Sinister - Cross The Styx
Chronique
Sinister Cross The Styx
Débutée en 1988 à Schiedam, Pays-Bas, la carrière de Sinister n’a jamais été ce que l’on peut appeler un long fleuve tranquille. En effet, si la formation toujours en activité continue d’aligner les sorties à un rythme tranquille mais néanmoins régulier, celle-ci n’en a pas moins enchainé les galères pendant ses vingt-cinq années d’exercice. Outre une interruption de service momentanée survenue entre 2003 et 2005, le groupe a vu également se succéder un nombre impressionnant d’individus entre ses rangs puisqu’en effet c’est près d’une trentaine de musiciens qui ont aidé à façonner l’histoire de Sinister durant ce premier quart de siècle. Seul rescapé de la première heure, Aad Kloosterwaard (ex-Thanatos, ex-Supreme Pain, ex-Houwitser...) passé depuis maintenant plusieurs années (2005) de la batterie au chant.
Alors si les Néerlandais ont été plutôt bien suivis ici sur Thrashocore, vous avez quand même dû vous apercevoir qu’il manquait tout de même quelques albums pourtant dignes de figurer dans ces mêmes colonnes. À ce titre, permettez-moi d’entamer un nouveau chantier de réhabilitation en évoquant par écrit lors des prochaines semaines les trois premiers albums de Sinister. Un travail de mémoire indispensable pour tout webzine Metal "à tendance brutale".
Paru le 1er janvier 1992 sur Nuclear Blast Records, Cross The Styx est le premier album des Néerlandais qui à l’époque étaient constitués de Mike Van Mastrigt (Houwitser, ex-Neocaesar), André Tolhuisen (ex-Vulture), Ron Van De Polder (Weapons To Hunt, ex-Ceremony, ex-Monastery) et bien évidemment Aad Kloosterwaard. Faisant suite à une série de démos, EPs et autres splits parus entre 1990 et 1992, ce premier longue-durée aura notamment permis à Sinister de s’imposer non pas parmi les chefs de file du Death Metal européen déjà bien installées mais parmi tous ces seconds-couteaux de choix capables de tirer leur épingle du jeu.
Produit par Mathias Röderer (guitariste d’Atrocity et de Leaves’ Eyes) et Falk Gruber (producteur allemand ayant notamment collaboré avec des groupes comme Atrocity, Cemetery, Dawn Of Winter, Nyctophobic...), Cross The Styx bénéficie encore aujourd’hui d’une production particulièrement solide en dépit de quelques stigmates trahissant quelque peu son âge relativement avancé (je pense notamment à cette batterie un brin maigrelette). À titre personnel, je reste sous le charme de ce son de guitare sec et abrasif qui participe grandement à la nervosité de l’ensemble.
Comme tous ces albums de seconde division fondamentalement indispensables mais parus souvent trop tard (entre autres petits désagréments) pour espérer pouvoir faire la différence, Cross The Styx ne constitue en aucun cas une révolution dans le milieu du Death Metal. Il n’en reste pas moins un disque essentiel qui encore aujourd’hui n’a pas à rougir face à la concurrence. Un disque à la fibre américaine plutôt qu’européenne puisqu’il laisse poindre en effet l’influence majeure de groupes tels que Deicide ou bien encore Malevolent Creation. C’est donc dans le registre d’un Death Metal aux très forts relents Thrash qu’évolue Sinister pendant ces trente-neuf minutes où se mêlent à la perfection agressivité, groove et intensité. Une mélange savamment orchestré qui voit ainsi se succéder, bien souvent au sein d’une même composition, coups de boutoirs à la fois redoutables et implacables ("Perennial Mourning" à 0:04, "Sacramental Carnage" à 1:15, "Doomed" à 2:22, "Spiritual Immolation" à 1:33, "Cross The Styx" à 2:21 et j’en passe), accélérations thrashisantes un poil plus "tranquilles" mais certainement pas moins convaincantes ("Perennial Mourning" à 0:48, "Sacramental Carnage" à 0:55, "Cross The Styx" à 2:32, "Perpetual Damnation" à 1:53...) et enfin séquences chaloupées ayant pour elles ce groove particulièrement délectable qui participe à faire de Cross The Styx un album ô combien efficace et fédérateur (les premières mesures de "Cross The Styx", "Compulsory Resignation" à 2:43, "Corridors To The Abyss" à 1:35, "Putrefying Remains" à 2:02, "Epoch Of Denial" à 0:59...).
Mais cette variété dynamique ne serait rien ou presque sans les riffs hyper efficaces et particulièrement nerveux d’André Tolhuisen et Ron Van De Polder. Les deux hommes, sans briller par leur technique ou bien leur originalité, parviennent à convaincre sans aucune difficulté grâce à un jeu taillé pour ce genre d’exercice. De "Perennial Mourning" à "Sacramental Carnage" en passant par "Doomed", "Compulsory Resignation" ou "Corridors To The Abyss", difficile de ne pas succomber aux charmes de ces riffs rugueux, ciselés et vifs. On appréciera également de voir le duo s’adonner à quelques solos forts sympathiques histoire d’apporter un soupçon de mélodie tout en entretenant le caractère résolument intense de ce premier album ("Sacramental Carnage" à 2:38, "Doomed" à 4:00, "Compulsory Resignation" à 3:21 ou bien encore sur les dernières secondes de "Corridors To The Abyss" et "Putrefying Remains"...). Bref, un travail qui trente et un ans plus tard peut sembler anodin et peut-être un brin désuet face à ces groupes modernes qui ont fait de la technique un leitmotiv mais le fait est que Cross The Styx a su pourtant conserver toute sa saveur et sa pertinence.
Comme beaucoup d’autres premiers albums tout aussi solides parus au début des années 90, Cross The Styx n’avait aucune chance de pouvoir supplanter la concurrence qui, on l‘a déjà dit, avait déjà à l’époque pignon sur rue. De fait, il n’y a rien de surprenant à ce que Sinister ne soit pas le premier groupe auquel on pense lorsque l’on évoque l’essor de la scène Death Metal en Europe et même aux Pays-Bas. Pour autant, la formation n’a jamais démérité et prouve avec ce premier album (et les deux qui suivront) qu’elle est de celles sur qui il fallait pourtant compter. En effet, difficile de ne pas succomber aux atouts de ce Cross The Styx qui offre agressivité, groove et intensité dans un mélange à la fois équilibré mais avant tout hyper efficace. Bref, il était temps que l’on chante les louanges de ce premier album, c’est aujourd’hui chose faite. Du coup, si vous n’avez jamais posé vos oreilles sur celui-ci, vous savez maintenant ce qu’il vous reste à faire.
| AxGxB 6 Septembre 2023 - 1164 lectures |
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