Nouvelle déclinaison des recherches du marionnettiste Blut Aus Nord : Vindval et sa bande s’en vont ouvrir les pages du Necronomicon.
Les choses, vous vous en doutez si vous avez déjà éprouvé les autres œuvres du projet, ne se passent pas comme prévues.
Disharmonium, nouvelle création dédiée aux grands anciens, nouvelle expression de la terreur humaine face à l’indicible où se côtoient les frissons déjà offerts par
Portal, les tortures cosmiques d’
Aevangelist, la dégueulasserie alchimique d’
Hesper Payne ?
Plus que tout cela, même si, comme lorsqu’on prend un même point de départ, des éléments y font penser. Blut Aus Nord se met à baver comme rarement, bourrine et dégouline, frôlant un death metal pilonnant sa viscosité couleur sang en permanence, au point d’en paraître informe malgré les riffs et structures bien présents. Là réside la conjonction que font ici les Français, une engeance que l’on peut rattacher, pour rester dans la Grande Œuvre dont on a le sentiment d’écouter ici un nouveau chapitre, au psychédélisme de
Hallucinogen, à la sauvagerie grouillante de
Deus Salutis Meæ ou encore les participations aux splits avec Phobos et Aevangelist – décidément un point de comparaison, tant les espoirs déçus par Matron Thorn à coups d’albums de plus en plus fades sont ici comblés (cf. le final « The Apotheosis of the Unnamable »).
Un mélange d’enchevêtrements à faire pâlir
la dernière fusion pourtant réussie d’Inferno – désolé d’ainsi faire état des dépassements de ce disque mais l’on sait l’intérêt de Vindsval pour prendre connaissance des nouveautés, tel un vieux bienveillant envers de jeunes excités tout en préparant savamment sa rouste –, au sujet duquel on peine à ressortir des preuves matérielles du talent dont ne se déparent pas les Français. Citons tout de même l’élévation glauque de la fin de « Chants of the Deep Ones » ou encore les spirales obsédantes de « Neptune’s Eyes », soit deux exemples de toute la compréhension présente ici de l’œuvre de Lovecraft, vénérée jusqu’à la dépasser.
Car voilà bien ce qui questionne, enchante et laisse longtemps paralysé quand vient l’heure d’évaluer le hold-up que nous offre encore Blut Aus Nord. Plus qu’un rendu sonore fait à un instant T d’échos lovecraftiens – comprenne qui pourra –,
Disharmonium développe son propre univers, expurgeant tout ce qu’il y a d’humanité dans les histoires de ce cher Howard. Point de narrateur transmettant son effroi, point de vue basse contemplant avec horreur des monstres grandeur-surnatures, ces quarante-six minutes nous plongent dans leur monde, celui cosmique et inaccessible où ses habitants attendent leur heure. Bien difficile d’apporter quelque chose de particulier à un héritage maintes fois dilapidé, à des références à un bestiaire, à des écrits de nombreuses fois utilisés comme sources d’inspiration périphériques ou principales. Pourtant, c’est ce qui se passe ici, au point d’évoquer les planches les plus glaçantes de Junji Itō, les personnages et luttes contre l’horreur inévitable jetées aux oubliettes.
Paradoxalement, cette réussite – à ne pas minimiser, tant Blut Aus Nord donne un pouvoir nocif neuf à ce qui relève d’un lieu commun – est aussi le plafond de verre que ne parvient pas à dépasser
Disharmonium. Chaque titre, pris seul, relève de la peinture de maître, alternant suffisamment les couleurs, chaudes pour « Tales of the Old Dreamer », écrasantes sur « That Cannot Be Dreamed » , aqueuses et hypnotiques durant « Keziah Mason », pour posséder son propre pré-carré. Cependant, l’ensemble souffre d’un manque de narration globale, de développements et de climax, que
Hallucinogen avait su transmettre dans sa transe. Il manque peu de choses pour s’agenouiller totalement devant un longue-durée qui montre à quel point le projet use de la meilleure des manières de sa longévité, tant tout cela transpire d’une intelligence et d’une radicalité que seule l’expérience apporte. Mais l’exigence demandée par Vindsval donne envie de lui répondre sur le même ton ; il y a ici une marge de manœuvre, un manque d’étincelles et d’émotions pour donner envie de s’enflammer totalement.
Tant mieux, d’un certain côté. Blut Aus Nord n’est pas comme ces groupes dont on attend un nouveau chef d’œuvre, un nouveau mètre-étalon redéfinissant un genre. Ce sont après tout des choses qu’il a déjà pu faire ! Non, ce que l’on peut espérer, mordu à jamais par le projet, est un regard de sa part chaque fois renouvelé, chaque fois déplacé, sur telle ambiance, tel sentiment, explorés avec l’obstination et l’autorité dont on le sait doté. Et
Disharmonium ne déroge pas à cette règle.
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