDNIGHT OIL sur THRASHOCORE. Ne partez pas tout de suite ! Car si vous ne connaissez d’eux que les tubes interplanétaires de 1987 que sont "Beds are Burning" ou "The Dead Heart", il était plus que temps de vous rappeler qu’ils ont appartenu à la mouvance Hard Rock australienne il y a maintenant plus de quatre décennies.
« When I'm locked in my room… I just want to scream !!! » Ce braillement, emprunté à la chanson "Only the Strong", issu d’un autre album de MIDNIGHT OIL (10, 9, 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1), pourrait être le résumé de mon enfance et des débuts de mon adolescence. Petite, je n’écoutais pas de musique; je m’enorgueillissais même de dire que je ne l’aimais pas. Je n’en connaissais que ce que les radios généralistes dégueulaient, autant dire que ça ne volait pas bien haut. Et puis, en 1987 sortait Diesel and Dust, le sixième album de MIDNIGHT OIL : le coup de foudre, et sans aucun doute, l’ouverture en grande pompe vers ce monde infini qu’offre le 4ème art. J’étais haute comme une poule à genoux et ma passion candide pour ce groupe australien est devenue dévorante, comme seules peuvent l’être les obsessions infantiles. Une fois Diesel and Dust poncé jusqu’au dernier copeau, une fois décortiqué chaque texte, traduit laborieusement à l’aide du dictionnaire Harrap’s de ma grande sœur, une fois usé la bande VHS de l’enregistrement de l’émission Les Enfants du Rock, sur le BlackFella/WhiteFella Tour en territoire aborigène en 1986, j’ai poursuivi ma découverte de leur discographie, et ce, à rebours. Je grandissais, mais musicalement, je remontais le temps jusqu’à revenir à l’année de ma naissance : Red Sails in the Sunset (1984), 10, 9, 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1 -Ten/One pour les intimes (1982), Place Without a Postcard (1981), jusqu’à leur premier album éponyme (1978) et bien sûr, Head Injuries, qui nous préoccupe aujourd’hui, sorti en 1979. Ces précieux albums, dont les jewel cases ont survécu aux assauts du temps, à leurs innombrables manipulations, aux velléités destructrices de mes enfants et de mes animaux, sont les rarissimes vestiges d’une tranche de ma vie, lointaine et pas très heureuse. Ressorti récemment, presque par hasard, mon vieux CD de Head Injuries, étonnamment intact, a tourné en boucle lors de mes nombreux et longs déplacements; puis s’est imposée à moi une évidence : cet album avait légitimement une petite place sur Thrashocore.
En trois briques (pour les vieux comme moi), si je vous dis "Hard Rock", "Australie", "1979", vous me répondrez du tac-au-tac Highway to Hell, il n’y a rien de déconnant à cela, c’est même carrément logique ! Sauf que pour moi, ça ne l’est pas. Pour être honnête, je ne suis pas une grande fan d’AC/DC. Loin de moi l’idée de minimiser l’importance de ce groupe que l’on ne présente plus. En 1979, ils étaient déjà incontournables, mais leur phénoménal succès a certainement éclipsé, du moins à l’époque – et pour un temps seulement - l’émergence des autres formations Rock australiennes, comme INXS ou MIDNIGHT OIL, bien sûr.
Au début des années 1970, THE FARM, fondé par Rob Hirst (batterie), Jim Moginie (guitare) et Andrew James (basse), écume les bars en reprenant les chansons de LED ZEPPELIN ou de CREEDENCE CLEARWATER REVIVAL. En 1976, ils recrutent au chant l’impressionnant Peter Garrett, en passe de terminer ses études en sciences politiques et juridiques, et THE FARM devient MIDNIGHT OIL, en référence à une chanson de Jimi Hendrix, "Burning of the Midnight Lamp". Leurs prestations endiablées se font toujours plus remarquer : s’ensuit très vite la sortie de leur premier album éponyme en 1978, avec le soutien de leur manager, Gary Morris avec lequel ils fondent leur propre label Powderworks. On n’est jamais mieux servi que par soi-même. Head Injuries sort l’année suivante et devient rapidement disque d’or. Sans conteste plus abouti que son prédécesseur, il conserve néanmoins cette incroyable spontanéité juvénile, ces relents de sueur rance collant les vêtements à même la peau et de bière tiède s’écoulant des pintes renversées, rappelant les pubs enfumés dans lesquels ils ont fait leurs pacifiques armes.
