Trois ans. C'est le temps qu'il aura fallu pour découvrir la suite donnée à l'excellent
"Dying Emotions Domain", sorti conjointement par Sich Productions et Oriana Productions en 1998. Toujours sous la houle du seul, de l'unique Roman Blagih,
Astrofaes continue son petit bonhomme de chemin en terres Slaves. Et là où les amateurs crurent pouvoir retrouver un Thurios la tête dans les nuages, ce dernier prendra plus ou moins tout son monde à revers, en accouchant d'un disque qui s'imposera, au fil des écoutes, comme l'un des plus directs, et des plus violents, de sa discographie : le bien-nommé
"The Eyes of The Beast".
Mis en boîte au tout début de l'année 2000 par Dmytro Bonbarenko (également responsable du
mix chez
Dub Buk ou
Khors à cette époque), ce troisième long-jeu d'
Astrofaes attaque le nouveau millénaire le sabre entre les dents. Moins rêveur que prédateur. Le duo Thurios / Khorus, toujours avec Khaoth en frappeur de session, met au second plan l'esprit qui vagabonde, l'envie de tutoyer les étoiles, pour coiffer sa natte, lustrer ses moustaches, et enfiler son casque. A l'image de sa pochette - dont l'esprit fut toujours conservé au fil des
repress successifs (à l'exception de celui de Negative Existence),
"The Eyes of the Beast" place l'auditeur dans la peau d'une bête fantasque, hantant les sous bois, cherchant sa pitance - ou d'un enraciné cherchant à défendre son pré carré, quoiqu'il en coûte, même en plein blizzard.
Cru, l'album l'est. On ne changera jamais une équipe qui gagne - et c'est aussi ce qui confère à cet opus une âme incroyable. Conjuguez ces guitares abrasives et cette batterie pas toujours sur les temps, sa caisse claire claquant sèchement chaque blast-beat, chaque rythmique un peu tribale figurant le fracas de l'acier contre une levée de bouclier, avec le chant râpeux d'un Thurios plus en gorge que jamais, baignez l'ensemble dans un brouillard épais, flocons soufflés par chacun des pas qui s'enfoncent dans la neige, matérialisé par ces claviers d'un autre âge (le mid-tempo du morceau éponyme ouvrant le disque), et vous aurez une idée des températures glaciales qui vous attendent tout au long des quarante minutes de
"The Eyes of the Beast".
Bien au-delà du côté ouvertement frontal de ce troisième disque d'
Astrofaes, l'on retrouve une bonne partie de ce qui fait tout le sel de la formation : ses riffs. Ceux dont seul Thurios a le secret, ces lignes tour à tour mélodiques (cette guitare sèche enregistrée avec les moyens du bord venant hanter la doublette "Days of Darkness" / "Damnation of Silence" qui clôt le disque), pesantes ("And Winter Will Rise"), voire sentencieuses (l'ouverture de "Secret of Eternal Forests", suivie de cette rythmique presque dansante, complètement flinguée), qui font systématiquement bouillir le sang. Les poings se serrent, les sourcils se froncent. Aux images romantiques,
pagano pouet-pouet, succèdent des visions de ruine, d'étendues glacées, et l'odeur du sang. Une sorte de colère sourde, mais résignée. Je retrouve, au détour de ces parti-pris, ces choix artistiques (pas toujours heureux), des sensations qui préfigurent l'exceptionnel
"...Those Whose Past Is Immortal", qui sortira quatre ans plus tard.
"The Eyes of the Beast" est un bon disque, c'est indéniable. En tout cas, un bon défouloir, une sortie Black Metal au sens strict, qui remplit minutieusement les exigences du cahier des charges. Oui, ça blaste, ça hurle. Oui, il y a des samples de vent, du chant grave, - et oui, ça prend aux tripes. Mais je crois que je continuerai à préférer
Astrofaes lorsqu'il n'oublie pas de parsemer ses assauts de petites touches de mélancolie, sculptées par ces lignes de clavier caractéristiques ou ces incursions folkloriques, toujours fort à-propos. La preuve : ce ne sont même pas les parties amplifiées (pourtant fort réussies) que je passe en boucle, sur ce disque. Mais bel et bien celles qui calment le jeu, permettant à
Astrofaes d'affiner son propos, de distiller la nostalgie, la tristesse, comme sur cette somptueuse (et bien trop courte) interlude qui scinde "The Light of Blood and Pain" en deux, et termine de m'enterrer à chaque écoute. Disons simplement que j'aime bien l'ambiance "béhourd à Isola 2000", mais préfère nettement le survol des paysages et les souvenirs contés par des orateurs passionnés.
Le groupe ne chômera pas, et reviendra dès l'année suivante avec un tout nouveau disque,
"Ancestors' Shadows", qui parviendra à un équilibre quasi-parfait entre véhémence et rêverie. Mais ça, nous en parlerons dans un prochain épisode.
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