Comme quoi, même un genre aux canons sur-usés peut encore parvenir à nous surprendre. Avis aux amateurs de Grindcore un poil plus cérébral que la moyenne :
Ernia saura vous combler de la plus belle des manières.
Première fois que j'entends parler du groupe, découvert complètement au hasard lors de mes errances sur Bandcamp, l’œil accroché par cette superbe pochette de Xabier Sagasta
* ... Il faut dire que le quatuor ibérique n'a pas été particulièrement pressé : neuf ans pour sortir un premier album éponyme, rien que ça ! Pas mauvais, par ailleurs. Mais que de chemin parcouru depuis ce premier jet ! Mon petit doigt me souffle que les frères Valcázar ont du trouver un regain de motivation depuis qu'ils ont rejoint les rangs de
Wormed, derrière la guitare et les fûts. Jouer du Tech-Death aura manifestement profité à
"How To Deal With Life And Fail" : c'est un superbe disque de Grindcore, bien composé et interprété, puisant dans le niveau de jeu de musiciens qui marchent sur l'eau toute son efficacité.
C'est ce que j'évoquais en préambule :
Ernia a beau s'en inspirer pour ses bourres-pif les plus directs, il n'appartient absolument pas à cette caste de groupes complètement bas-du-front, qui savent régaler les fins gourmets. Il navigue dans le sillon des
Discordance Axis /
Gridlink, des
No One Knows What the Dead Think - Les taquins me diront que ce sont plus ou moins les mêmes groupes, certes. Surtout, ce second opus me rappelle ce que j'ai toujours apprécié chez
Cephalic Carnage, à partir du fantastique
"Lucid Interval", la défonce en moins : savoir triturer les méninges sans jamais risquer de lasser l'auditeur - ce que j'ai toujours reproché à un groupe comme
Antigama, si légendaire soit-il.
Plus que de la repompe, je dirais plutôt que ce sont de vrais hommages que rend
Ernia à ses principales influences, tout au long de la demie-heure du disque. Et ce, dès l'ouverture, dont le riff ressemble furieusement à celui de "Constant Autumn" de
Gridlink (sur
"Longhena"); les trois premières secondes du titre "Q", durant lesquelles j'ai cru entendre le larsen ouvrant "Decay" de
Rotten Sound (sur l'EP
"Consume to Contaminate"). On pourra aussi penser à
Converge pour ces guitares qui s'emballent dans des
breaks vertigineux ("Room Full of Paper Cranes") - la section mélodique fait presque toute la différence. Les deux Daniel (Espinosa et Valcázar), derrière leurs cordes, convoquent tour à tour Rob Marton et Takafumi Matsubara, saccades casses-nuques, murs épais, nœuds de phalanges sur le manche, cordes courbées à la pulpe des doigts, la complète.
"How to Deal with Life and Fail" compose habilement entre la fougue et l'ambiance, revirements plus lents qui ne font que préparer l'auditeur à une salade de
gravity blasts sur l'autoroute du riff ("Frustration Theory"). L'album comporte également de beaux parti-pris, illustrant à la perfection l'univers post-apo dépeint par la pochette : la doublette "Dharma" / "New Aesop's Fable" est un modèle d'ambiance, tempo ralenti et frappes destructrices pour le premier, chant
spoken word et guitares qu'on laisse sonner pour le second - un incendie de décharge, caoutchouc brûlé, vapeurs étouffantes, prends en plein les poumons. L'adresse d'
Ernia dans la composition culmine sur le titre qui clôture le disque, "Ikigai", compo fleuve de six minutes qui porte bien son nom :
"Trouver un sens à sa vie, sa raison d'être". Le chant glapi à la Stephen Bessac de Omar I. Sanchez transcende littéralement ce grand final, changement radical d'ambiance, presque
Screamo dans sa tristesse résignée... Avant de reprendre de plus belle, après un court interlude ambiant, sur un matraquage dans les règles de l'art, dans lequel le quatuor semble jeter ses dernières forces dans la bataille.
Bref,
"How to Deal with Life and Fail" se révèle tant varié que malin, bourré d'intentions ambitieuses qui n'empiètent jamais sur l'intensité. Marque de fabrique d'un disque de Grindcore plus-que-réussi, en somme.
Ernia signe un disque que personne n'attendait, mais qui saura se tailler un belle place parmi les meilleures sorties Grindcore de cette année. À découvrir très vite, et à ne pas perdre de vue !
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