Comme je l’évoquais dans ma chronique du dernier album d’Undeath (
It's Time…To Rise From The Grave), le label californien Prosthetic Records semble avoir retrouvé un peu de son flair ces derniers mois en élargissant notamment son rayon d’action vers d’autres horizons, ceux d’une scène Death Metal actuellement en pleine ébullition et cela depuis un petit moment déjà. Parmi les quelques bénéficiaires de cette heureuse réorientation se trouve Phobophilic, groupe originaire de la ville de Fargo (celle où prennent place les aventures des frères Coen dans le film du même nom) située dans l’état du Dakota du Nord. Naturellement, ces jeunes américains ne vous sont pas inconnus puisque même si nous avons fait ici l’impasse sur les deux premières démos du groupe parues en 2017 et 2019, la suite (l’excellent EP
Undimensioned Identities suivi de ce split en compagnie des Canadiens de Sedimentum intitulé
Horrific Manifestations) n’a pas manqué d’attirer notre attention.
Poursuivant son petit bout de chemin sans heurt (pas de changement de line-up à signaler depuis ses premiers pas en 2016), Phobophilic a naturellement renoué avec le producteur Adam Tucker (Nothingness, Obsequiae, Sedimentum, Thou, Ulthar, Void Rot…) pour toutes les questions d’ordre techniques (enregistrement, mixage, mastering...). Pour ce qui est l’artwork plutôt engageant, celui-ci est l’œuvre d’un jeune finlandais du nom de Joonas Räsänen qui d’après Metal Archives réalise ici sa première commission. Enfin, puisqu’il faut bien un petit peu de changement, notons tout de même que Phobophilic a choisi de rafraichir son logo pour l’occasion. Un travail qu’il a confié à un autre finlandais plus expérimenté du nom de Samu Salovaara (Bedsore, Foreseen, Krypts, Ranger, Serum Dreg, Swallowed, Triumvir Foul...).
Bon alors forcément, vous allez dire que je rabâche toujours la même chose mais que voulez-vous que je vous dise ? Non, Phobophilic n’a rien inventé et non ce premier album, aussi cool et convaincant soit-il ne révolutionnera pas le petit monde du Death Metal underground... C’est un fait et vous le répéter une énième fois me permets tout de même de vous rappeler que l’originalité n’est certainement pas une fin en soit et qu’un album qui possède n’en n’a pas nécessairement besoin pour marquer des points, plein de points.
Groupe de son époque, Phobophilic propose un Death Metal qui s’inscrit parfaitement dans l’air du temps. Cela ne veut pas dire que les Américains ne s’inspirent pas de quelques grands anciens tout au long de ces trente-huit minutes mais plutôt que le groupe a su diluer leurs influences à travers une approche plus moderne et cela sans pour autant dénaturer la teneur de son propos et celui des groupes auxquels il fait plus ou moins référence. Si les noms d’Incantation et Demilich s’imposent sans trop de difficulté à l’écoute d’
Enveloping Absurdity, c’est surtout à un groupe d’aujourd’hui auquel on pense en premier lieu, un certain Tomb Mold avec lequel Phobophilic partage en effet bien des points communs.
On va ainsi retrouver chez les Américains cet amour du riff biscornu et des structures plus ou moins alambiquées ainsi qu’un sens du groove particulièrement développé et surtout absolument irrésistible. D’ailleurs, si j’ai évoqué les Finlandais de Demilich un petit peu plus haut ce n’est pas pour rien puisque le groupe est assurément l’une des principales influences de Tomb Mold. De fait, que ce soit sur "Enantiodromia" à 1:31, les premières mesures de "Those Which Stare Back", "Nauseating Despair" à 0:20, 0:49 ou 1:23, "Cathedrals Of Blood (Twilight Of The Idols )" à 1:29 ou "The Illusion Of Self" à 0:28, difficile de ne pas voir le parallèle qui existe indubitablement entre ces trois formations. Certes, il n’y aura à jamais qu’un seul Demilich mais dans ce cas de relecture parfaitement assumé, Phobophilic s’en tire avec les honneurs et même les félicitations du jury. De la même manière, comment rester de marbre face à ce groove insolent qui ne manquera pas de faire chalouper les plus coincés d’entre vous. Des séquences comme celles constatées sur "Enantiodromia" à 0:36, "Those Which Stare Back" à 0:26 et 1 :39, les quarante premières secondes de "Cathedrals Of Blood (Twilight Of The Idols )" ou plus loin à partir de 2:39, "The Illusion Of Self" à 0:53 ou "Survive In Obscurity" à 1:32 frôlent à force d’indécence l’attentat à la pudeur.
Ce caractère technique, tordu et catchy ne doit pas occulter pour autant l’aspect beaucoup plus sombre et brutal du Death Metal de Phobophilic ni son habileté à calmer le jeu ici et là comme pour mieux repartir ensuite... Pas là que pour nous faire danser et rouler des épaules, les Américains n’hésitent jamais à corser le ton y allant ainsi franco à coups d’accélérations thrashisantes mêlées tout de même à quelques blasts un poil plus soutenus mais également toujours relativement fugaces. De la même manière, les ralentissements - sans être légion - sont présents tout au long de ces trente-huit minutes histoire d’apporter avec eux un soupçon de contraste et ainsi cultiver une véritable dynamique tout au long de ce premier album. Enfin là-dessus vient se poser un growl certes assez peu nuancé mais d’une profondeur abyssale participant pleinement à l’atmosphère sombre qui plane sur
Enveloping Absurdity.
Alors c’est vrai qu’il est difficile de se démarquer quand on propose un Death Metal largement inspiré par ce que faisait déjà certains il y a plus de trente ans. C’est vrai également qu’il est tout aussi difficile de se démarquer à une époque où les groupes fleurissent et sortent d’emblée des productions toutes plus dignes d’intérêt les unes que les autres. Dans cette course effrénée, Phobophilic n’est peut-être pas celui dont on parle le plus. D’ailleurs à juste titre car il n’est probablement pas le plus remarquable de toute cette nouvelle vague. Pour autant,
Enveloping Absurdity s’impose sans mal comme un premier album particulièrement réussi, aussi convaincant qu’efficace, capable de mêler agressivité, atmosphère et groove pour un résultat que l’on continuera probablement de plébisciter dans les mois et années à venir. C’est donc ce que l’on appelle une étape franchie haut la main. Bien joués messieurs.
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