Aria - Armageddon
Chronique
Aria Armageddon
Après la tempête autour de la période Khimera, l'Aria poursuit sa traversée dans un climat désormais plus calme, maintenant que le sang neuf constitue la moitié de l'équipage. Une grande tournée en 2005 à l'occasion des vingts ans de carrière du groupe, où certains anciens membres (Mavrin notamment) reviennent faire coucou le temps de quelques dates et revoilà les matelots de nouveau sur le pont pour leur dixième effort, Armageddon, sorti un an plus tard. Pour nous pauvres occidentaux, peu de changements sont perceptibles : deux nouveaux paroliers sont invités, marquant un léger tournant dans le style d'écriture des paroles. Plus notable est l'investissement d'Arthur Berkut dans la composition des morceaux, une première. Mais là non plus, le navire ne change pas de cap : au contraire, il navigue en eaux claires avec un dixième disque qui remonte un peu plus encore l'ascension lente reprise dès le disque précédent ; à tel point qu'on pourrait presque y trouver les mêmes qualités et défauts.
Après neuf albums, Aria change légèrement sa formule pour nous proposer du neuf sans nous perdre pour autant. Chouette, nous dirons-nous, car l'annonce est alléchante sur le papier. Et sur le disque aussi, d'ailleurs : on se surprend agréablement avec une première moitié aux racines toujours aussi "hard & heavy" mais dans au style bien plus éthéré, voire aérien : le ton est donné ave l'opener "Last Sunset", aux nombreuses mélodies et à la tonalité lorgnant franchement sur le mélancolique. Les couplets, certes en tremoli, confirment cette sensation avec une absence quasi totale de variations mélodiques, qui apportent tout de suite des émotions plus sages et matures au morceau. Du reste, les passages qui respirent ne manquent pas, avec un break carrément atmosphérique dans l'opener et franchement sympathique, que l'on retrouve dans une moindre mesure dans "Alien" avec sa basse au son gras et saturé. Dans le même ordre d'esprit, on peut également compter sur l'unique ballade de l'album, "Light of Past Love" qui, pour une fois, s'insère très bien entre deux morceaux de pur heavy/hard, bien qu'on puisse reprocher à Berkut de ne pas s'y époumoner et d'y démontrer tout son talent - qu'importe, sa voix parfois semi-basse passe comme une lettre à la poste.
Mais le grand hic de ce Aria des années 2000 est une fois de plus présent et on peut lui reprocher le même symptôme affligé à Kreshenye agnom : la seconde moitié se fait beaucoup plus en mode "pilote automatique". Si la première moitié se distingue par quelques influences étrangères à la formule Maiden et Priest-like surlavée, et si l'on compte un titre de neuf minutes qui exploite une fois de plus toutes les capacités de composition des deux guitaristes, les quatre derniers morceaux (sur dix) sont autrement moins captivants. Sans être médiocres pour autant, le défaut clair de Generator zla ou de Khimera, ces morceaux peuvent tous recevoir la note de classic shit/20, que vous attribuiez une définition positive ou négative à ce terme d'ailleurs. Musicalement, c'est du mid-tempo sans vrai état d'âme, sans rien de particulier pour le distinguer, le genre de heavy obscur de groupes oubliés des années 90 ou 2000. Un passage aérien qui dénote par ci ("Alien"), un solo fort chouette combinant tapping, shred et harmonies par là ("Your Day") sont autant d'éléments maigres qui peuvent jouer en faveur de ces titres ; mais du reste, il n'y a rien de plus remarquable à signaler.
L'autre défaut qui déséquilibre cet album est le manque total de panache d'Arthur Berkut, lui qui pourtant s'était illustré sur l'album précédent en faisant ce que Kipelov n'avait visiblement plus envie de faire. Là, il semble adopter l'attitude Khimera, à fournir un travail de bonne facture sans pour autant se distinguer. Pourtant, encore une fois, tout part bien : on compte dans Armageddon d'excellents refrains qui rappellent même parfois les années 80 : "Last Sunset", "Marked by Evil", "New Crusade"... mais un regard attentif notera qu'il ne s'agit aussi que de morceaux de première moitié : pour ce qui est de la prestation vocale, il faudra s'en tenir là... De même, les riffs suivent le même pattern introduit plusieurs fois précédemment : de belles mélodies simples mais efficaces qui, placées à un endroit particulier, marchent du tonnerre au point d'en éclipser presque le chant ("Guard of Empire"), quelques originalités (l'intro de "Marked by Evil", le main riff semi-néoclassique de "New Crusade"), quelques démonstrations de force aussi (le solo de "Messiah", la partie instrumentale aux triolets de "Blood of Kings") et puis un vide bien plus notable à partir de "Viking" où, encore une fois, rien n'est foncièrement mauvais ; juste relativement générique. Et donc un peu décevant.
Avec un dixième disque un peu meilleur qu'un neuvième disque lui-même un peu meilleur qu'un huitième, Aria retrouve progressivement des couleurs au fur et à mesure que la décennie 2000 avance. Armageddon aurait même pu être franchement excellent s'il n'était pas doté d'une seconde partie en pilotage bien plus automatique, contrastant singulièrement avec une première mi-temps forte en bons moments et même en originalités. Il semble d'ailleurs que je ne sois pas le seul à avoir été quelques peu déçu par la performance de Berkut : plus tard, en 2011, à la sortie de leur onzième disque Feniks, on retrouve derrière le micro un nouveau chanteur, Mikhail Zhitnyakov, pour un troisième remplacement de poste.
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