Le contenu musical de Head Injuries ne pouvait pas mieux être représenté visuellement que par cette photo du charismatique Peter Garrett : regard de défi, bouche déformée par un cri de colère, bras aux muscles saillants et mains ouvertes en signe d’intimidation, le grand escogriffe sonne la révolte. Ce Hard Rock rageur, joué par de faux méchants/vrais gentils, était le parfait exutoire de mes premières contestations prépubères. Cet album était celui d’une multitude de furieuses envies : celle de tout bazarder autour de soi, celle de se dégingander frénétiquement, celle de s’époumoner en reprenant en chœur ces paroles alambiquées auxquelles je ne comprenais pas grand-chose. Il m’apportait quelques instants de pur bonheur, tout simplement.
Le chant de Peter Garrett, à la voix ample et expressive, entre invective et suavité ("Is It Now ?"), la basse imposante et dynamique d’Andrew James ("Cold Cold Change", "Stand in Line"), les influences Punk complètement assumés ("Section 5 (Bus to Bondi)") insufflent encore aujourd’hui, avec tout le recul possible, une fraîcheur et une énergie folles aux mélodies addictives des infatigables et indéboulonnables Jim Moginie et Martin Rotsey, les deux guitaristes et, j’ose le dire, compositeurs de génie ! Un (déjà) remarquable travail d’écriture rendant chacun des neuf titres de Head Injuries tous aussi mémorables les uns que les autres, dans une version primaire et paterne de la virulence qui deviendra le fil rouge de mon parcours initiatique musical. Une première confrontation avec une certaine forme de sauvagerie, certes encore toute relative, mais éveillant mon appétence pour la brutalité, et vous savez quoi ? J’ai adoré ça !
Parfaitement ancré dans son époque, le Hard Rock gentiment canaille de Head Injuries recèle toutefois encore quelques sonorités psychédéliques ("Naked Flame", "Profiteers") et l’on sent poindre aussi les premiers tâtonnements, quelques hésitations. Parce que voilà, à la fin de la bouillonnante décennie 1970, période charnière s’il en est, les voies s’ouvrent et se multiplient, le Rock se trouve à la croisée des chemins, les groupes se doivent de choisir leur camp, à tout le moins d’adopter une posture musicale plus marquée. Après deux albums résolument Hard Rock, les Australiens ont tranché. Dans les années 1980, MIDNIGHT OIL choisira une voie plus sage musicalement, celle de la Pop Rock, mais conservera un intact esprit de révolte, qui s’exprimera désormais dans les textes, puis l’action, jusqu’à l’engagement ultime de Peter Garrett à travers le combat politique (membre du conseil international de Greenpeace, député travailliste, ministre de l'Environnement, puis de l'Education), en militant infatigablement, notamment pour la défense de l’environnement et des minorités.
Plus de trente ans ont passé depuis ma découverte du rebelle Head Injuries, mais le plaisir reste absolument intact et mon affection pour MIDNIGHT OIL indéfectible. Bien plus que l’expression de mon éternelle gratitude au groupe qui m’a extirpée de la fange musicale, il s’agit là d’une modeste mise en lumière de l’un de mes albums doudous, pouce dans la bouche en sus, qui a été pour moi l’ultime impulsion, la dernière marche, vers le Metal au sens large. Vous êtes peut-être encore sur la réserve ? Tant pis pour vous si vous ne vous risquez pas, vous passez sans aucun doute à coté d’un extraordinaire album de Hard Rock, encore trop méconnu ou sous-estimé aujourd’hui, mais cela n’engage que moi.
| ERZEWYN 12 Avril 2022 - 1104 lectures |
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