Suivre les pérégrinations musicales de Lord Valtgryftåke s’avère aujourd’hui compliqué dans la mesure où celui-ci enchaîne les sorties comme une pute les passes au bois de Boulogne. Un rythme pour le moins effréné (pas moins de six parutions différentes depuis le début de l’année) que je tente tant bien que mal de suivre de près même si, comme souvent, j’accuse pour le coup un petit peu de retard...
Paru en mars 2023,
Ulvmonddomānen est le deuxième album de Ründgard. Celui-ci fait suite à un split intitulé
Die Anthologie Des Finsteren Antiquars sur lequel Lord Valtgryftåke la jouait solo en compagnie de quatre autres projets auxquels il participe (Flammis Maledictis, Gryftigæn, Thagirion Altars et Moonrise Kingdom) et surtout à un premier album particulièrement plaisant au sujet duquel j’avais également rédigé une petite bafouille (
Stronghold Of Majestic Ruins). Pour cette nouvelle sortie, le Chilien s’en est allé collaborer non plus avec les Portugais de Signal Rex mais avec les Lithuaniens d’Inferna Profundus Records. Une collaboration qui n’a rien de surprenante puisqu’on lui doit déjà pas mal d’autres sorties marquées du sceau de Lord Valtgryftåke (Gryftigæn, Winterstorm, Old Castles, Lord Valtgryftåke, Mánþiel).
Alors le sud-américain aurait très bien pu se contenter de reprendre les choses là où il les avait laissé mais
Ulvmonddomānen est l’occasion pour lui non pas d’explorer de nouveaux horizons mais de se montrer tout simplement un poil plus ambitieux en élargissant notamment son champ des possibles. Aussi, à la différence de son prédécesseur marqué par une production particulièrement nerveuse et abrasive, ce nouvel album nous offre quelque chose de plus lointain et diffus. Une approche beaucoup plus atmosphérique que Ründgard va entretenir tout au long de ces quarante-trois minutes par l’usage quai-systématique d’un clavier dont les nappes synthétiques et majestueuses évoquent tout autant l’immensité de l’espace (Darkspace et la scène symphonique scandinave des années 90 (Limbonic Art et Odium en tête) n’est en effet jamais très loin) qu’une certaine vision romantique du moyen-âge.
Ce changement n’est pas le seul constaté à l’écoute de ce deuxième album puisqu’à y regarder de plus près on remarque également que la durée des compositions s’est sensiblement allongée. Aussi à l’exception d’un "Descent Above The Southern Mist" qui sert ici d’introduction, le titre le plus court de ce nouvel album est affiché à plus de cinq minutes alors que les quatre dernières compositions oscillent quant à elles entre sept et onze minutes. Moins direct que
Stronghold Of Majestic Ruins,
Ulvmonddomānen va donc entretenir un caractère souvent plus lancinant et répétitif comme c’est le cas par exemple sur la première moitié de "Dominions Of Unveiled Grim Obedience", "Unhallowed Visions Of Monumental Black Arts" ou bien encore "Constellations Of The Ancient Mirrors". Autre particularité, ces nombreuses transitions instrumentales exécutées le plus souvent à coups de synthétiseurs et autres samples estampillés Natures & Découvertes. Des instants qui généralement prennent le temps de se développer et qui vont notamment permettre de rompre momentanément avec la dynamique et l’élan du moment avant de repartir finalement de plus belle ("Stormwinds Of Frozen Fortresses" à 5:45, "Dominions Of Unveiled Grim Obedience" à 5:57, les deux dernières minutes de "Unhallowed Visions Of Monumental Black Arts", cette chouette séquence sur fond de guitare acoustique entamée sur "Immortal Frostbite Times & Dust" à compter de 2:26).
Si le Black Metal de Ründgard semble faire désormais la part belle aux atmosphères, il n’en oublie pas pour autant de cravacher lorsqu’il le faut. Mené pour l’essentiel pied au plancher, "Stormwinds Of Frozen Fortresses" enchaîne ainsi les séquences bourre-pif, notamment à coups de blasts soutenus et autres accélérations Punk aussi rudimentaires qu’efficaces. Et si la suite fait preuve de davantage de retenue, il n’est pas rare de retrouver tout de même quelques moments plus musclés comme sur "Dominions Of Unveiled Grim Obedience" à 3:24 ou 7:31 ou "Unhallowed Visions Of Monumental Black Arts" à 2:23 et 4:59. Des titres comme "Constellations Of The Ancient Mirrors" ou "Immortal Frostbite Times & Dust", s’ils ne proposent pas de séquences aussi haletantes, ne manquent pourtant pas d’allant. Bref, si Ründgard verse effectivement dans un Black Metal dit atmosphérique, il n’en oublie pas pour autant de nuancer son propos et ainsi de varier les plaisirs pour la plus grande satisfaction des auditeurs.
Comme souvent, le risque lorsque l’on multiplie les projets est de tomber dans la redite et surtout de finir par proposer des choses sans grand intérêt ou à la qualité pour le moins discutable. Pourtant, à l’image de ce que propose le Suédois Swartadauþuz, Lord Valtgryftåke mène sa barque avec beaucoup de brio. On peut évidemment ne pas adhérer à certains choix de productions qui confèrent à ces divers projets un côté cru et primitif qui ne sciera pas à tout le monde mais dans l’ensemble il n’y a pas grand chose à jeter dans ce que nous offre régulièrement le Chilien. En l’état, ce deuxième album de Ründgard, même s’il diffère quelque peu de son prédécesseur, s’impose comme une sortie solide sur laquelle on reviendra avec toujours beaucoup plaisir. Un disque de Black Metal atmosphérique efficace et habité qui sans rien révolutionner fait tout de même son petit effet.
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