Aria - Generator of Evil
Chronique
Aria Generator of Evil
La fin des années 90 n'est pas connue pour sa production abondante de heavy metal. Et pour cause car cela fait bien une dizaine d'années déjà que le genre est en déclin, comme de nombreux genres traditionnels, supplantés par leurs versions plus extrêmes. Les seules formations heavy qui persévèrent sont soit les plus grandes, sans pour autant sortir leurs meilleurs disques, soit les nouvelles, s'appuyant sur des bases plus alternatives, comme Slough Feg, dont le premier album est daté de l'an 1996. Au milieu de ce désert, Aria continue de tracer sa route sans broncher, avec un septième album sorti en 1998, trois ans après Noch karotche dnia. Malgré les dissensions, le célèbre Kipelov garde toujours sa casquette de frontman - il s'est même réuni avec Mavrin un an plus tôt à l'occasion d'un album en duo, Dark Ages. Le nouveau guitariste Terventiev s'occupe pour la première fois de l'écriture des morceaux et en signe deux. Mais dans une Russie neuve et désintéressée du heavy metal, où la tendance mondiale est davantage aux styles extrêmes et alternatifs, Aria est bien forcé de se réinventer pour persister : en témoigne ce septième disque, au titre presque transparent - pour une fois -, Generator zla, qui voit le groupe retourner aux sonorités hard rock impopulaires de Skem ty. Cette fois-ci, les Russes veulent montrer qu'ils ont compris la leçon et qu'ils sont prêts, eux aussi, à évoluer - mais pas trop non plus -, et à expérimenter de nouvelles choses. Hélas, malgré ce bel emballage - production impeccable, la première qu'on puisse qualifier de "moderne" chez eux, et cette superbe artwork -, la déception est une fois de plus au rendez-vous.
Pourtant, tout commence bien. L'intro aux cleans à l'accent lugubre de Look Out laisse présager un son Maiden-like avant de brutalement passer au premier couplet purement hard rock. Qu'à cela ne tienne, il est assez entrainant et le reste du morceau s'enchaine bien, sans temps mort, avec un refrain vraiment sympa, assez fédérateur. Le deuxième titre, "Dirt" ? Un peu la même idée. On comprend assez vite que le groupe souhaite changer de formule et se débarrasser de la copie Maiden, aussi usée et délavée qu'un jean de "hardcore cool kid". On retrouve cette tonalité hard rock avec, en plus, des claviers signés Terventiev, des accents plus sombres par moments dans les mélodies, un refrain moins fédérateur, plus discret, mais toujours aussi chouette. Un petit break aux leads en harmonie, à mi-chemin, permet de donner malgré tout une petite sucrerie aux fans les plus nostalgiques. Bref, quand j'ai réécouté cet album pour les besoins de cet chronique, la première fois depuis un long moment, je me suis dit : "finalement, ce n'est pas aussi mauvais que dans mes souvenirs".
Et là, c'est le drame. Non pas qu'on passe du jour à la nuit en l'espace d'un morceau, mais à partir de la troisième piste, le groupe adopte le sale réflexe de la ballade à outrance, à caler des passages calmes et planants, souvent acoustiques, beaucoup trop souvent. Si le troisième titre "Deserter" tente de nouvelles sonorités - en témoigne ces claviers un peu prog au début - et sauve un peu les meubles, il présente ce nouveau symptôme évoqué précédemment qui sera affreusement trop récurrent lors des sept autres titres. Les passages calmes ne manquent pas : "Torture by Silence" est une ballade dans le style heavy / hard alternatif sans aucun intérêt, "Run to the Sun" revient à des racines plus tradi mais toujours aussi peu inspirées avec un refrain sans aucun panache répété un nombre incalculable de fois et une cowbell qui passe franchement mal, "Deception" démarre également sur des cleans, "Hermit" se décide à retrouver le style alternatif de "Torture by Silence", "Sunset" est une pure ballade fonctionnant au moyen du duo guitare / violon, "Diabolic Heat" est davantage portée heavy mais là aussi, tout à fait fade, quant au morceau final "Closed Circle"... une ballade supplémentaire où il ne se passe tellement rien que j'ai eu plusieurs fois l'occasion, durant l'écoute, de me demander si, après tout, "ballade" s'écrivait avec un ou deux "l". Fin de l'album, bonne journée. Je passe sur le fait que cinquante-cinq minutes pour tout cela est absurdement long.
Ne nous acharnons pas non plus éternellement sur cet album car, comme je l'ai déjà évoqué, il a le mérite de proposer de nouvelles formules, et même si ces dernières sont majoritairement vouées à l'échec, d'autres passent sans problème et donnent des morceaux très sympathiques - à l'image des deux premiers titres. "Hermit", d'ailleurs, la ballade violon / guitare, pourrait elle aussi être très plaisante si elle ne s'insérait pas dans un cortège d'autres morceaux mid-tempo bien fades. "Deception", le titre commençant par des cleans, change bien vite de ton pour retrouver quelque chose de plus traditionnel, et le solo ainsi que le passage instrumental qui s'ensuit mérite d'être noté. En parlant de soli, celui de "Hermit" en hammer-on et pull-off est bien sympathique aussi. Mais là aussi, il faudra se contenter de peu. Tout comme le chant d'ailleurs : rarement Kipelov n'a été à ce point en retrait, au point où l'on peut se demander s'il ne s'est pas abîmé la voix peu avant l'enregistrement, ce qui expliquerait pourquoi il se donne aussi peu. A part dans le dernier titre "Closed Circle" - et c'est bien la seule chose qu'on peut lui accorder -, nulle part n'ai-je noté une prestation particulière. La performance sur "Dirt" colle plutôt bien avec le ton parfois pessimiste et discret du morceau mais même dans les refrains les plus fédérateurs on est à des années-lumières d'un "Follow Me!", d'un "Farewell, Norfolk!" ou d'un "What Have You Done to Your Dream" en termes de mélodie inspirée ou de puissance de coffre.
"Attention ! La fin arrive
Ce siècle a perdu toute sa force,
Comme une vieille bête blessée en hiver.
Autour du cimetière des espoirs
Crainte éternelle et triomphe de l'ignorant,
L'avenir n'est pas ici avec toi et moi"
- "Look Out!"
Au terme d'une décennie ingrate pour le heavy metal, Aria, bien forcé d'innover pour garder de l'intérêt, signe ici l'un de ses albums les plus faibles. Ce qui fut un brasier ardent en 1991 n'est plus qu'un feu de paille avec quelques braises. Aucune prestation particulière n'est à souligner, qu'il s'agisse de la qualité d'écriture de la composition avec des titres plus fades les uns que les autres ; du chant, bien en retrait la plupart du temps ; des soli généralement anecdotiques. Nous devons nous contenter de quelques maigres mélodies sympathiques ici et là et d'une touche originale parfois bienvenue comme dans la ballade "Sunset". En ces Dark Ages, Aria a bien du mal à se renouveler et montre l'une de ses principales faiblesses ; qu'il n'est pas capable de composer un album solide qui s'émancipe véritablement de ses influences Iron Maiden.
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