Sakis Tolis - Among the Fires of Hell
Chronique
Sakis Tolis Among the Fires of Hell
Si vous suivez le metal extrême depuis quelques années, voire même depuis quelques décennies, le nom de Sakis Tolis ne devrait sans doute pas vous être inconnu puisque l’on parle tout de même du leader de Rotting Christ, une des formations les plus éminentes en termes de black metal hellène, mais aussi l’un des membres de Thou Art Lord. Il aura toutefois fallu attendre trente cinq ans de carrière musicale pour que le chanteur guitariste nous propose son premier album solo avec le présent Among the Fires of Hell. S’il s’occupe de quasiment tous les instruments, il a toutefois été accompagné par Fotis Benardo à la batterie, ce dernier s’occupant également du mixage de cet album, puisque cet album a été enregistré aux studios Deva Soundz où le batteur blond officie très régulièrement. Sakis Tolis n’est sans doute pas le premier musicien renommé à se lancer dans un album solo, l’on peut prendre l’exemple récent d’un Nergal de Behemoth avec son projet Me And That Man, qui permet aux musiciens d’explorer d’autres facettes musicales de leurs talents et qui ne colleraient pas avec le style pratiqué dans leur projet principal. Mais là où l’on s’éloigne le plus souvent des sphères métalliques, ce n’est clairement pas le cas avec cet album solo.
Et pour cause, sur ce Among the Fires of Hell, l’on ne peut nier qui est à l’origine de ce projet, tant l’on retrouve certaines manières de faire dans l'écriture et dans les sonorités qui nous renvoient bien entendu à Rotting Christ, mais sans le côté ouvertement black metal de ces derniers. Il y a évidemment quelques riffs en palm-muting assez acérés qui est bien l’une des marques de fabrique de Rotting Christ depuis ses débuts et encore plus depuis une bonne vingtaine d’années. En cela, un titre comme The Dawn of a New Age ou sur The Silence, lorsque le titre décolle vraiment vont évidemment faire penser au projet principal du musicien. L’on est toutefois dans quelque chose de plus mid tempo sur cet album, assez efficace d’ailleurs car l’on se laisse prendre au jeu assez rapidement à son écoute. Il faut dire que Sakis Tolis nous présente ici neuf compositions assez directes mais véritablement accrocheuses, et que l’on est loin de quelque chose de bâclé. En effet, si l’on pouvait reprocher aux dernières réalisations de Rotting Christ une certaine redondance dans la manière d’exécution, l’on retrouve ici toute une facette mélodique que l’on n’espérait sans doute plus retrouver depuis bien longtemps dans la musique prodiguée par l’Hellène. C’est même ce qui séduit de primes abords sur cet album : cette assise très mélodique quasiment omniprésente et qui fait réellement plaisir, tant les mélopées sont ici mémorables.
L’on retrouve ainsi de très nombreuses mélodies de guitares sur chaque titre, les leads étant clairement mises en avant, et c’est un vrai régal pour qui apprécie ce type d’exercice. L’on a ainsi des mélodies qui vous accrochent d’emblée à tel point que vous vous retrouvez facilement à les siffloter sous la douche, à l’instar de celle de l’introduction d’Ad Astra, ou même celle du refrain de ce même titre. Il n’y a rien de très original dans ce qui est fait ici, c’est un fait, mais c’est tellement bien fait, et avec un certain feeling, que l’on ne peut que saluer la prestation de Sakis Tolis. Mais même au niveau des riffs, il y a ici quelque chose de vraiment prenant et d’inspiré, le musicien ayant su varier sa palette de jeu et ne plus se contenter du même type de riffs un peu étouffé comme c’est le cas dans son projet principal et l’on retrouve des power chords bien sentis. Il y a également de nombreuses nappes de synthétiseurs sur une bonne part des compositions qui apportent une aura un peu mystique à l’ensemble, ce qui cadre bien avec les paroles des chansons, toutes autant introspectives, que mystiques, et qui dénotent bien de la philosophie personnelle de Sakis Tolis, - l’on parle bien de la personne qui a écrit le titre Non Serviam. Dans tous les cas, il y a une belle qualité d’écriture d’ensemble sur cet album, avec des compositions très mélodiques et bien efficaces, avec des structures assez simples, mais qui dévoilent leurs charmes au fil des écoutes.
