Messe Mortuaire - Nocturnal Demonic Visitation
Chronique
Messe Mortuaire Nocturnal Demonic Visitation (EP)
Nouveau venu au sein du paysage Death Metal hexagonal, Messe Mortuaire n’est autre que la réincarnation d’un vieux groupe lillois plus connu sous le nom de Sepulchral. Ce dernier, formé en 1989, n’aura été actif que jusqu’en 1993 avant de finalement raccrocher les gants pendant près de vingt ans. De retour aux affaires en 2015, la formation ne proposera qu’un maigre single suivi la même année par une nouvelle démo avant de baisser les bras une fois de plus. Quelque peu excédé par cette situation pour le moins frustrante, deux anciens Sepulchral choisiront de réactiver la bête, profitant de l’occasion pour inviter quelques camarades dignes de confiance à participer à cette nouvelle aventure menée désormais sous le nom de Messe Mortuaire.
Bien décidés à conjurer le sort et à en finir avec les démos à la portée pour le moins anecdotique, le groupe décide de sortir en mars 2022 un premier EP auto-produit disponible alors uniquement sur Bandcamp. Quelques semaines plus tard, le groupe annonce l’arrivée d’une version CD grâce au soutien du label grec Repulsive Echo Records (Create A Kill, Ectoplasma, Malevolent Creation, Gutted, Morta Skuld...) à laquelle succèdera très prochainement une version vinyle sous les couleurs du label allemand Iron Bonehead Productions. Oui, vous en conviendrez, tout cela est en effet plutôt engageant.
Intitulé Nocturnal Demonic Visitation, ce premier EP laisse d’emblée trainer quelques indices quant à son contenu, principalement à travers cet artwork signé Diana "Rottenhead" Quevedo dont le trait, la thématique et les couleurs ne sont pas sans rappeler l’une des figures majeures de l’illustration française (et si vous ne l’avez pas c’est que vous n’écoutez pas suffisamment Archgoat, Beherit et Incantation). Aussi, comme le suggère en effet cette œuvre morbide et malfaisante, Messe Mortuaire n’est pas là pour participer à un concours de QI. Après une introduction en bonne et due forme sur fond de cloche ecclésiastique, de murmures fantomatiques et de cordes angoissantes, Messe Mortuaire va très vite poser les bases de son identité sonore grâce tout d’abord à une production ne craignant pas les partis pris. Pour commencer, il y a ces guitares particulièrement épaisses dont les riffs malfaisants bourdonnent telle une menace insidieuse que l’on devine plus que l’on ne perçoit véritablement. Une approche sournoise qui n’est pas sans rappeler ce que l’on peut trouver chez des groupes tels que Portal, Impetuous Ritual, Antediluvian ou bien encore Abyssal. Il y a également cette basse ultra-saturée qui la plupart du temps semble se confondre avec les guitares par ce côté très dense et impénétrable. Enfin ce chant (ou plutôt ces borborygmes morbides et marécageux) que Messe Mortuaire a choisi d’exposer très en avant dans le mix final. Bref, quelques prises de positions qui concourent ainsi à une identité très marquée en dépit d’une approche finalement assez peu originale.
En effet, on ne peut pas dire que Messe Mortuaire se soit fixé pour mission de révolutionner quoi que ce soit avec sa musique. Alors effectivement, pas besoin d’avoir fait Saint-Cyr pour s’en rendre compte puisque là encore, l’artwork de Diana Quevedo est suffisamment parlant pour savoir à peu près à quoi s’attendre à l’écoute de ce premier EP. Mais cette évidence, les Lillois prennent également un malin plaisir à l’entretenir à travers ce Death Metal qui doit autant à Archgoat qu’à Incantation, Drawn And Quartered ou Portal. Des premiers, Messe Mortuaire a repris ce côté bestial et monolithique à travers des séquences constituées notamment de riffs primitifs que le groupe n’hésite pas à répéter (la première partie de "Nocturnal Demonic Visitation" par exemple). Des seconds (et donc des troisièmes), on va retrouver ces atmosphères blasphématoires et fuligineuses, quelques harmoniques sifflées comme sur "Nocturnal Demonic Visitation" à 1:53 ainsi qu’un goût particulièrement prononcé pour cette alternance d’accélérations sauvages et expiatoires (avec tout de même en sus un petit côté foutraque qui rajoute pas mal de charme à l’ensemble) et de passages nettement plus pesants ("Nocturnal Demonic Visitation" à 1:22 et 2:43, l’essentiel de "Vampyrum Spectrum", "Filius Diaboli" à 0:57 et 2:57). Enfin des quatrièmes, on l’a déjà vu plus haut, cette densité dans le riffing et ces bourdonnements diffus qui lui donnent un aspect encore un petit peu plus menaçant. Pour autant, si ces parallèles peuvent sembler relativement évidents, Messe Mortuaire réussit le tour de force de ne pas sombrer dans un mimétisme pur et dur qui aurait pu lui être pénalisant. Au contraire, grâce essentiellement à ces choix réalisés en matière de production (auxquels peuvent s’ajouter ce chant et cette approche un poil plus bancale), les Français réussissent à tirer leur épingle du jeu et ainsi à s’approprier ces influences pour un résultat finalement assez personnel malgré une absence flagrante d’originalité.
Bien qu’il soit très clair que Messe Mortuaire ne bouleversera pas le petit monde du Death Metal, son interprétation relativement personnelle d’une formule éprouvée depuis maintenant un paquet d’années donne lieu ici à un premier EP particulièrement convaincant qui laisse espérer, on l’espère, de bonnes choses pour la suite. Une suite à laquelle les Lillois travaillent d’ores et déjà d’arrache-pied puisqu’un single est déjà paru en juin de l’année dernière. En attendant de voir ce que Messe Mortuaire nous réserve, vous autres lecteurs seraient bien avisés d’y jeter une oreille attentive, surtout si les groupes mentionnés à travers cette chronique sont du genre à susciter chez vous un brin d’enthousiasme et de déférence.
| AxGxB 18 Janvier 2023 - 736 lectures |
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