Mais ce que l’on retiendra bien évidemment avec ce Among the Fires of Hell, c’est le parti pris pour un dark gothic metal de la part de Sakis Tolis et qui nous rapproche bien évidemment de ce qu’il avait pu faire sur les albums Triarchy of Lost Lovers et surtout sur le diptyque A Dead Poem et Sleep of the Angels, à la fin des années mille neuf cent quatre vingt dix. C’est clairement vers ces deux derniers albums qu’il faut rapprocher cette réalisation. Et ce n’est sans doute pas un hasard si Sakis Tolis a décidé de sortir cela sous son propre nom, étant donné que ces deux albums avaient un peu dérouté les fans de la première heure de Rotting Christ. Dans tous les cas, l’on a presque l’impression de retourner vingt cinq ans en arrière et de renouer avec ces compositions très mélodiques et qui déclinent une facette un peu plus onirique, que purement guerrière et maléfique si l’on devait l’opposer à Rotting Christ. Mais je ne peux m’empêcher de faire un petit parallèle dans la démarche avec celle de Nick Holmes et de Greg Mackintosh qui viennent d’annoncer leur nouveau projet Host. C’est en tout cas ce qui fait le charme de cette réalisation, le fait d’y retrouver une facette plus gothique, sans pour autant se dévêtir de ses apparats métalliques. Cela se ressent aussi bien dans l’ambiance qui émane de ces neuf titres, mais aussi dans le chant de Sakis Tolis, qui alterne entre chant clair et chant saturé sur tout l’album, avec quelque chose de plus solennel dans ses intonations sur le chant clair, mais aussi sur ses parties plus écorchées.
Si dans la forme, il n’y a rien de foncièrement original dans la musique proposée ici, l’on a toutefois de nombreux détails qui font la différence sur cet album, et qui mettent tout autant en exergue l’inspiration de Sakis Tolis, que l’origine géographie de ce projet, évidemment serais-je tenté de dire. En premier lieu, ce qui dénote pas mal sur cet album, ce sont les nombreux monologues qui sont présents sur quasiment tous les titres, le plus souvent en début ou en fin de morceau, et qui sont partagés par plusieurs orateurs. Cela renforce cet aspect mystique qui émane de cet album et nous rappelle aussi d’où proviennent la tragédie et le théâtre. C’est bien plus qu’un gadget, cela apporte une réelle profondeur à l’ensemble. L’on a aussi cette coloration sonore qui est clairement inhérente à l’origine géographique de ce projet. Je veux dire par là que l’on retrouve ici ce mélodisme à la grecque, si je puis dire, quelque chose d’assez lumineux par certains aspects, mais plutôt dans le sens rouge flamboyant, à l’image de la couleur utilisée sur la pochette de cet album, que quelque chose de plus grisâtre. Même si l'on peut y retrouver aussi une facette plus nostalgique sur cette offrande. Et l’on a un peu la consécration de ces différents éléments sur la reprise du Nocturnal Hecate de Daemonia Nymphe dans une version métallisée ici, et qui ne trahit guère la version originale.
Faire du neuf avec du vieux, c’est presque ainsi que l’on pourrait résumer, et de manière très triviale voire très simpliste, ce Among the Fires of Hell. Ce serait quelque chose de complètement injuste tant Sakis Tolis nous a proposé ici une quarantaine de minutes de musique toute aussi envoûtante que prenante, montrant aussi bien toute l’expérience acquise par le musicien depuis toutes ces années, qu’une inspiration qui ne semble aucunement se tarir. Si cet album renvoie à une période musicale désormais révolue de son projet principal, il ne faut en aucun cas y voir une volonté de ressortir des titres enfouis dans une vieille malle depuis une vingtaine d’années. Les neufs titres que l’on retrouve ici ne sont aucunement des rebus mais de très bons titres, qui dévoilent leurs charmes au fil des écoutes. C’est d’ailleurs l’une des forces de cet album, c'est qu’au-delà d’une simplicité apparente lors d’une première approche, l’on y retrouve une certaine profondeur au grès des écoutes, et c'est ce supplément d’âme qui est la marque des bons albums. Et puis, s’il y a une coloration un peu nostalgique dans cette musique, elle nous renvoie aussi à une période, la fin des années mille neuf cent quatre vingt dix, où l’on avait pas mal de formations qui mettaient en avant d’autres influences et qui n’avaient pas peur de faire évoluer leur musique, quitte à perdre pas mal de fans dans l’opération. Bref, cet album séduira bien évidemment les amateurs du Rotting Christ de la fin des années quatre vingt dix, mais également toutes celles et tous ceux appréciant ce gothic metal qui n’a pas peur de mettre en avant ses facettes plus extrêmes et métalliques. Me concernant, cela fait plusieurs mois que je reviens très régulièrement sur cet album sans m’en lasser et j’espère qu’il y aura une suite à ce premier jet bien plus que prometteur.
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